[Cinéma] Revoir Paris, d’Alice Winocour, ou la lente reconstruction des victimes d’attentat
Abdelhamid Abaaoud, Salah Abdeslam, les frères Kouachi, Amedy Coulibaly : ces noms sont tristement devenus célèbres, davantage que ceux de leurs victimes – c’est là l’un des effets pervers, mais inéluctables, du traitement médiatique des attentats terroristes. Dès lors, il n’est pas surprenant de voir dans nos banlieues, érigés en icônes, voire en martyrs, ceux qui ont tué au nom de Dieu.
Avec son dernier film, Revoir Paris, la cinéaste Alice Winocour (coscénariste de Mignonnes, que nous avions recensé à l’époque) prend le contrepied et choisit volontairement de mettre les projecteurs sur les victimes plutôt que sur le bourreau, dont on ne connaît ni le visage ni le nom. Un parti pris judicieux qui, comme nous le verrons, n’est pas sans écueil…
Le film revient sur les conséquences d’un attentat (fictif) survenu dans une brasserie parisienne où la plupart des clients et une partie du personnel ont été froidement assassinés par un djihadiste. Un contexte qui n’est pas sans rappeler les fusillades en terrasse, le soir du Bataclan…
Mia, incarnée à l’écran par Virginie Efira, parvient avec d’autres à se cacher et survit miraculeusement à la tuerie. Quelque temps plus tard, alors qu’elle revient à Paris pour reprendre sa vie d’avant, Mia éprouve le besoin de retourner sur les lieux de l’attentat et de retrouver le fil oublié des événements afin de mieux se reconstruire. Une démarche qui la mènera, tour à tour, à côtoyer une association de victimes, à interroger les uns et les autres, notamment les serveurs, à se lier à une jeune fille dont les parents ont été tués, et à un homme – rescapé comme elle – qui se souvient en détails de la soirée. Cette quête du personnage principal l’aidera, par ailleurs, à prendre conscience de ce qui n’allait pas dans sa vie d’avant, dans son couple en particulier, et la poussera à se défaire du superflu.
Énième film sur la résilience, Revoir Paris a pour lui un contexte fort, peu abordé au cinéma, un vrai sens de la mise en scène, un tandem harmonieux et pudique à la fois (Virginie Efira et le trop rare Benoît Magimel) et un travail solide sur la bande sonore. Hypnotique, fantomatique, la bande originale, des plus efficaces, nous reste longtemps en mémoire.
Pour autant, le film se heurte à deux écueils. Le choix de centrer l’attention sur les victimes a pour inconvénient de tout ramener au psychologique, à l’émotionnel et à l’individuel, et prive le spectateur d’une réflexion plus large sur l’état de nos sociétés occidentales. En se refusant à tout diagnostic sur l’époque, le film se réduit vainement au pendant cinématographique des veillées nocturnes de la place de la République avec ses nounours et ses bougies…
Enfin, le discours fraternel à l’égard du migrant, cuisinier sans papiers qui a su réconforter Mia lors de l’attaque, nous semble franchement déplacé, pour ne pas dire indécent. La réalisatrice sait pertinemment que des djihadistes se sont mêlés aux vagues de migrants depuis le début des années 2010, et qu’avoir toléré la présence de ces derniers sur notre sol revenait non seulement à fragiliser un peu plus notre système social, le niveau de notre Éducation et nos identités collectives, mais surtout à courir un risque supplémentaire pour la sécurité de nos compatriotes. Alice Winocour est tellement consciente du raidissement – bien légitime – de l’opinion publique sur l’accueil des migrants qu’elle se sent obligée de faire du « padamalgam » et de dispenser des leçons de tolérance pour le moins malvenues. Elle eût mieux fait de rester à sa place et de s’en tenir à ses ambitions premières.
3 étoiles sur 5
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2 commentaires
Propagande ou subversion ?
On attend encore une rétrospective sur la tuerie du Bataclan et les trois heures laissées aux trois terroristes pour mener à bien leurs exécutions et les actes de barbarie, pendant que le <président recherchait quel bénéfice il allait pouvoir tirer de l'événement. La commission d'enquête parlementaire n'a malheureusement pas été suffisante pour faire passer en jugement les responsables de la prolongation de ce carnage.