Discours de Macron à Pithiviers : le nouveau monde fait du vieux avec du vieux

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Commençons par un rappel « pour le lecteur pressé », comme on dit. Il y a 80 ans, les 16 et 17 juillet 1942, la police française arrêtait 13.000 Français juifs, puis les parquait au Vélodrome d'Hiver, dans le XVe arrondissement de Paris. Ces prisonniers furent ensuite répartis dans deux gares de triage (Beaune-la-Rolande et Pithiviers) avant d'être déportés. Très peu d'entre eux revinrent des camps de concentration. S'agit-il de l'une des heures les plus sombres de notre Histoire ? C'est aux vainqueurs de le dire, comme toujours. En revanche, évidemment, c'est une tragédie, comme souvent pendant les guerres. La commémoration du Vel' d'Hiv' nécessite-t-elle un énième « discours offensif », comme les services de l'Élysée l'ont annoncé avec gourmandise, il y a quelques jours ?

Il y eut, tout d'abord, un petit mot d'Éric de Rothschild, président, entre autres, du Mémorial de la Shoah, pour introduire Emmanuel Macron, ancien employé de son cousin. Il n'est pas certain que l'antisémitisme des banlieues recule significativement avec de tels invités d'honneur. Petit faux pas, peut-être.

Et Macron, alors ? Oh, pas grand-chose. Chirac avait ouvert la voie à la flagellation a posteriori. Macron s'est borné à rappeler, avec ce mélange de lyrisme bon marché, de grandiloquence creuse, de bons sentiments neuneus et de cours d'histoire revisités par l'Éducation nationale, que la France était méchante. Héritière de l'humanisme, des Lumières, des droits de l'homme et tutti quanti, la France, selon Macron, a trahi ses valeurs universelles, qui existent depuis sa naissance, en 1789. Certes, le Président a notamment rappelé la lettre écrite par le cardinal Saliège, les petits mouvements de révolte ou d'opposition, les Compagnons de la Libération. On connaît déjà tout ça. Interminable anaphore en « Elle vivait... », pour parler de la France qui s'est opposée aux soumissions vichystes, envolées poétiques au ras du sol... l'indigestion n'est pas loin.

À quoi Macron a-t-il servi, une fois de plus ? En quoi s'est-il attaché à corriger les discours réducteurs, en quoi a-t-il été particulièrement « offensif » sur la question de l'antisémitisme - et, d'ailleurs, en quoi le peuple français, écrasé de culpabilités diverses, a-t-il besoin qu'on lui rappelle que « plus jamais ça » ? À qui s'adressait ce discours, alors ? Aux nouveaux antisémites dont parlait Alain Finkielkraut, issus de l'islamo-gauchisme ? Ce serait bien vu, ce serait peut-être même nécessaire... mais un discours lénifiant, ponctué d'appels aux valeurs de la République et de pleurniche bas de gamme, est-ce vraiment la meilleure façon de convaincre ces nouveaux antisémites ?

Il n'y a eu qu'un seul mot à proprement parler « offensif », largement applaudi, d'ailleurs : pour dire que Pétain et ses acolytes n'avaient jamais contribué à sauver des Juifs. Un mot contre Zemmour, en somme. Une phrase assassine contre un Juif patriote dans un discours contre l'antisémitisme contemporain, fallait oser. Décidément, rien ne l'arrête.

Bref, Macron se chiraquise : il s'accroche aux totems en carton-pâte de la République, il psalmodie les mêmes vieux éléments de langage, il gâtouille. Le nouveau monde, décidément, ne sait faire que du vieux avec du vieux.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

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