À un an de l’élection présidentielle, l’inquiétude commence à monter en Macronie, surtout après cette étude de la fondation Jean-Jaurès, parue ce mercredi 21 avril (date hautement symbolique dans l’histoire du Rassemblement national), selon laquelle la victoire de Marine Le Pen demeure « une possibilité non négligeable ».

En effet (et c’est une première), les auteurs constatent une « convergence programmatique indéniable entre Les Républicains et le Rassemblement national ». Ce qui est parfaitement logique, la frange centriste et européiste des LR étant passée avec armes et bagages à LREM. Plus globalement - et là, rien de neuf -, « Marine Le Pen bénéficie de l’alignement d’une grande partie des catégories populaires, et Macron du côté des classes moyennes supérieures ».

Ce qui signifie qu’elle ferait à la fois le plein des voix chez la base droitiste des LR et celle, populiste et non gauchiste, de La France insoumise. Et comme, en France, on compte plus de gens modestes que de fortunés, on dira que l’arithmétique pourrait bien faire le reste. Pour tout arranger, l’Élysée se rend compte que, pour porter la parole présidentielle sur les plateaux de télévision, les « cogneurs » (pour reprendre l’expression d’un ministre cité par RTL) sont bien rares chez les marcheurs. Il y aurait bien Gabriel Attal, justement porte-parole du gouvernement. Indubitablement, il se démène, mais on ne peut s’empêcher d’y voir une sorte de stagiaire à la machine à café. À ce poste, Sibeth Ndiaye était autrement plus énergique, même si aujourd’hui lessivée après des mois de communication gouvernementale souvent hasardeuse, tandis que Benjamin Griveaux se trouve tout aussi démonétisé depuis la croquignolette affaire de sa sextape.

Reste Christophe Castaner, plutôt fort en gueule, mais dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’il n’a guère brillé lors de son passage au ministère de l’Intérieur ; là aussi, des images qui n’étaient certes pas de son fait, mais où on le voyait s’amuser comme un petit fou en boîte de nuit, verre de vodka à la main et embrassant une femme qui n’était pas la sienne. Il y aurait bien encore son prédécesseur de la Place Beauvau, Gérard Collomb, mais ce dernier est passablement en froid avec le Château.

Du coup, et à la façon des Dix petits nègres d’Agatha Christie, il n’en reste plus qu’un : le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, dont un ministre prétendait, à en croire une indiscrétion révélée par RTL et lors de son premier Conseil de l’Élysée : « On aurait dit King Kong en laisse. » La comparaison a de quoi laisser dubitatif. En effet, dans le film éponyme de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack (1933), cette grosse bête velue est tellement obnubilée par une jolie blonde (délicieuse Fay Wray) qu’elle en perd tout sens commun, finissant même par tomber du haut de l’Empire State Building.

Il est vrai que les sentiments que paraît éprouver « Acquittator » vis-à-vis de Marine Le Pen sont peut-être trop obsessionnels pour être parfaitement honnêtes… « Marine Le Pen incarne tout ce que je déteste », se plaît-il à affirmer ; comme s’il n’y avait que Marine Le Pen dans la vie en général, et la sienne en particulier. Plus trouble encore : « Elle ne propose que des solutions infaisables pour flatter les bas instincts. […] Je le lui reproche d’autant plus que je pense que c’est quelqu’un d’intelligent. »

« Va, je ne te hais point », aurait-il pu ajouter, paraphrasant Le Cid de Corneille, lui qui semble avoir les yeux de Chimène pour cette accorte avocate de profession. À la fin de King Kong, on entend cette réplique : « C’est la belle qui a tué la bête. » Dès la réouverture des salles de cinéma, on ne saurait que trop conseiller à Éric Dupond-Moretti d’aller voir ce film. Ou de faire sa demande en mariage, histoire de faire cesser cet insoutenable suspense.

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22 avril 2021 à 16:00

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