Pas une journée sans que la bien-pensance ne jette sa petite pierre contre Caroline Cayeux. Aujourd’hui, une tribune dans le JDD d’une centaine de personnalités - allant de Manuel Valls à Boris Cyrulnik - intitulée « À tous ces gens-là » s’insurge contre ses propos « homophobes » qui « meurtrissent personnellement beaucoup d’entre [eux], mais surtout qui mettent à mal [leurs] efforts quotidiens pour faire respecter les principes républicains dans notre territoire ». Comme si c'était la Manif pour tous qui ruinait ces fameux et fumeux « principes républicains » que l'on serait bien en peine de définir. Le moins que l’on puisse dire pourtant, comme l’a déjà écrit Iris Bridier dans ces colonnes, est que Caroline Cayeux est allée à Canossa sans barguigner. C’est à quatre pattes, et même en rampant, qu’elle est passée sous les fourches Caudines LGBTQ+. Ne reculant devant aucune flagellation pour ne pas être débarquée du gouvernement, elle a qualifié ses propres propos de « stupides et maladroits », « comprenant qu’ils aient pu autant blesser », et « renouvelant toutes ses excuses les plus sincères » car « ils ne reflètent pas du tout sa pensée ». Après cette séance d’autocritique stalinienne, aussi gênante que ridicule, on aurait pu imaginer que l’incident soit clos. Penses-tu ! Ses propos, paraît-il, n’avaient pas la « force de la sincérité ».

Vendredi, c’était Marlène Schiappa, en bonne copine - admirons la sororité qui règne au gouvernement… -, qui l’a toisée avec distance, sur France Inter : peut mieux faire.

Sur ces propos « bien évidemment » très blessants, Marlène Schiappa estime que les excuses ne suffisent pas. « Il faudra passer aux actes. » Quels actes ? Comme une grande pécheresse, après la contrition publique, la pénitence. Et la mortification. La prochaine Gay Pride, à genoux en robe de bure, en frappant sa coulpe ? Ou bien exhibée, les mains dans le dos, sur un char, pour que tout au long du trajet, elle puisse essuyer les crachats qu’elle mérite ? À moins qu'elle ne décide de faire don de sa fortune à des œuvres pies, des œuvres LGBTQ+, en somme. Sans oublier, bien sûr, c’est le moins, de la marquer à vie au front du sceau de l’infamie. Parce que cette nouvelle religion implacable ne connaît ni rédemption ni miséricorde.

Si le rétropédalage de Caroline Cayeux a suscité un bad buzz, elle n’est pas la seule à être pointée du doigt. Dans le magazine Têtu, le 11 juillet dernier, une pétition - dans laquelle on retrouvait notamment la signature de 50 députés - réclamait aussi « le départ » de deux autres ministres, Christophe Béchu et… Gérald Darmanin, du fait de leur « passé Manif pour tous ». Ni rédemption ni miséricorde, on vous a dit.

Nul n’ose plus faire remarquer, surtout pas les intéressés, qu’être en désaccord avec une loi n’a jamais fait de personne un délinquant. Qu’il est même autorisé de souhaiter, pourquoi pas, qu’elle soit abrogée. Être votée ne signifie pas être gravée dans le marbre à jamais, sinon ce pays ne serait jamais revenu, par exemple, sur la peine de mort.

Remarquons, au passage, que les compétences de Caroline Cayeux en matière de Collectivités territoriales importent peu. On s’en fiche même comme d’une guigne ; personne, ou presque, ne serait capable, du reste, de donner l'intitulé de son ministère. Seul compte le nombre de génuflexions devant les nouveaux dogmes de foi.

Pourtant, dans la vraie vie, quel est le principal grief de l’immense majorité des Français à l’endroit de Gérald Darmanin ? Le fiasco du Stade de France ou son soutien, en 2012, à la Manif pour tous ? Que reprochent-ils à Élisabeth Borne ? D’avoir nommé Caroline Cayeux ou d’avoir poussé à la fermeture de Fessenheim ?

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17 juillet 2022 à 19:05

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