La Corse va-t-elle se lancer dans l’aventure de l’indépendance ?

On dit souvent que l’abstention profite aux minorités. Cette fois, ce sont les favoris, la coalition entre autonomistes et indépendantistes, qui l’ont emporté avec plus de 45 % des suffrages - presque la moitié des votants. La Corse est-elle sur la voie de l’indépendance ?

Depuis quelques années, les succès électoraux des autonomistes s’enchaînent. Après la conquête de Bastia par Gilles Simeoni, en 2014, la majorité relative obtenue aux régionales de 2015, l’envoi de trois députés sur quatre à l’Assemblée nationale en juin 2017, les nationalistes récidivent et sont pratiquement certains de l’emporter au second tour des élections territoriales. Les deux listes de droite et la liste LREM, qui ne totalisent pas 40 %, ont envisagé une alliance (tiens donc !) mais, devant la défaite assurée, vont sans doute y renoncer.

"Les Corses ont dit à travers ce premier tour qu'ils souhaitaient continuer sur le chemin ouvert en 2015 […] Le peuple corse existe. Il est plus que temps d'ouvrir un véritable dialogue et de rechercher une solution politique", a déclaré Gilles Simeoni à la presse. Il compte bien obtenir, dans les trois ans du prochain mandat, "un statut d'autonomie de plein exercice", avec des compétences législatives. Nul doute, en tout cas, que cette victoire va galvaniser ses troupes : les nationalistes vont prendre les rênes de la collectivité régionale issue de la fusion entre les deux conseils départementaux et la collectivité territoriale de Corse.

On peut s’étonner qu’une partie du peuple corse, qui a donné un empereur à la France, se considère comme un peuple colonisé et aspire à son indépendance. Pas pour tout de suite, cependant. Lors de la crise catalane, les leaders nationalistes ont apporté leur soutien à la République autoproclamée, mais ont reconnu qu’ils n’étaient pas encore prêts pour l’indépendance. Il est vrai que la Corse ne bénéficie pas de la situation économique prospère de la Catalogne : les subventions de la France lui sont indispensables.

Mais, au-delà de cette soif d’autonomie qui tient à son histoire et à ses traditions, peut-être aussi à la volonté de défendre ses privilèges, cette victoire des nationalistes est le signe d’une profonde défiance à l’égard des autorités françaises. La jeunesse les soutient majoritairement et, comme sur le continent, les partis traditionnels de gauche et de droite connaissent la débandade. Quant au Président Macron, il paraît incapable, comme ses prédécesseurs, de forger un avenir pour la Corse au sein de la République.

Les nationalistes souhaitent la souveraineté politique de la Corse, l’apprentissage obligatoire de la langue corse, la limitation du tourisme et l’instauration d’une économie durable. On ne voit pas pourquoi le gouvernement français ne continuerait pas de leur céder, y compris pour la revendication la plus contestable : la reconnaissance du statut de prisonnier politique pour les personnes du mouvement nationaliste corse incarcérées, fussent-elles coupables d’actes criminels.

La Corse cessera-t-elle bientôt d’être un territoire français ? Ce ne serait pas la première fois – les pieds-noirs s’en souviennent – qu’un gouvernement ne respecte pas l’article 1 de la Constitution selon lequel « la France est une République indivisible ». D’autres régions françaises pourraient être tentées de suivre le même exemple, tout comme en Belgique, au Royaume-Uni, en Italie… Sans compter la Nouvelle-Calédonie, qui doit organiser au plus tard en novembre 2018 un référendum d’autodétermination.

Pour ce qui est de la France, il est moins que certain que les régions ainsi « libérées » y trouveraient leur compte ! La seule solution serait de permettre à toutes les régions – historiques et non administratives – de conserver leurs traditions tout en restant solidaires et partie intégrante de la France. Ce n’est pas le chemin que semblent vouloir prendre les mondialistes qui nous gouvernent.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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