Grave question : poignets mousquetaire ou à boutons ?
3 minutes de lecture
On sait cela, nos sociétés modernes sont profondément divisées. Ainsi, il y a ceux qui sont plutôt « ceinture » et ceux qui sont plutôt « bretelles ». Il y a ceux (plus rarement celles) qui sont en même temps « ceinture et bretelles » : les adeptes du fameux principe de précaution qui peut se nicher dans les détails. Il y a ceux qui, en toutes choses, sont plutôt du matin et ceux qui sont plutôt du soir. Certains sont bordeaux, d’autres bourgogne. Et bien entendu, ceux qui votent toujours à gauche et ceux qui votent toujours à droite, même en ces temps de grande confusion.
Dans les moindres recoins, vous dis-je, la division fait son œuvre diabolique. Tenez, même dans les détails vestimentaires. Prenez, par exemple, le cas particulièrement délicat des poignets de chemises à manches longues chez les hommes. Il y a encore une soixantaine d’années, les poignets dits « mousquetaire », en anglais « French cuffs » (« manchettes françaises »), étaient encore majoritaires. Aujourd’hui, les poignets à simples boutons semblent avoir pris le dessus, même si les poignets mousquetaire résistent plutôt bien. Regardez les images d’archives des années 50 et 60, nos hommes politiques, les vedettes de cinéma, les people, comme on dit aujourd’hui, arboraient leurs poignets mousquetaire fermés par des boutons de manchette. Pour les politiques, à gauche, comme à droite. Mitterrand, candidat unique de la gauche à la présidence de la République en 1965, mais pas encore socialiste, n’y dérogeait pas. En 1981, devenu résolument socialiste, le candidat était passé aux simples poignets et avait enlevé sa rosette de la Légion d'honneur de la boutonnière. À ce stade de la réflexion, nous sommes en train d’orienter le lecteur : les poignets mousquetaire seraient un marqueur de droite. Pas forcément car, durant la même période, des hommes de droite comme Giscard avaient petit à petit laissé tomber leurs poignets mousquetaire. Il est vrai que l'époque était au relâchement. Pour les vedettes de cinéma, la même chose. Ainsi, James Bond, incarné par Sean Connery dans les années 60, était systématiquement mousquetaire. Son successeur des années 70-80, Roger Moore, se partageait entre mousquetaire et boutons, y compris en smoking. L'horreur. On vous dit que l'époque voulait ça. Disons qu’à l’évidence les poignets à boutons penchent vers la facilité, la décontraction, quand les poignets mousquetaire appellent à plus de tenue, d'élégance. Et puis, il y aurait tant à dire encore. Comme, par exemple, l'aide apportée pour fermer les boutons de manchette de monsieur en échange de la fermeture (ou de l'ouverture) de la robe dans le dos de madame...
Et aujourd’hui, où en sommes-nous ? Question délicate et pour laquelle notre réponse ne pourra être que réductrice. Prenons, chez les royals, les princes William et Harry. Le premier, très traditionnel, comme son père et son grand-père, est très mousquetaire. Le second, décidément ouvert sur le monde et résolument inclusif, est boutons. Si, si, vérifiez ça lorsque vous irez chez votre coiffeur ou votre dentiste, s’il reste encore des magazines dans les salles d’attente après le passage du Covid. Les papes ? Pareil. Le schisme est consommé. Feu Benoît XVI : poignets mousquetaire. À l’exception du jour de son élection où l’on vit dépasser malencontreusement de sa soutane blanche les manches d’un pull-over noir. N'avait pas eu le temps d'aller chez le tailleur. François ? Cela va sans dire : poignets à boutons. On ne pouvait en attendre moins de la part d'un homme qui porte des pantalons sous sa soutane. L'horreur. Nicolas Sarkozy ? Tiré à quatre épingles, toujours en poignets mousquetaire. En attendant le bracelet à la cheville ? François Hollande, le costume de guingois et repassé avec froissetout : poignets à boutons, bien évidemment.
Tirez de ces quelques exemples les conclusions que vous voudrez. Au fait, et Emmanuel Macron ? Ça dépend des jours. Parfois mousquetaire, parfois boutons. Un coup à droite, un coup à gauche. Pas en même temps. Comme la cravate, la question reste pendante : les poignets mousquetaire sont-ils de droite ? Avec un nom comme ça, sans doute...
21 commentaires
Moi, ce qui me frappe c’est la montée en puissance de la co…rie de la gauche la plus à gauche à la droite la plus à droite ce qui revient à dire que je ne sais plus où donner de la tête pour être enfin et de nouveau « serein ».
A la longue, c’est de plus en plus fatigant!
A tous ceux qui ont aimé ce petit article (j’en suis) qui fait du bien dans une actualité toujours plus déprimante, je suggère la lecture de « le rond de serviette est-il de droite » de Richard de Seze. Une pépite ! Une écriture soignée, érudite et pourtant légère et drôle, une bouffée d’air et un agréable moment. Un recueil de petites réflexion sur les objets et les attitudes à lire et relire sans modération.
Sûr que je vais l’acquérir, merci du conseil.