Ce n'est pas la première fois qu'on annonce, comme vient de le faire le ministre Pap Ndiaye, « un concours exceptionnel de titularisation » des contractuels. Déjà, en 1994, François Bayrou, un autre ministre de l'Éducation nationale, avait instauré un « concours spécifique », prévu pour quatre sessions, à l'intention de ceux qu'on appelait alors les maîtres auxiliaires. Mais si l'on y regarde de près, on s'aperçoit que c'est une mesure démagogique qui masque l'impuissance d'un gouvernement à mettre en œuvre une véritable politique de recrutement.

La méthode est toujours la même : on recrute de plus en plus de contractuels, sans trop se préoccuper de leur niveau, pour pallier le manque de professeurs et, au bout de quelques années, on les titularise en masse en leur faisant passer, pour se donner bonne conscience, des concours simplifiés. Ce qui améliore sans doute leur statut précaire, mais ne garantit en rien qu'ils seront de bons professeurs. En outre, comme l'avait bien montré un rapport du Sénat en 1999, ce type de concours réservé, qui s'apparente à une forme de discrimination positive, peut « porter atteinte à la fois au principe d'égalité entre les candidats et même au principe du concours comme voie de recrutement dans la fonction publique ».

Un concours de recrutement est censé recruter les meilleurs des candidats pour assurer cette mission fondamentale de transmettre les savoirs. Un concours réservé aux contractuels, le plus souvent réduit à sa plus simple expression – le concours créé par François Bayrou ne comportait que deux épreuves orales –, ne permet pas de vérifier suffisamment la maîtrise de la discipline et contrevient au principe inscrit dans la Constitution selon lequel chaque candidat est également admissible « à toutes dignités, places et emplois publics, selon sa capacité, et sans autre distinction que celle de ses vertus et de ses talents ».

Sans doute certains contractuels sont-ils à la hauteur de leur mission, comme il existe des titulaires qui font honte à leurs collègues. Mais, dans ce cas, ils devraient être tout à fait capables de passer un des concours déjà existants, quitte à être accompagnés, dans la préparation des épreuves, par des professeurs expérimentés ou à bénéficier d'aménagements dans leur service. Avec quelques années d'ancienneté dans l'enseignement public, un maître contractuel peut notamment se présenter au CAPES interne, qui ne comporte qu'une épreuve d'admissibilité, consistant dans l'étude par le jury d'un dossier de reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle établi par le candidat, et une épreuve orale.

La création d'un concours réservé aux contractuels est donc une mesure avant tout politique et, qui plus est, démagogique, pour faire croire à l'opinion qu'on se préoccupe du sort de contractuels qui seraient exploités. C'est leur faire injure de penser qu'ils seraient incapables de se présenter aux mêmes concours que les autres ou que, pour s'inscrire, ils pourraient être dispensés de conditions de diplôme. Mais il y a pire encore. Cette démarche semble traduire une vision déconstructrice de l'enseignement : non pas une institution qui donne aux élèves les moyens de s'instruire et, partant, de construire leur avenir et leur liberté, mais tend à faire des élèves des consommateurs dénués d'esprit critique et des professeurs des exécutants dociles et reconnaissants. Souhaitons que les contractuels se rebellent contre un tel mépris !

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27 août 2022 à 18:17

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51 commentaires

  1. Enseigner c’est un métier, il y a une part qui est innée (question d’autorité) et une partie qui est acquise par l’exemple, la formation, l’étude de la psychologie…. Tenir une classe ce n’est pas à la portée de tout le monde.
    Avec ce nouveau type de recrutement et le salaire qui est promis, il va y avoir beaucoup de candidats mais peu de professionnels. Le niveau va encore se détériorer, ce sera la panique dans les classes.
    Je suis issue de l’EN, j’ai exercé 20 ans et j’ai quitté ce milieu où on est plus soucieux de transmettre des idées de gauche que de transmettre un savoir qui permettra aux enfants de mériter une bonne place dans la société

  2. J’ai 84 ans . J’ai passé 40 ans dans l’Ed.Nat. . D’abord en tant qu’instituteur formé à l’Ecole Normale Primaire , qui recrutait au niveau BEPC (classe de 3e de collège) , après un concours très sélectif . Ex.: à Quimper ,de 1500 à 2000 candidats pour 40 places ~ A Laval : 20 places pour 4 à 500 candidats ) : On entrait en 2de et on allait jusqu’au Bac ( Sciences Ex , en majorité ~ env. 10% en Maths Elèm. et en Philo ) . Celui qui échouait à cet examen , pouvait retenter sa chance une seule fois . Après , il allait voir ailleurs … Puis la 4e année (et bientôt une 5e) : on entrait en Formation Professionnelle : cours théoriques de pédagogie générale et spéciale , suivis d’un stage d’ 1 mois par trimestre chez un Maître de stage (choisi parmi les meilleurs instits du département ) . Un dernier concours , le CFEN (Certificat de Fin d’Etudes Normales) sanctionnait ces études et les lauréats étaient classés selon leurs résultats … Enfin , on participait au mouvement : 5 postes au choix dans la liste fournie . Vous passiez après les titulaires qui souhaitaient changer de poste et , selon votre rang de sortie , vous aviez ou non priorité sur les collègues de votre promotion … C’est ainsi que ça se passait … Puis le « bordel organisé » a été installé par des Ministres tous aussi incompétents les uns que les autres qui , tous , souhaitaient laisser leur marque par une réforme … Et aujourd’hui , on a un wokiste à la tête de ce ministère.

    1. A une telle description, je tremble pour les futurs produits de l’Ed.Nat. . Je me réjouis que mes enfants en soient sortis.

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