Le discours d’un roi qui fait parler

SPAIN-ROYALS-CATALONIA

Ici et là en France, les commentateurs se font plutôt sévères à l’égard du roi d’Espagne Philippe VI, après son intervention télévisée de mardi soir durant laquelle il a fustigé le comportement du gouvernement sécessionniste de Catalogne. C’est vrai qu’en France, on aime bien les rois et les reines, mais à condition qu’ils soient bien sages dans leur joli carrosse, histoire d’alimenter le moulin à parole de Stéphane Bern, héritier putatif du regretté Léon Zitrone. En gros, tais-toi et sois beau, mon Fifi !

Ouest-France, par exemple, titrait mercredi : "Le roi Felipe VI d’Espagne a dépassé ses pouvoirs." Et de développer les arguments de Silvio Falcon, professeur de droit constitutionnel à l’université de… Barcelone. Ainsi, ce constitutionnaliste rappelle que le roi, selon les termes même de la Constitution espagnole, a pour charge de "modérer et d’arbitrer le système politique". Et d’expliquer dans la foulée que "son rappel à l’ordre constitutionnel n’est pas de l’arbitrage". Question de point de vue…

Alain Duhamel, l’inoxydable chroniqueur politique, quant à lui, dans son éditorial du 4 octobre sur RTL, estime que, tout simplement, le roi Philippe VI "a mal fait son métier de monarque". Cruel jugement à l’égard de ce descendant direct de Louis XIV qui coucha sur le papier ses Réflexions sur le métier de roi !

Explications de celui qui a un avis sur tout depuis près d’un demi-siècle où le monde va où il va. "Au minimum, c’est une occasion manquée, au maximum, c’est une maladresse mal venue", estime le journaliste. "Il faut se rendre compte que le roi d’Espagne est un monarque constitutionnel, donc il n’a pas de pouvoir politique." Comme si monarque constitutionnel signifiait potiche enrubannée ! Allez demander au prince de Monaco, monarque constitutionnel, s’il est sans pouvoir…

Alain Duhamel poursuit : "En revanche, il incarne une grande charge symbolique. Une intervention en période de crise du monarque à la télévision, c’est exceptionnel. Le seul vrai précédent, c’était en 1981. Juan Carlos, le père de Philippe VI, qui à un moment où il y avait eu une tentative de coup d’État d’extrême droite pour revenir à la dictature… Il incarnait à la fois la Constitution, la loi, la démocratie et le rassemblement et l’unité." Interprétation très personnelle du rôle du monarque : en 1981, le roi devait intervenir car c’était l’extrême droite qui menaçait. En revanche, en 2017, le roi devrait se taire, lorsque l’extrême gauche menace l’unité du royaume.

Il faudrait donc que Philippe VI se contente d’être un roi thaumaturge, version moderne : c’est-à-dire un Bisounours compassionnel. On en a déjà plein les rayons, en Europe ! Le roi "n’a pas eu un mot de regret pour les violences, n’a pas mis en cause les ratés de la police ni appelé au dialogue", martèle le journaliste. Il me semble, au contraire, que si le roi avait fait cela, il serait sorti de son rôle d’arbitre et serait entré dans le jeu politicien.

Un détail à rappeler, tout de même : le 19 juin 2014, le roi Philippe a prêté un serment solennel. "Je jure de remplir fidèlement mes fonctions, de respecter et faire respecter la Constitution." Les nostalgiques d’une monarchie très catholique peuvent regretter le manque de verticalité de ce serment, mais il a au moins le mérite d’être clair. En France, on n’en demande pas tant à nos Présidents qui ne prêtent pas serment…

Alors que le gouvernement catalan annonce qu’il va proclamer la république en Catalogne la semaine prochaine, l’incarnation du principe monarchique pouvait-il alors se taire ou se contenter d’ânonner des gentillesses consensuelles ? Fallait-il qu’il attende un peu, que l’irréparable soit commis ? Peut-être. Il aurait alors pu revêtir son uniforme, comme son père en 1981…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 19:08.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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