20 juin 1789, serment du Jeu de Paume, évidemment. Bailly au centre, une salle enflammée, le vent de l’Histoire s’engouffrant par les fenêtre supérieures. Salle qui vient d’ailleurs d’être restaurée et réouverte au public. Et puis, dans le coin oublié des gravures de nos livres d’Histoire, mais bien représenté par David, ce député tétanisé, les bras croisés sur sa poitrine, la tête inclinée : Joseph Martin-Dauch. Le seul à avoir dit non, à avoir apposé à côté de son nom la mention « opposant ». Le vilain petit canard de la Révolution en marche.

On connaît la grande Histoire : ouverture des États généraux le 5 mai, réunion des différents ordres, revendication du vote par tête et non par ordre, ralliement de dizaines de curés aux 578 députés du tiers état, brochure de Sieyès, jusqu’à ce 20 juin où, la salle habituelle (l’hôtel des Menus-Plaisirs) étant interdite d’accès, c’est celle du Jeu de paume qui est choisie pour accueillir les députés de cette assemblée qui s’est proclamée « nationale » depuis trois jours. Le serment stipulait « de ne jamais se séparer, de se réunir partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». La voie était ouverte vers la Constituante. Parenthèse : aujourd’hui, c’est d’ailleurs la première fois depuis longtemps, et en tout cas depuis 1958, qu’un parti en situation d'obtenir la majorité a dans son programme un projet d’assemblée constituante. Surtout, le texte du serment prévoyait, à deux reprises, que « tous les membres » de l’assemblée prêteraient ce serment. L’opposition, la dissidence étaient de fait rendues impossibles. Et la tendance totalitaire de la Révolution émergea dès ce 20 juin. D’où le long oubli qui frappa Martin-Dauch : même en 1987, dans son Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Jean Tulard ne cite pas son nom : « Il n’y eut qu’un refus. » (p.37)

Désormais, Joseph Martin-Dauch est mieux connu. Même La Dépêche du Midi lui consacre une rubrique, certainement parce qu’il est originaire de Castelnaudary. Donc, en ce 20 juin et dans cette salle surchauffée, le seul député rebelle justifie ainsi son refus : « La ville de Castelnaudary ne m'a pas envoyé pour insulter et déchirer la monarchie ; je proteste contre le serment adopté. » Déclenchant un tollé, il doit être évacué. Le lendemain, Bailly tente de le faire revenir sur sa décision. En vain. Déjà sont à l’œuvre des tendances à l’intimidation et à la violence, que les mois et les années suivantes ne feront que confirmer.

Curieusement, Martin-Dauch survivra à la Terreur : bien qu’emprisonné, une erreur de transcription de son nom le sauvera de l’échafaud. Contrairement à Bailly, qui, arrêté, sera traité en accusé lors du procès de Marie-Antoinette. Le tribunal révolutionnaire le déclarera « servilement vendu au tyran ». Et son exécution « a lieu sur le Champ-de-Mars où il doit subir pendant plus de deux heures les sévices de la foule » (Tulard, op. cit. Article Bailly, p. 556).

Dans chaque législature, celle-ci, comme la précédente et comme la première, il est intéressant d’observer les majorités, les oppositions, mais aussi les députés capables de dissidence.

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19 juin 2022 à 16:00

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Un commentaire

  1. La seule et unique question qu’il est permis de se poser aujourd’hui c’est celle du nombre et de leur travail au regard de l’argent dont ils disposent. C’est par ailleurs la même chose avec les partis politique qui il y a quelques années ont criés que la Démocratie avait un prix ! on ne peut que constater aujourd’hui que ce prix n’est autre que du vol pur et simple d’argent public. Ecoutez les glousser et fêter leur victoire pour avec les abstentions, blancs et nuls, 1/3 de la population.

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