Sur les marchés ou dans les cages d’escalier des années Pompidou, Gérald Darmanin aurait vendu des cravates jaunes à rayures vertes et pois violets à un curé traditionaliste, des batteries de cent casseroles à la petite dame qui vit seule ou encore des encyclopédies au quintal à des tribus d’analphabètes. C’est sa force, à Darmanin, le Sarkozy des corons, l’homme qui monte, qui monte dans le gouvernement.

On expulse. En tout cas, on dit qu’on va expulser. « Après coup », comme à chaque fois, souligne très justement, mercredi après-midi, au Sénat, Bruno Retailleau. On ferme. En tout cas, on dit qu’on va fermer des mosquées. En fait, on va demander de fermer celle de Pantin. Et on s’émeut. On est « choqué » (c’est le mot employé sur le plateau télé du jour par le ministre de l’Intérieur) qu’il y ait des rayons halal et casher dans les supermarchés. « Moi, ça m’a toujours choqué de rentrer dans un hypermarché et de voir un rayon de telle cuisine communautaire. » Jusqu’à maintenant, il gardait ça pour lui, tout au fond de son petit cœur meurtri. Et puis, là maintenant, il faut que ça sorte, qu’il l’exprime. Une cellule psychologique est possible.

On voit, d’ailleurs, poindre à l’horizon un projet de loi sur la composition des rayons dans les commerces d’alimentation. On prendra sans doute bien garde de différencier les hyper des super et autres « mini-markets », les zones touristiques ou pas touristiques, on tiendra compte des saisons avec, évidemment, les dérogations possibles en fonction de telle ou telle fête religieuse, sans oublier la question de la redynamisation des centres anciens... Allez, à vue de nez, une bonne centaine de pages avec de multiples renvois à un empilement de textes anciens, certains peut-être, pour le bonheur des archéologues législatifs, remontant à Charles X. Tout ça pour faire semblant de pas voir que l’on confond les symptômes avec la maladie.

Mais comme il ne faut pas donner l’impression qu’on s’en prend qu’aux mêmes, on évoque le rayon casher. Même si je ne suis pas un adepte de la promenade sabbatique en Caddie™, j’avoue n’en avoir pas beaucoup vu dans mon assez longue vie de consommateur. Mais bref...

Comme il ne faut surtout pas donner l’impression qu’on s’en prend qu’aux mêmes, donc, on s’invente, ou tout du moins on met en avant, un ennemi faisant le pendant du terrorisme islamiste. « La menace principale, prépondérante, c’est l’islamisme radical mais ce n’est pas la seule », nous dit le ministre de l’Intérieur. Menace ? Je sors mon dictionnaire et je lis : « Parole, geste, acte par lesquels on exprime la volonté qu’on a de faire du mal à quelqu’un. » Déjà, on a envie de lui dire, à Nicolas Darmanin, que cela fait bien longtemps, malheureusement, que l’ennemi islamiste a mis sa menace à exécution.

Et quelle est cette autre menace ? « Celle des suprémacistes blancs ». Invité sur le plateau de BFM TV, le ministre de toutes les polices révèle qu’il a eu « à connaître par la DGSI d’une opération qui a justement évité un attentat d’un suprémaciste blanc ». Aucune raison de mettre en doute la véracité de cette affaire. En revanche, quel était le degré de dangerosité de ce « suprémaciste blanc » ? Certes, l’homme détenait des armes chez lui et est aujourd’hui derrière les barreaux, révèle le ministre. C’est très bien. Mais est-il un fou dangereux ou un pied nickelé, un isolé ou le membre d’un vaste réseau ? On n'en sait rien. Et mettre, en quelque sorte, en parallèle un attentat qui aurait pu être commis avec des dizaines d’attentats islamistes qui ont effectivement été commis et les dizaines, voire centaines, d’autres qui ont été déjoués, toujours par des islamistes, semble un peu osé, voire indécent.

Il y a peut-être une menace d'attentat de suprémacistes blancs, mais il y a surtout la réalité du terrorisme islamiste. Le bagout du marchand de cravates aura du mal à convaincre les Français du contraire.

8671 vues

21 octobre 2020 à 20:17

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.