luis arce

Luis Arce, ancien ministre de l’Économie de Bolivie, vient de succéder à Evo Morales, président contraint à l’exil en 2019 et dont il était tenu pour être le dauphin. Et ce, sans coup férir, ayant été élu dès le premier tour avec plus de 52 % des suffrages. Un véritable camouflet pour une Amérique du Nord n’ayant pas ménagé ses efforts pour reprendre pied en cette terre rebelle à sa tutelle.

En effet, et ce, depuis 1776, année d’une indépendance arrachée à la couronne anglaise, les USA ne cessent de balancer entre deux tropismes, isolationniste et universaliste. D’un côté, une « nation-monde » qui se suffit à elle seule ; de l’autre, la « Destinée manifeste », inspirée par une relecture toute particulière de la Bible, voulant que cette « Terre promise » ait vocation à régenter le monde.

Avec l’arrivée à la Maison-Blanche de Barack Obama, le curseur avait commencé à basculer du côté isolationniste, avec le désengagement progressif du Proche et du Moyen-Orient, laissant ainsi la place libre à la Russie et aux puissances locales - Turquie au premier chef. Sans surprise, Donald Trump ne fait que poursuivre le processus, avec son style et ses mots à lui, dira-t-on. En revanche, la diplomatie américaine entendait se replier sur son pré carré : le continent latin. D’où l’éviction plus ou moins programmée des présidents Hugo Chávez au Venezuela, de Luiz Inácio Lula da Silva au Brésil et d’Evo Morales en Bolivie, tous de gauche, mais professant le même nationalisme intransigeant consistant à faire bloc contre la tutelle yankee.

Mais Washington est-il toujours en mesure de dicter sa loi en sa chasse gardée ? Rien n’est moins sûr. Car depuis les « années fastes », durant lesquelles ces pays n’étaient tenus que pour arrière-cour et dépendance, de l’eau a coulé dans le Rio Grande. Même les médias américains officiels, New York Times en tête, admettent que les accusations de fraude électorale dont Evo Morales aurait été coupable, lors du scrutin présidentiel de 2019, sont « erronées », s’appuyant sur une étude du Center for Economic and Policy Research selon laquelle « il n’y a pas eu fraude, Evo Morales ayant gagné les élections, son renversement n’ayant été rendu possible parce que la marge entre lui et le candidat de droite [le très américano-compatible Carlos Mesa, NDLR], arrivé second, n’était pas très grande. »

De son côté, Alberto Fernández, président argentin lui aussi assez rétif vis-à-vis des ingérences américaines, salue l’élection de Luis Arce en ces termes : « Evo Morales a subi un coup d’État, sa maison a été détruite et il a été contraint de quitter le pays, tandis que sa famille et ses partisans étaient harcelé et persécutés par le gouvernement de facto. Mais les gens n’oublient pas ceux qui ne les trahissent pas. »

Même Le Monde, quotidien pas particulièrement favorable à l’alter-nationalisme sud-américain, reconnaît que les Boliviens n’ont pas été « trahis » : « Entre 2006 et 2014, le PIB bolivien a été multiplié par quatre, la pauvreté est passée de 60 % à 37 % et l’indigence de 38 % à 13 %. »

Dans cette foire à l’hypocrisie, le seul à franchement jeter le masque demeure le multimilliardaire Elon Musk qui, au lendemain du coup d’État téléguidé par les USA contre Evo Morales, tweete : « Nous renversons les systèmes politiques que nous voulons ! Faites avec. »

On remarquera que l’emblématique PDG des voitures électriques Tesla est en pointe sur ce lithium indispensable à la confection des batteries, dont la Bolivie est le principal producteur au monde et qu’Evo Morales entendait nationaliser au profit de son peuple, alors que les USA exigeaient la privatisation pour un tout autre profit : le sien.

Le pot de terre aurait-il gagné contre le pot de fer ? Oui. Pour l’instant…

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21 octobre 2020 à 20:02

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