Après le racisme et le sexisme, le « classisme » : un nouveau délit ?

musique

Comme nous le disait ici Jany Leroy, Thomas Jolly, le directeur artistique de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, nous promet des surprises. Et si Emmanuel Macron tient à son Aya – il l’a redit, le 4 avril –, eh bien, nous aurons la Nakamura, comme on disait hier la Callas ou la Tebaldi… Thomas Jolly le concède : « Bien sûr qu’en mêlant rap, zouk et r’n’b dans sa pop afro-urbaine, Aya ne plaît pas à tout le monde » ; toutefois, « le racisme, le "classisme", le sexisme dont elle a été victime sont inadmissibles ».

Le « classisme », un nouveau délit à l’instar du racisme et du sexisme, donc.

Thomas Jolly est un homme de talent, très épris de classicisme : au théâtre Shakespeare, Marivaux, Musset. À l’opéra Gounod, Offenbach ou Dusapin (notre grand compositeur moderne de musique « savante »), il nage dedans avec bonheur.

Le classisme, c’est autre chose. C’est, remarque faite par un DRH à l’un de mes amis : « Vos compétences ne sont pas en cause, mais vous portez des boutons de manchette, ce qui est le signe d’un esprit bourgeois et rétrograde qui ne peut convenir dans notre entreprise. » Encore le recruteur ignorait-il cette autre tare majeure : mon ami était aussi un excellent organiste. Bach, Haendel, Duruflé et Widor n’avaient aucun secret pour lui, ce que ce DRH aurait sûrement jugé, pour le coup, très « petit » bourgeois.

Le classicisme est... un classisme

La musique, hier classique et aujourd’hui « savante », n’a pas bonne presse. Bien souvent, d’ailleurs, hors les revues spécialisées, elle n’a plus de presse du tout. Il est entendu, désormais, que Les Victoires de la musique sont celles du rap et de la variété « diversitaire », et si l’on distribue encore des Victoires aux musiciens classiques, il n’est plus un grand quotidien pour en publier le palmarès.

Qu’on la dise classique ou savante, cette musique-là se voit accoler deux adjectifs insupportables. Le classicisme est rétrograde (voir plus haut), donc facho, donc d’extrême droite. Idem pour ce qui est savant, donc discriminatoire par principe, puisque cela concerne les sachants. On ajoutera à cela qu’au contraire des rappeurs et autres Aya Nakamura, les artistes se tirlipotent rarement l’entrejambe pendant un concerto ou un aria de Mozart, ce qui les range, là encore, dans les rangs de la bourgeoisie rétrograde.

Toutefois, il y a pire, et le wokisme est venu achever, ces dernières années, une entreprise de démolition déjà bien engagée. En témoigne, avant l’histoire Nakamura, la polémique lancée à la fin de l’année dernière à propos de Radio Classique, accusée de « véhiculer une idéologie profondément conservatrice » car promouvant « un bloc musical "blanc" et conservateur ». Jean-Loup Amselle, l’accusateur, pointait même « la diction des intervenants qui dénote, sinon leur appartenance à un groupe social donné, du moins leur position de classe ». Etc.

Nos arts n'ont pas bonne presse

Dans l’édito qu’il consacrait alors au sujet (Diapason, janvier 2024), Emmanuel Dupuy notait que « le plus cocasse et le plus triste, c’est que M. Amselle, croyant s’attaquer aux puissants [Radio Classique appartient à Bernard Arnault, NDLR], s’en prend en vérité à un pan de notre civilisation qui est aujourd’hui ultra-minoritaire, laminé par le rouleau compresseur des musiques "actuelles" ».

Emmanuel Macron a dit qu’il voulait ramener le théâtre à l’école. Il pourrait aussi y ramener la musique savante, et puis la peinture qui ne l’est pas moins ; bref, « le beau », ce qui élève l’âme et l’esprit. Mais hélas, là encore, il y aurait tant de pans à reconstruire…

J’y songeais, la semaine dernière en ce dimanche de Pâques. Dans mon adolescence, à la collégiale de ma ville, notre chef de chœur n’aimant pas les musiques post-Vatican II qu’il trouvait totalement indigentes, notre modeste chorale chantait les motets de Mondonville ou Charpentier pour la sortie de la messe pascale. C’était sans vocodeur, sûrement pas parfait, mais on jubilait tous dans la gloire de la Résurrection.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

48 commentaires

  1. Une éditorialiste_ ou journaliste _ de France Culture a récemment déclaré que Radio Classique ( elle n’a pas cause de France Musique) était « trop blanche ». Tout est dit. Bientôt, on va trouver anormal que L. Pasteur, Eiffel, D. Papin, Niepce, Bach etc _ il y en aurait pour des heures… _ sont « trop Blancs » et que tous ceux qui se servent ou profitent de leurs formidables découvertes et créations, se livrent à de l' »appropriation culturelle »…

  2. Aya pas à dire, quel talent notre président ,autant en matière de finances publiques que d’art dramatique. Quoi qu’il m’en coûte, j’écoute en voiture radio classique et France musique et une fois à la maison je me régale des concerts classiques qui passent épisodiquement à la télé ou j’écoute Mozart, ça me remonte un peu le moral.

  3. L’emploi du néologisme « classisme » démontre bien que la lutte des classes n’est toujours pas abolie depuis Marx. Les zélites l’ont simplement transformée, en classe blanche contre classe noire, puisque le chiffon (ou drapeau) rouge ne peut plus être utilisé, la classe ouvrière, puis la classe moyenne ayant été sournoisement détruites par ces ultra-riches !

  4. Et pourtant… Dès qu’on veut faire un compliment, on utilise les maîtres de la musique classique. Nos médias serviles n’ont ils pas baptisé Macron le « Mozart de la finance »? Il ne leur est pas venu à l’idée de le nommer le « Nakamura de la finance », ç’aurait été pourtant plus adapté…

  5. J’ai pu constater que mes petits-enfants n’étaient pas indifférents à la musique classique. Aussi, je ne manque pas de la leur faire écouter, car il nous appartient de transmettre le beau. Ils auront beau critiquer, vouloir nous dénigrer, nous n’avons pas à reculer, ni surtout à changer nos habitudes.

  6. Effectivement, il est des gens comme Bach, Mozart, Fauré et même quelques autres qui, bien que musiciens, sont blancs ! C’est intolérable !

  7. Sans doute pour cela qu’hier, nous avons été à un concert où nous avons eu droit à un morceau de Chopin à la trompette. Certains n’ont pas compris pourquoi, malgré la virtuosité (vraie) de l’artiste, nous n’avons pas aimé.

  8. Vous pouvez ajouter la pudeur la politesse la courtoisie le respect les auteurs classiques et tout ce qui rend la vie supportable en societé. Tout ce qui élève au lieu de rabaisser ..la beauté ´et l’ordre …
    Je me sens dans ce cas de plus en plus à droite et de la classe dite bourgeoise je vire vers l’ aristocrate ringard …et fier de l’être…

  9. « Tout est perdu for l’honneur » incarné un par les quelques résistants que nous sommes.

  10. Beaucoup de jalousie dans cette haine du classique et du beau.
    Pour avoir le plaisir de chanter du Haendel,du Bach ,du Mozart tous les jours je me permets de penser que le rap et toutes ces musiques destinées à remplacer le passé sont vraiment nullissimes .

  11. De Charybde en scylla… La décadence au quotidien. On y est. Pauvre France tu n’es déjà presque plus !

  12.  » Le classicisme est rétrograde (voir plus haut), donc facho, donc d’extrême droite. Idem pour ce qui est savant, donc discriminatoire par principe, puisque cela concerne les sachants.  » donc on peut parfaitement retourner le compliment :
     » la musique diversitaire ( rap et autre bruitage rythmique), donc primaire, donc d’extrême gôôôche. Idem pour ce qui est ignorant, donc discriminatoire des gens éduqués »

  13. La très grande majorité des gens est d’une inculture totale en matière musicale. Partout, sur les radios, dans les magasins, dans les restaurants, on nous inflige une soupe sonore immonde. Il m’est souvent arrivé de devoir quitter des restaurants parce que le restaurateur n’acceptait même pas de baisser le niveau sonore, en vous disant « mais vous n’aimez donc pas la musique ? » Et sans parler des voitures avec leur autoradio à plein tube qu’on entend à 300 mètres et qui est plus bruyant que le moteur. L’éveil musical et artistique devrait faire partie des fondamentaux de l’éducation nationale, au même titre que la langue française, l’histoire et les mathématiques.

    • Parfois il m’arrive de demander au gars qui travaille dans la grande surface si le programme sonore ne l’incommode pas.

  14. Quand on est nul, quand on est inculte, quand on est médiocre, …, on méprise ce qui est beau, ce qui est grand, …, pour essayer de minimiser sa propre médiocrité. Ce qui est scandaleux chez ces incultes incompétents, c’est qu’ils méprisent et essayent de détruire notre belle culture et tout ça, avec la complicité des politicards qui s’engraissent à nos crochets !

    • Comme je l’ai lu récemment, plus un élu est nul et plus il s’entoure de plus médiocres que lui pour paraître meilleur !

      • Hélas vous avez raison et c’est une pratique depuis 30 ans et nous pouvons apprécier le résultat !!

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