[Cinéma] La Voie royale, plongée suffocante au cœur des prépas scientifiques

Capture d’écran (3186)

En 2018, le réalisateur Thomas Lilti avait réalisé Première Année, un film instructif d’un point de vue anthropologique, et que l’on recommande donc vivement à nos lecteurs, sur deux étudiants incarnés par Vincent Lacoste et William Lebghil, qui commençaient leur licence de médecine à Paris. Le cinéaste dépeignait alors un cursus universitaire dominé par l’esprit de compétition au sein duquel seuls les plus motivés parvenaient à trouver leur place. Un discours dur, sans doute réaliste, mais contrebalancé par la relation plus légère qui unissait les deux personnages principaux. Relation d’amitié basée sur l’entraide, la patience et la bienveillance.

Dans un esprit similaire, est sorti il y a quelque temps sur nos écrans La Voie royale. Réalisé par Frédéric Mermoud, le film suit le parcours de Sophie, une jeune étudiante dont les parents sont éleveurs/agriculteurs et qui, sur les conseils d’un professeur consciencieux, choisit d’entrer en prépa MPSI (Mathématiques, Physique, Sciences de l'Ingénieur) dans un lycée d’excellence en province. Loin de dénigrer ce que font ses parents ou de renier ses origines modestes, Sophie souhaite simplement se donner la possibilité d’exploiter au maximum son potentiel intellectuel. Raison pour laquelle la jeune femme ambitionne d’intégrer un jour Polytechnique… Dans cette prépa scientifique au lycée (fictif) René-Descartes, Sophie se confronte directement au mépris de classe, aux bizutages en tous genres, aux beuveries, aux propos sans cesse dévalorisants/cassants des professeurs et à la compétition extrême entre étudiants.

Étouffant

Là où Première Année fonctionnait sur un tandem pour nous expliquer les bienfaits de l’amitié et de l’entraide dans un cursus où chacun, habituellement, roule pour soi, La Voie royale se concentre sur un personnage en particulier pour, finalement, arriver au même constat. Car si Sophie va pouvoir progresser dans ses études, c’est grâce en partie à deux camarades disposés à la tirer vers le haut. Le piège étant évidemment que le temps passé ensemble ne la détourne peu à peu du travail. Heureusement, Sophie parviendra à garder les pieds sur terre pour atteindre son objectif.

Plus étouffant, plus lourd que Première Année, dont les touches d’humour faisaient un contrepoids appréciable aux difficultés que rencontraient les personnages, le film de Frédéric Mermoud aborde frontalement le versant politique de son sujet, nous montre les disparités sociologiques entre étudiants et les regards différents qu’ils portent sur le monde ; notamment sur les gilets jaunes dont Sophie prend instinctivement la défense lorsqu’une camarade issue de cette bourgeoisie populophobe et déconnectée du réel – celle qui lit habituellement L’Obs, Libé ou Le Monde – les taxe « d’extrême droite ».

La jeune Suzanne Jouannet, une actrice à suivre

Comme Première Année, La Voie royale dépeint un véritable parcours du combattant où l’individu, plein d’états d’âme, est en définitive son principal ennemi. Les chemins empruntés en cours de route ne sont pas forcément ceux qui étaient prévus au départ, mais l’objectif final peut être atteint si la motivation est là. Propos hyper convenu, certes…

Moins audacieux que le film de Thomas Lilti, et surtout moins bien écrit (parfois caricatural dans ses dialogues), celui de Frédéric Mermoud doit beaucoup à la jeune actrice Suzanne Jouannet, sur laquelle tout repose. On suivra sa carrière avec beaucoup d’intérêt, en lui souhaitant le succès.

3 étoiles sur 5

 

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

Vos commentaires

11 commentaires

  1. Si le collège et le lycée faisaient leur travail en amont et préparaient les élèves à l’excellence et la compétition ainsi qu’à l’acquisition des savoirs, les prépas ne seraient pas une telle plongée dans un autre monde. Mais la réalité est là. Les ingénieurs français seront confrontés aux Chinois et aux Russes. Un petit espoir, les CHinois viennent d’alléger les programmes du primaire.

