En comparant PMA et OGM, la Manif pour tous va-t-elle trop loin ?

Marlène Schiappa, favorable à l’extension de la PMA aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires, s’attaque à la Manif pour tous. Dans un tweet, elle s’indigne d’une affiche qui comparerait les bébés nés de la PMA à des légumes OGM et stigmatiserait les familles monoparentales : "Comparer les bébés nés après FIV ou insémination à des légumes OGM est profondément offensant pour les enfants & leurs familles. Retrait." L’aspect juridique du retrait de cette affiche serait à l’étude.

Une autre affiche de cette campagne anti-PMA porte la légende : "Elle n’a pas besoin d’homme, ils n’ont pas besoin de père." Une autre : "Je suis un homme, pas un distributeur de sperme." L’affiche incriminée représente la silhouette d’un bébé au milieu de légumes, avec cette légende : "Après les légumes OGM, les enfants à un seul parent ?" Ce parallèle mérite, au moins, qu’on y réfléchisse : est-il pertinent ou incongru ?

Dans un communiqué, la présidente de la Manif pour tous, Ludivine de La Rochère, dénonce ce faux procès, estimant que "jamais l’opposition à la PMA sans père n’a stigmatisé les familles monoparentales". Elle demande un rendez-vous à Marlène Schiappa afin d’établir "un dialogue réel pour clore une polémique virtuelle". Elle précise enfin que "la campagne en cours […] invite, par des questions, à s’interroger […] en particulier sur le fait de priver VOLONTAIREMENT et DÉLIBÉRÉMENT un enfant de son père et de sa mère dès avant sa conception, dès l’émergence du projet d’enfant".

L’enfant ainsi conçu n’aura pas de père identifié, ni biologique, ni social. Selon la loi actuelle, il n’aura pas accès à ses origines, ce qui, selon les spécialistes, peut le perturber fortement. De plus, les dons de sperme sont à peine suffisants pour satisfaire les besoins des couples infertiles : une demande plus importante risquerait d’entraîner un recours à un nouveau marché lucratif, celui de la procréation.

Alors que l’on s’inquiète de l’augmentation des familles monoparentales et que les pouvoirs publics créent des aides financières pour leur venir en aide, ne serait-il pas paradoxal d’officialiser les naissances sans père ? Qui ne voit, enfin, qu’au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes, la légalisation de la GPA viendrait prolonger tout naturellement l’extension de la PMA ?

Quant au parallèle entre les légumes OGM et les enfants issus de la PMA, il n’est pas dénué de fondement, bien au contraire ! La libéralisation de la PMA et de la GPA conduirait vite à des dérives – sans compter que l’enfant est considéré comme un produit de consommation.

Les banques de sperme possèdent des informations sur les donneurs. Qui peut garantir, si la PMA pour toutes était autorisée en France, qu’une sélection ne serait pas effectuée, moyennant finances, pour répondre aux désirs des clientes ? On serait bien proche des pratiques OGM et de l’eugénisme !

Les concepteurs de l’affiche incriminée expriment, finalement, une crainte tout à fait fondée. Et que dire de la GPA, où l’on peut choisir le ventre qui portera l’enfant ? On sait bien que feu Pierre Bergé déclarait qu’il ne voyait pas de différence entre "louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine". Mais qu’il soit permis de ne pas partager ce point de vue !

Le député européen José Bové a naguère estimé, sur la chaîne KTO : "Que ce soit pour les couples homosexuels ou hétérosexuels, que ce soit sur le végétal, l'animal et a fortiori sur l'humain, je suis contre toute manipulation sur le vivant." On ne peut que lui donner raison.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois