Bac+5 pour devenir enseignant ? Avec Pap Ndiaye, ce sera bac+2 à Versailles, Créteil et en Guyane !

Etudiant

Récemment, des enseignants contractuels recrutés au dernier moment avaient défrayé la chronique de la rentrée : ils avaient été envoyés dans les classes après quatre jours de formation. La gestion incohérente du recrutement des enseignants (on pourrait en dire autant, pour d'autres raisons, des médecins) n'en finit pas d'accoucher de trouvailles plus croquignolesques les unes que les autres. C'est ainsi que l'on a appris, vendredi, les conditions de recrutement « définitif » des enseignants contractuels par ce fameux « concours exceptionnel » qui avait été promis par le nouveau ministre au mois d'août.

Il ne concernera que les professeurs des écoles. Trop complexe à organiser dans le secondaire, où les contractuels sont pourtant les plus nombreux ? En tout cas, plus urgent car un maître absent est bien plus visible et embêtant pour les familles - et le ministre - que le professeur de techno, de latin, d'allemand ou d'EPS qui permet à vos petits chéris de sortir plus tôt. Mais la véritable raison est certainement à chercher dans l'autre condition de ce recrutement « exceptionnel » : il pourra se faire à... bac+2. Oui, vous avez bien lu : vous qui avez un master, voire un doctorat, et qui pestez comme notre collègue sur le manque de perspective et de reconnaissance dans votre métier d'enseignant. Vous qui êtes étudiant ou qui avez des enfants qui se préparent héroïquement au métier d'enseignant, avec licence, master, Inspé, préparation MEEF, 3e année de formation avant la titularisation, etc., vous avez le droit de trouver ce concours exceptionnel un peu trop bas, trop facile. Et injuste. Pourront même s'y présenter des titulaires d'un BTS ou d'un DUT. Bac+2, vous dit-on.

Certes, ils devront avoir été en poste depuis 18 mois comme contractuel, donc avoir été « repris » après une première année, ce qui donnerait une certaine garantie. De leurs compétences en maths, français, histoire-géographie, sciences, EPS ? Non, de leur capacité à affronter, tenir. Ou à être là, tout simplement, quand personne ne veut y aller... Au passage, cela nous apprend que l'Éducation nationale recrute donc des contractuels à bac+2, et sans expérience. Cela peut légitimement révolter parents, étudiants, enseignants. Autre atteinte à l'égalité de recrutement pour un emploi public : ce concours ne concernera que les académies de Versailles, Créteil et la Guyane. Le contractuel avec sa licence complète ou son master de Bretagne ou de Nouvelle-Aquitaine n'aura qu'à se préparer un concours moins « exceptionnel », et certainement plus difficile.

L'Éducation nationale a toujours aimé ces concours « exceptionnels », « réservés », etc. À tel point que bien de ces lauréats exceptionnels ou réservés gravissent ensuite très vite les échelons, beaucoup plus vite que ceux qui ont patiemment et scrupuleusement suivi le monde d'emploi « normal ». Mais je m'égare.

Emmanuel Macron nous avait préparés à cette baisse du seuil de recrutement - et du niveau - en disant, il y a deux mois, qu'il fallait revenir sur le recrutement à bac+5 pour devenir professeur des écoles. C'est comme pour le nucléaire : Macron fait du Pénélope, détricotant dans son second quinquennat les aberrations votées par des majorités de son bord ou presque. Oui, l'élévation stupide du seuil de recrutement - une lubie du SNES, vieux syndicat de gauche - n'avait réussi à augmenter qu'une chose : le nombre de découragements pour passer le concours. D'où la pénurie que ces brillants stratèges de la cogestion Grenelle-SNES déplorent aujourd'hui.

Ne doutons pas que cet « exceptionnel » sera durable : le ministre a annoncé dans la foulée que ce job dating un peu amélioré serait reconduit jusqu'en 2026.

Nous savions que nous avons des amateurs au pouvoir, et depuis un certain temps, et dans tous les domaines : nouvelle preuve avec les jongleries de Pap Ndiaye. Les syndicats ont mollement réagi car, finalement, la mesure va comme un gant à ceux qui, à gauche, sont coresponsables de la situation.

Je suis triste quand je vois, par ailleurs, des étudiants se préparer très sérieusement aux concours, des universités (comme à Limoges) organiser des filières de préprofessionnalisation pertinentes dès les premières années de licence, et quand je lis à quel point les courageux étudiants de master MEEF sont parfois épuisés en ce début d'année devant la charge de travail (stages, mémoire, concours, etc.). Il y a exceptionnel et exceptionnel.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

35 commentaires

  1. De toutes les façons , çà ne change rien le pays est au fond du trou , qu’on tourne vite la page de cette civilisation pour protéger les générations futures .

  2. Il faut rétablir les écoles normales avec concours d’entrée (dictée au 0 éliminatoire) en vue de l’obtention d’un diplôme bac+3 généraliste, avec la garantie du même salaire que les professeurs certifiés. Évidemment, en y interdisant le pédagogisme mais en y enseignant la pédagogie. Les formateurs de ces EN seraient issus de l’école primaire et de l’Université.

  3. Pour être instituteur (je parle en anciens francs), il ne sert à rien d’être bac+5. Pour moi qui suis bac-3, rien ne me choque dans cette mesure, considérant que beaucoup de bac+5 actuels sont souvent moins efficaces que d’autres moins diplomés mais aptes à réfléchir par eux-même avec « bon sens ». Il serait temps d’arrêter avec cette diplomite (maladie) française.

  4. S’il ne s’agissait que d’avoir fait de longues études pour enseigner, ça serait facile. En 1969, j’ai choisi d’enseigner, avec le bac, qui d’ailleurs, à l’époque, était un vrai diplôme . Je suis restée curieuse tout au long de ma carrière pour parfaire mes connaissances théoriques et pédagogiques. Et l’effet pervers de cette exigence est que les forts en maths, langues etc…ne choisissent pas d’être enseignants, mais plutôt des emplois mieux rémunérés et respectés davantage.

  5. Le niveau des élèves n’est pas près de remonter dans les classements internationaux tels que PISA.

  6. Zéro + 5 ou zéro + 2, cela ne fait pas une grande différence. Les bacheliers actuels auraient pour la plupart une note éliminatoire au certificat d’études d’il y a un siècle. Que l’on prenne donc comme unité ce Certificat d’études et on pourra exiger un CE +10 pour enseigner, comme c’était le cas, il y a 50 ans., lorsque le bac valait encore (presque) CE + 5 !

  7. Tout cela, hélas, n’est pas nouveau…et découle de l’esprit gauchiste, chantre de l’égalitarisme des soixante-huitards. Que dire des étudiants préparant un CAPES très difficile (il y a 50 ans, il fallait avoir au moins 15 de moyenne pour être reçu à certains CAPES) qui se sont vus doublés par des maitres auxiliaires, titularisés sur leur poste sans passer de concours ?
    Que dire des attachés d’administration de l’éducation nationale, obligés d’avoir une licence et de passer un concours très difficile avec épreuves écrites et orales (il fallait voir le programme de finances publiques) doublés dans les universités par des gauchos contractuels titularisés sur les postes qui revenaient de DROIT aux fonctionnaires lauréats, après un « concours » c’est à dire une épreuve orale devant un jury composé de copains, leur donnant le titre pompeux d’ingénieurs d’études et des primes faramineuses ?

  8. Lorsque le bac avait encore de la valeur, c’est-à-dire jusqu’en 1968, on devenait instituteur à bac+1, après avoir été passé le concours d’entrée à l’Ecole normale en fin de troisième.

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