Cinéma : Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi et John Wax

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À la suite des polémiques autour de George Floyd et de Black Lives Matter, le groupe de pression communautaire visant à « défendre les intérêts » des Noirs au sein de la société américaine sort dans nos salles le film de Jean-Pascal Zadi et John Wax, Tout simplement noir. Une concordance de calendrier assez frappante.

Dans ce faux documentaire, Jean-Pascal Zadi fait mine de jouer les Malcolm X et se donne pour défi d’organiser en France une marche de contestation des Noirs. Pour ce faire, il approche l’humoriste Fary Lopes qui, non sans arrière-pensées, lui fait rencontrer toutes sortes de célébrités issues de l’immigration afin de promouvoir sa marche dans les médias. La finalité de cette initiative, en soi, n’est jamais bien explicitée : s’agit-il de militer en faveur d’une politique franche de quotas ethniques dans tous les secteurs d’activité ou, simplement, d’exprimer une forme de ressentiment à l’égard des Blancs, considérés à tort comme privilégiés ? Difficile à dire. La France n’ayant jamais connu la ségrégation en vigueur dans l’Amérique des années 60 et l’inégalité des droits civiques, la démarche du personnage que joue à l’écran Jean-Pascal Zadi semble bien vaine, pour ne pas dire indécente à l’égard de la situation américaine.

Et cela, Jean-Pascal Zadi (réalisateur) en est parfaitement conscient. Bien plus finaud qu’il n’y paraît, le comédien-cinéaste se sert du postulat de départ comme d’un prétexte pour nous décrire avec autodérision l’état d’esprit victimaire des populations issues de l’immigration en France, avec toutes les dissensions qui les traversent. Une occasion en or pour railler les communautarismes de tous poils. Quand Fabrice Éboué fait de l’humour autour de l’esclavage, l’Antillais Lucien Jean-Baptiste le rembarre et laisse percer un lourd ressentiment à l’égard des Africains qui ont « vendu leurs frères » par le passé. Ce à quoi JoeyStarr répond plus tard, à sa manière, qu’étant lui-même caribéen, descendant d’esclaves ET d’esclavagistes, il ne comprend pas l’intérêt de vouloir à tout prix charger les Blancs. Vikash Dhorasoo, lui, n’a même pas le droit de participer à la manifestation puisqu’étant d’origine indienne et non pas africaine. Ses cheveux ne sont « pas assez crépus ».

Lorsque Zadi évoque son projet de manifestation à Ramzy Bedia et à Rachid Djaïdani, ce dernier lui propose carrément une alliance des Arabes et des Noirs… contre les Juifs (!). Pas de quoi ravir Jonathan Cohen, présent dans la conversation… On a également quelques passages savoureux sur la Brigade anti-négrophobie et ses accents ouvertement racistes ou sur ces militantes afro-féministes qui peinent à masquer leur jalousie à l’égard des femmes blanches prisées par les Noirs qui ont réussi socialement.

Le film est franchement bien vu, la réalisation efficace et l’humour vitriolé. Seulement, à vouloir taper sur tout le monde et à se contenter, in fine, d’un message vivre-ensembliste alors que tout, depuis le début du récit, nous prouve l’impossibilité de la chose, Tout simplement noir ne fait que se ranger du côté de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? : un film anti-communautaire, certes, qui exprime le malaise au sein de la société française mais qui n’apporte d’autre solution que le statu quo… C’est pourquoi, sans doute, le film parvient à contenter tout le monde, qu’importent les idées de chacun. On regrette, par ailleurs, une séquence inacceptable sur les soi-disant « violences policières » à quelques minutes de la fin.

Il eût été souhaitable, enfin, d’entendre davantage le point de vue des Blancs – représentés exclusivement (et timidement) par l’épouse de Jean-Pascal et par Augustin Trapenard – sur ces problématiques qui les concernent tout autant. Faire un film communautaire pour attaquer le communautarisme n’est pas d’une grande cohérence intellectuelle.

2,5 étoiles sur 5

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Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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