  2. Mes deux enfants ont fait des prépas (avec pourtant un père cancre ; mais pas la mère..) Ils n’en sont sortis ni morts ni traumatisés…

  3. « Comme Première Année, La Voie royale dépeint un véritable parcours du combattant où l’individu, plein d’états d’âme, est en définitive son principal ennemi.  » En bon Français, la réussite nécessite du travail. La belle découverte!

    • Applaudissements ! Il faut « mouiller la chemise » et mettre le turbo au cerveau . En principe, les gosses volontaires sont prévenus avant..

  4. L’article et la bande annonce du film m’ont atterré. Si cela est vrai, le monde a bien changé. J’ai préparé les Art et Métiers au Lycée Technique d’Etat de Nancy en 1966 après des années de lycée dans ce même établissement et je n’ai pas rencontré cela bien au contraire, les professeurs ne tenant pas ce genre de discours stupides. A l’époque, on ne se gargarisait pas du mot excellence mais elle était bien là chez tous les professeurs et l’encadrement du Lycée. Alors certes aux Arts et Métiers, j’ai connu le stupide bizutage baptisé « Traditions » et pour être stupide et perturbant pour le déroulement des études, cela l’était. Mais je n’ai jamais eu à subir ces discours de combat.

  5. J’ai suivi ce cursus élitiste; Ça demande énormément de travail . On a du mal à imaginer le volume de données que le cerveau d’un bachelier peut encore emmagasiner : la mémoire est une besace immense, quasi infinie. Trois de mes petits-enfants ont suivi la même voie avec succès. Aucun mauvais souvenir cependant. S’accrocher est la règle et je n’ai ni vu ni su que des Anciens s’acharnaient à limiter la réussite des jeunes . Beaucoup de grivoiserie, de gauloiserie, certes : à mon époque il n’y avait guère que des mâles, donc sans conséquence, juste un défouloir. En revanche je suis allé en 2017 à la »Fin d’Etudes »d’une prestigieuse Grande Ecole avec 77% de filles d’où sortait un de mes petits-fils . J’ai été épouvanté par les scènes grossières présentées par les néo-diplômés. Des énormités dont nous étions incapables. Du sexe partout et presqu’en exclusivité mimé sur le théâtre de la salle-des-fêtes. Quelle plongée dans l’infamie la plus basse devant un parterre de parents médusés .

  6. Il faut une sélection.
    Tout dépend comment elle est faite.
    Nos enfants ont fait des prépas scientifiques dans des grands lycées parisiens.
    Du travail, pas de beuveries.
    Ils ont intégré les écoles qu’ils méritaient, ni plus, ni moins.
    Ce film me paraît un peu fantasque et ne reflétant pas la réalité du milieu.
    Par contre, à la fin des années 1960, moi qui suis fils d’agriculteur, le problème n’était pas que j’ai été maltraité, mais que j’ai été mal conseillé, mal informé.
    Je n’ai pas suivi le bon parcours pour atteindre mes objectifs.
    Par la suite, dans des situations difficiles au quai Branly et à Bercy, je me suis tout de même trouvé meilleur que les polytechniciens ou les énarques qui m’entouraient.
    L’inné finit toujours par se révéler, mais parfois trop tard et mal récompensé.
    Cela étant, il y a tout de même un côté pourri dans le système.m
    C’est pour cela que j’ai créé mon mouvement, mais sans trop d’illusions.
    On peut corriger le tir, mais certaines inégalités de départ pourront être corrigées,
    mais sans doute pas totalement.
    Cf. mes livres « Economie ou socialisme il faut choisir » et « Pour un État juste et » publié chez Godefroy de Bouillon.

  7. Les enfants des élites sont souvent les enfants de cette soi-disante élite qui a reçu un pays prospère en héritage et qui en a fait un pays pratiquement failli. Pas de quoi être fier. Ils sont les enfants de cette nouvelle aristocratie qui ruine le pays et s’apprêtent à continuer l’œuvre de leurs pères.

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