Décentralisation, vraiment ?
Le chef de l'État a donc parlé dimanche dernier. Parmi les annonces attendues, des pistes pour la phase 3 du quinquennat, notamment sur la décentralisation, ont été évoquées.
De fait, le centralisme jacobin qui a présidé à la gestion de l'épidémie de Covid-19, entraînant l'imposition à tous des mesures inadaptées car prises depuis et en fonction de Paris, a été abondamment critiqué. Certes, les préfets ont bien été chargés d'adapter certaines mesures, en lien avec les maires ; mais on sait bien, sans nier leur valeur, que les préfets sont aux ordres directs du gouvernement, sous peine de mutation à grande vitesse. En attendant, toute la France a été confinée et toute la France va prendre de plein fouet la crise économique qui s'annonce.
Là où cela devient intéressant, c'est que le sujet de la décentralisation a bien été abordé ce dimanche soir, mais sans pour autant que le mot soit jamais évoqué. Le Président a loué « l'ingéniosité, l'efficacité et la solidarité » des forces vives de la nation et a souhaité que, pour l'avenir, des libertés et des responsabilités soient données « à ceux qui agissent au plus près de nos vies ». Bon, il n'a pas évoqué la famille, mais il ne faut pas trop lui en demander.
Ce souhait se rapproche donc plutôt de la définition de la subsidiarité que de la conception technocratique de la décentralisation.
La France souffre, en effet, de la conception jacobine de la politique qu'en ont nos dirigeants. Mais force est de constater que cette approche centralisatrice se retrouve à tous les niveaux du mille-feuille. Lorsque l'État transfère des compétences au régions, aux départements ou, plus récemment, aux métropoles – souvent sans les compensations financières qui devraient les accompagner, il faut le reconnaître –, on se rend compte à l'usage que ces entités concentrent le pouvoir financier et décisionnel, souvent dans un parfait mépris des niveaux inférieurs. J'exagère ? Un peu, probablement ; il est vrai que les régions sont des modèles de gestion.
Pour paraphraser Coluche : « Comment voudriez-vous que les dirigeants régionaux gèrent mieux que les dirigeants nationaux, ce sont les mêmes ? » Les différents niveaux de responsabilité sont vus par toute une partie de la classe politique comme un laboratoire, un tremplin pour ses ambitions nationales ; on a vu le résultat.
Cette approche de la décentralisation-subsidiarité par Emmanuel Macron pourrait aussi être un moyen de couper l'herbe sous le pied de ses potentiels concurrents pour 2022 ; en demandant que le pouvoir et l'initiative soient rendus à la base, il les prive d'une récupération à leur profit. Souhaitons également que cette intention ne fasse pas l'objet d'un encadrement serré par un énième comité Théodule qui s'attacherait, sous prétexte de les évaluer, à mettre sous le boisseau les initiatives intéressantes. Dernier bémol, enfin, le Président estime que ce transfert de libertés et de responsabilités est rendu possible par le travail d'arrache-pied du gouvernement en matière d'éducation, d'économie et de lutte contre les inégalités. Travail peut-être, résultats sûrement pas ; les gilets jaunes ont-il déjà été oubliés ? Espérons donc que ce projet ne sera pas une maison construite sur le sable de sa vision fantasmée de l'état de la France.
En attendant, cette déclaration sonne comme une brèche ouverte, une bonne occasion à saisir pour proposer, à tous les niveaux, des initiatives de reconstruction. Profitons-en, n'hésitons pas à bousculer l'inertie administrative et mettons ainsi le Président face à ses contradictions. Il faut, une fois pour toutes, que les politiques arrêtent de vouloir faire le bonheur de leurs administrés et limitent leurs interventions aux situations dans lesquelles le niveau inférieur ne peut agir.
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