Cinéma : Marie Stuart, reine d’Écosse
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Après la mort de son jeune époux François II, roi de France, auquel succède naturellement son frère Charles IX, Marie Stuart retourne en son pays natal, l’Écosse, afin de faire valoir ses droits sur la couronne, ainsi que sur celle d’Angleterre. Craintive à l’égard de cette rivale légitime, la reine Élisabeth Ire observe de loin la prise de pouvoir de Marie et tente comme elle peut de manœuvrer avec les ennemis de sa cour. Minoritaire, en effet, face à une noblesse acquise aux idées protestantes, la reine d’Écosse choisit sciemment l’appui des réformés, notamment de son demi-frère James Stuart, au détriment du parti catholique afin de donner des gages à ses adversaires et de renforcer sa lignée.
Sur un mauvais calcul, cependant, Marie épouse en secondes noces son cousin catholique Henry Stuart, Lord Darnley, et s’attire à nouveau les foudres des protestants qu’elle parvient tout de même à maîtriser lors du raid de Chaseabout. Rapidement, le fragile équilibre qu’elle était parvenue à maintenir avec les réformés devient caduc et Marie doit faire face aux ambitions des Stuart, à présent alliés aux nobles rebelles pour lui ravir le pouvoir… Devant les difficultés de la reine d’Écosse sur son propre sol, Élisabeth Ire développera tout au long du récit comme un mélange de compassion, de sympathie et d’admiration pour sa rivale avant de faire d’elle sa captive – raison d’État oblige – lorsque, pour fuir les conséquences politiques désastreuses d’un troisième mariage, Marie viendra trouver refuge auprès d’elle en Angleterre.
Avec un budget important et un casting quatre étoiles composé de Saoirse (prononcer « Seurcha ») Ronan et de Margot Robbie, Marie Stuart, reine d’Écosse – reconnaissons-le – a le mérite de traiter un maximum d’événements en deux heures seulement sans faire pour autant l’impasse sur leur complexité politique. La réalisatrice du film, Josie Rourke, nous offre en prime un face-à-face final entre les deux reines aussi puissant que fictif. Malheureusement, force est de constater qu’à l’instar de beaucoup de longs-métrages historiques, celui-ci en dit davantage sur l’époque de sa production que sur la période décrite par le récit…
Voulant croire à tout prix que les deux reines furent les victimes innocentes d’un monde machiste et foncièrement injuste, la cinéaste en oublie l’emprisonnement cruel par Élisabeth Ire des sœurs Grey qui, bien avant Marie Stuart, pouvaient prétendre au trône d’Angleterre. Elle en oublie également que la même Marie Stuart, durant ses dix-huit années de captivité, trempa dans toutes les conspirations possibles visant à faire tomber sa rivale, à commencer par le complot de Ridolfi, en 1571, à l’issue duquel Marie devait prendre la place d’Élisabeth sur le trône après avoir contribué à son assassinat. Et ce, seize ans avant l’ultime conspiration de 1587 pour laquelle elle fut finalement condamnée à la décapitation. C’est dire le sentiment de solidarité féminine que devaient éprouver les deux reines l’une pour l’autre…
Si la cinéaste renvoie la femme à son rôle bien connu de victime historique, c’est avec la même complaisance qu’elle pointe l’homophobie des nobles à l’égard de Henry Stuart, devenu homosexuel pour les besoins du spectacle (!). Contraint d’assassiner son amant Rizzio – lui-même suspecté de coucher avec Marie – afin de prouver à tous sa virilité et d’affaiblir politiquement sa royale épouse, Henry Stuart sera à son tour victime de la méchanceté des hommes… Une thèse de l’homosexualité défendue par le seul historien John Guy qui, manifestement, ne repose que sur de vagues rumeurs de l’époque ; des « bruits de chiottes », dirions-nous aujourd’hui sur un ton plus poétique.
Ainsi donc nous est casée au chausse-pied la très en vogue thématique de l’homophobie dans une histoire qui n’en demandait pas tant. Cet opportunisme de la part de Josie Rourke et des producteurs explique sans doute aussi le casting multiethnique et, par là, anachronique qui va de l’acteur jamaïcain Adrian Lester, dans le rôle de l’ambassadeur, à l’actrice Gemma Chan, d’origine chinoise, dans le rôle de la comtesse de Shrewsbury. C’est bien simple, il n’est pas un plan de groupe à l’écran qui n’intègre des gens issus de l’immigration ; c’est confondant... La cinéaste est tellement transparente dans ses intentions que sa démarche en devient comique. À la limite, on regrette seulement que Whoopi Goldberg n’ait pas décroché le rôle d’Élisabeth. Qui sait si son sourire ravageur et communicatif n’aurait pas égayé un peu ce personnage trop blafard.
2 étoiles sur 5
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