La pire injure à la mémoire de Samuel Paty, c’est le hors-sujet
Depuis 2012, 2015, à chaque attentat, qui est, en même temps qu'une explosion de douleur et d'émotion, une manifestation de la vérité sur le totalitarisme islamique qui nous mine et nous tue, « une bataille s'est engagée », pour reprendre les mots d'Alain Finkielkraut, entre « le parti du sursaut » et « le parti de l'Autre », le parti des accommodements et des compromissions. En 2015, comme lui, j'avais été naïf, je pensais que la tuerie, par ses cibles, par le parcours de ses auteurs, par le traumatisme collectif, allait faire bouger les lignes, les consciences, les choses. Oui, il y eut traumatisme dans les salles des profs, mais le parti des accommodements reprit vite le dessus et, faut-il le dire, la décapitation d'Hervé Cornara, en fin d'année scolaire, en 2016, ne remua pas beaucoup le corps enseignant. J'en eus honte.
Et aujourd'hui ? Effectivement, la décapitation de Samuel Paty ordonnée par une fatwa, pour citer M. Darmanin, de parents d'élèves remue profondément. À juste titre. Mais jusqu'où ? Jusqu'à quand ?
En effet, à quoi assiste-t-on ? Aux mêmes discours, avec un cran de fermeté supplémentaire ? On aimerait y croire. La rhétorique du « Nous sommes en guerre », nous y avons eu droit en 2015, avec Manuel Valls. Emmanuel Macron est sur la même voie, avec son « ¡No pasarán! » ridicule, et un garde des Sceaux bien mal placé pour mener cette guerre qui, qu'on le veuille ou non, ne se fera pas seulement avec des crayons, des mots, des manifestations et des bougies. Il faudra, comme dans toute guerre, si les mots ont un sens, des mesures d'exception, du courage. On ne les voit pas encore.
Mais on assiste aussi à une nouvelle étape dans cette course entre les deux partis.
Du côté du « sursaut », on voit des ralliements, plus ou moins opportunistes, qui sentent que peut-être, un jour, on pourrait leur reprocher leurs atermoiements, leur complicité. Le mot « collabo » a repris du service, visant ceux qui n'ont cessé d'ouvrir les portes de la République - et du pays- à l'islam et à ses exigences. On découvre aussi, à l'occasion de cet assassinat, ourdi par tout un terreau très actif, que la chaîne des complicités, à des degrés divers, peut remonter loin, que ce CCIF aujourd'hui dans la ligne de mire (Emmanuel Macron aura-t-il le courage d'aller jusqu'à sa dissolution ?) était fréquenté et choyé par tout un pan de nos élites politiques - M. Darmanin, parmi tant d'autres...
Et puis, on constate avec tristesse que le parti du « regardons ailleurs », de l'autruche, est toujours vivace. Il est parfois pathétique, pitoyablement ridicule même, comme cette militante CGT qui s'en prend à « la frange la plus réactionnaire de l'Église catholique » ou M. Darmanin pointant la menace, en France, des « suprémacistes blancs » ! Mais il y a aussi M. Mélenchon et la « communauté tchétchène », Mme Avia et M. Barbier qui sortent de leur boîte pour appeler à légiférer contre la liberté d'expression... Ironie tragique.
Je l'appellerai le parti du hors-sujet, qui se débat d'autant plus maladroitement qu'il sent que l'heure est bientôt venue de rendre les copies.
Une guerre a un ennemi, cet ennemi a des relais, des complices, toute une idéologie, et cet islamisme a à voir avec l'islam. On pourra tergiverser, contourner, on n'échappera pas à cette vérité, au sujet. Sans cette prise de conscience et les conséquences concrètes qu'elle impliquera sur les refus et les exigences que les institutions - d'abord l'École - doivent imposer, l'assassinat de Samuel Paty aura été vain et nous continuerons à nous mentir.
La responsabilité du corps enseignant est grande et son basculement du côté du sursaut serait un tournant, faisant basculer toute une partie de l'opinion publique. Nos gouvernements, timorés, n'agiront que s'ils sentent ce basculement.
Après la décapitation de Samuel Paty, chers collègues, nous n'avons plus droit au « hors-sujet ».
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