Il serait réconfortant de se dire que la crise du coronavirus impose de faire bloc autour du chef de l'État et du gouvernement, mais la majorité des Français a bien du mal à leur faire confiance ! Il faut dire que chaque jour qui passe montre que, par imprévoyance, impéritie ou calcul machiavélique, ils semblent se complaire dans une improvisation permanente. Y compris pour les élections municipales, dont le premier tour vient de s'achever, avec une abstention record, pourtant prévisible.

Force est de constater que les représentants de la majorité, ministres ou parlementaires, manient les mêmes éléments de langage : tous se retranchent derrière l'avis des experts, un « conseil scientifique » de onze chercheurs, qui orientent, disent-ils, leurs décisions. Il ne s'agit pas de contester les compétences de ces spécialistes mais de rappeler qu'il appartient à l'exécutif de décider, après avoir consulté, d'anticiper l'avenir et d'assumer ses décisions. Se référer continuellement aux experts, sans même qu'on sache précisément ce qu'ils ont dit, c'est faire preuve à la fois d'arrogance, de veulerie et d'irresponsabilité.

Ce matin, tout le monde s'interroge sur la tenue ou non du second tour, prévu pour dimanche prochain. Édouard Philippe a annoncé, hier soir, qu'il réunirait « à nouveau en début de semaine » les fameux experts scientifiques et les « représentants des forces politiques » – ce qu'il doit faire aujourd'hui – avant de prendre une décision. Mais si le gouvernement doit décider que le second tour n'a pas lieu, ce qui paraîtrait une mesure de bon sens, il doit le faire sans tarder. Les dépôts de candidatures pour le second tour doivent légalement se faire avant mardi, 18 heures : les listes n'ont que quelques heures pour des tractations éventuelles.

Sans compter que la situation juridique n'est pas claire. Des constitutionnalistes estiment que, si le second tour est annulé, il faudra refaire toute l'élection. Les résultats acquis au premier tour, quand des candidats ont dépassé la barre des 50 %, pourraient même être remis en question. Bref, on n'est pas sorti de l'auberge, du fait de l'imprévoyance et de l'improvisation du gouvernement, qui se sont manifestées aussi dans l'appréhension du danger que représente le coronavirus.

Épargnons à nos gouvernants, qui n'ont pas besoin de cela pour être discrédités, la liste de leurs contradictions. Alors qu'ils avaient l'exemple de la Chine, de la Corée du Sud et, maintenant, de l'Italie, ils ont mis du temps à saisir l'ampleur de la crise sanitaire. Le 21 janvier, Agnès Buzyn, encore ministre de la Santé, déclarait que le risque d'une introduction en France était « faible », même s'il « ne peut être exclu ». Jeudi, Sibeth Ndiaye soulignait que la France n'était pas dans une situation « épidémique ». Aujourd'hui, on s'apprête à décréter des mesures de confinement généralisé. Emmanuel Macron l'annoncera sans doute ce soir.

Un gouvernement ne saurait conserver la confiance des Français quand il tergiverse autant : ce n'est pas la dramatisation brutale de la situation qui peut la restaurer. Il faut espérer que, face à l'épreuve, les politiciens prendront les mesures qui s'imposent. Leur échec serait aussi celui de chacun des Français : il faut se serrer les coudes et être disciplinés pour pallier les défaillances du pouvoir. Mais, lorsque la crise sanitaire sera vaincue et qu'il faudra affronter, sans doute, une crise économique, on ne pourra se contenter de passer l'éponge sur les fautes de nos gouvernants. Il faudra leur demander des comptes et les renouveler.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 19/03/2020 à 10:56.

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16 mars 2020 à 17:32

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