Après avoir quitté la direction de Libération, Laurent Joffrin veut recomposer la gauche. On en tremble à l’avance !

À 68 ans, Laurent Joffrin, désormais ancien patron du quotidien Libération, s’apprête à entrer en politique. Écologisme ambiant oblige, l’heure est effectivement au grand recyclage. En effet, pas d’obsolescence programmée pour les politiques et les journalistes. Les premiers se recasent sur les plateaux de télévision. Les seconds tentent une autre carrière dans la chose publique. Les allers et retours ne sont évidemment pas interdits, à en juger d’une Roselyne Bachelot passée du ministère de la Santé à celui de la Culture après un bref séjour en sas de décontamination chez ces « Grosses têtes » jadis emmenées par Philippe Bouvard avant de l’être par Laurent Ruquier.

Entre ces deux mondes singulièrement consanguins, les passerelles, souvent d’ordre conjugal, sont légion : Albin Chalandon et Catherine Nay, Béatrice Schönberg et Jean-Louis Borloo, Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair, François Hollande et Valérie Trierweiler, Christine Ockrent et Bernard Kouchner, Arnaud Montebourg et Audrey Pulvar, et, dit-on, Jean-Michel Blanquer et Anna Cabana.

Pour franchir le pas et sauter dans le grand bain, Laurent Joffrin choisit bien son moment : le quotidien de gauche, jadis fondé par Serge July, étant désormais propriété du milliardaire Patrick Drahi avant d’avoir été celle de la famille Rothschild n’est pas exactement au meilleur de sa forme. Pour commencer, Libération est en passe d’être lâché par le groupe Altice, propriété du même Drahi, en attendant d’être confié à une fondation à buts moyennement lucratifs dont les contours juridiques demeurent des plus flous, comme l'explique Les Échos.

La position de Laurent Joffrin était manifestement des plus problématiques, surtout quand apprenant son probable remplacement par Dov Alfon (selon une information de CB News), ancien rédacteur en chef du quotidien Haaretz, sorte d’équivalent israélien du Monde : personne ne saurait lui reprocher de sauter du Titanic à l’approche de l’iceberg.

Après, quel est le projet politique de Laurent Joffrin ? La « recomposition de la gauche », rien de moins. On notera que, dans un semblable registre, un autre ludion médiatique, philosophe ce coup-ci, Raphaël Glucksmann (monsieur Léa Salamé, à la ville) et sa Place publique, avait déjà tenté ce coup-là, avec le peu de succès qu’on sait… Il est vrai que le petit Raphaël peinait à faire oublier son soutien militant à Nicolas Sarkozy, en 2007. Tout comme le jeune Laurent, Mouchard de son vrai nom, n’en finit plus de se dépêtrer d’une encombrante filiation ; son père, Jean-Pierre Mouchard, n’étant autre qu’un des amis intimes de Jean-Marie Le Pen et, de longue date, l’un des plus fidèles argentiers du Front national.

« Recomposition de la gauche », donc. Pour ce faire, Laurent Joffrin aurait dans sa musette une liste avoisinant la centaine d’intellectuels, artistes, syndicalistes, experts et autres militants associatifs, censée être rendue publique ce prochain lundi, selon Le Figaro. Les ennemis du vivre ensemble et de la bonne gouvernance doivent transpirer à l’avance, à l’attente de ce pavé lancé dans la mare, même si en forme de gravillon abandonné dans un bidet. Peu importe : il s’agit seulement et avant tout d’éviter un second tour opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen à la prochaine échéance présidentielle de 2022. Mais pourquoi tant d’inquiétude ? Laurent Joffrin n’a-t-il pas déjà appelé à voter pour le premier contre la seconde, en 2017 ? Dans deux ans, il pourra toujours réitérer cette invraisemblable prise de risque, sachant qu’en cette discipline consistant à manger son chapeau, il n’y a toujours que le premier pas qui compte.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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