Avec Woke, Virginie Despentes résiste à… la « montée de l’extrême droite »

Woke Despentes

Chers amis lecteurs, il m’échoit un pensum. Il me faut en effet vous parler de la première mise en scène de Virginie Despentes, une pièce intitulée Woke, dont la première s’est donnée au Théâtre du Nord, à Lille, devant une foule en délire. Précision : je n’ai pas vu la pièce. Toulon-Lille est un trajet périlleux gros des embûches de la SNCF. Je dois donc m’en remettre aux critiques dithyrambiques et autres pâmoisons qui fleurissent ce matin dans la grande presse.

Tout d’abord, quelques mots pour rappeler qui est Mme Despentes. Elle explose avec son roman Baise-moi, en 1994, puis King Kong Théorie ; connaît un succès retentissant avec sa trilogie Vernon-Subutex… Prise de guerre de l’académie Goncourt, elle en démissionne en 2020. Despentes est une hardeuse de l’écriture, aussi trash sur le papier que dans sa vie, entre défonces diverses et prostitution occasionnelle avant de s’engloutir dans une œuvre largement autobiographique. Par son style fondamentalement tripal, c’est un genre de « Céline punk », en somme.

Comme une « sensation d'asphyxie »

Et, donc, la voilà qui se lance dans la mise en scène de Woke, une pièce qu’elle a commandée (elle est associée au Théâtre du Nord) à trois auteurs : Julien Delmaire, Anne Pauly et Paul B. Preciado, elle-même participant à l'écriture. Le sujet : « Les auteur·ices s’interrogent sur leurs processus respectifs de création et sur cette situation inédite de collaboration. » La situation : « En France, le contexte social et politique est alors particulièrement violent, répressif et anxiogène : au printemps, les manifestations contre la réforme des retraites se multiplient ; l’été, les quartiers populaires s’insurgent après qu’un policier a tué le jeune Nahel Merzouk. De facto, le quatuor questionne le rôle de l’écrivain·e en temps de troubles et le traitement médiatique de nos réalités collectives. »

Pas très « fun », me direz-vous, mais le wokisme, c’est pas de la rigolade. Il s'agit de résister face à la « montée de l'extrême droite ». Alors les auteurices « cherchent leurs mots dans cette sensation d’asphyxie ». L’important, c’est que le public y ait trouvé son plaisir, lequel, si l’on en croit la presse de ce jour, a confiné à l’orgasme.

Ainsi Le Monde y a vu « un spectacle viscéralement politique, inégal, qui se termine en transe ». Un peu pincée, tout de même – on comprend que deux heure trente, c’est un peu long –, Joëlle Gayot écrit : « Virginie Despentes fait mieux qu’assumer l’amateurisme de sa mise en scène » – prends toujours ça ! Elle « dynamite la componction d’un théâtre normé en le propulsant, certes un peu trop tardivement, vers des horizons libérateurs ».

« Virginie Despentes met en pièce les réacs » (Télérama)

Dans Les Échos, on salue « un acte de résistance joyeuse face à un système sociopolitique jugé oppressif » ; dans L'Obs c’est « un manifeste joyeux, rageur et foutraque, qui célèbre les minorités unies dans le combat », le tout s’étant terminé par « une transe collective ». Télérama, on s’en doute, a vibré devant ce « pamphlet puissant et radical contre une société jugée oppressante ».

Mais la vraie critique, poussée, constructive, on la trouve dans L’Humanité sous la plume de Sophie Joubert. « Perméable aux embrasements, aux débats politiques et sociaux récents, Woke prend à bras-le-corps la question de l’engagement et de la responsabilité de l’écrivain dans ces temps inquiets de recrudescence du fascisme (sic). De la mort de Nahel aux exactions israéliennes à Gaza, de la réforme des retraites à la loi Immigration ou à l’éco-anxiété, les mots portent et les punchlines claquent : "les gilets jaunes, c’est le MeToo de l’économie" », écrit-elle. Plus radicale, elle s’enflamme : « Le terme Woke, brandi par les réactionnaires terrifiés par un mouvement venu des États-Unis, s’inscrit en lettres capitales pour devenir l’étendard des "gouines", des Noirs (plutôt que "racisés"), des trans, des pauvres, des immigré.e.s, des travailleurs et travailleuses du sexe, toutes les cultures minoritaires qui unissent leurs forces dans la joie ou l’émeute. »

Vous savez quoi ? Je préfère Molière. Et demain, je vais entendre et voir Le Couronnement de Poppée, de Monteverdi. C’est ça, mon Europe !

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Louanges de ceux qui n’ont pas payé leur place.
    On attend avec gourmandise la durée de vie de cette pièce devant des spectateurs qui paieront.

  2. Au calme dans mon village, j’écoute de chant des oiseaux et je regarde les nuages jouer a cache cache avec le soleil.

  3. Ces gens de gauche ont tellement peur qu’ils font n’importe quoi pour ne pas perdre leurs petits pouvoirs imaginaires.
    Et bravo pour la conclusion de Madame Delarue

  4. J’espère que les wokistes vont finir par s’éteindre, comme les beatniks en leur temps. Je les trouve bien résistants avec leurs idées à dormir debout. Ils sont vraiment dangereux.

  5. Le tout probablement financé par le contribuable . Peut on connaitre le nombre de spectateurs ? Histoire de rigoler un peu .

  6. Et moi, je vais lire du Flaubert ou de l’Houellebecq. Comment ? ils sont interdits par la Cour de la Haute Pensée Morale Arcom ( la CHPMA) dépendante du Conseil constitutionnel ! Bon alors, je vais écouter un bon vieux Rolling Stone. Ah, zut ! Ils ne sont pas européens ! Alors, Tchaïkovski… Ah zut, il est Russe !

  7. Et moi je vais aller me balader sur les contreforts montagneux, respirer l’air pur de la province loin des miasmes des métropoles. Ainsi va la vie desdits béotiens.

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