La commission d’enquête parlementaire sur les raisons de la perte d’indépendance et de souveraineté énergétique de la France poursuit ses auditions : après celle d’Yves Bréchet, haut commissaire à l’énergie atomique et membre de l’Académie des sciences, qui avait très vigoureusement dénoncé les errements de l’État en matière énergétique et, surtout, la décision insensée, aberrante scientifiquement, d’abandonner le nucléaire au profit d’énergies aléatoires, c’est au tour d’Henri Proglio d’expliquer les fautes majeures des gouvernements français de ces quinze dernières années en matière de choix stratégiques, de politiques énergétique et industrielle.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela secoue ! Henri Proglio, ancien président d’EDF de 2009 à 2014, raconte pendant plusieurs heures comment EDF a été littéralement saccagé au profit d’intérêts politiques et, surtout, au détriment de la France.

EDF, dit-il, était en 2009 un outil industriel florissant, c’était l’entreprise préférée des Français, le premier opérateur européen de l’électricité. « Lors de sa création en 45, le gouvernement considérait que l’électricité était un élément essentiel de l’économie et qu’on devait donc la considérer comme stratégique », raconte-t-il. « Au vu du peu de ressources naturelles de la France (charbon, gaz), le gouvernement s’est lancé trois défis : indépendance énergétique, compétitivité du territoire, et le défi du service public de l’électricité. Défi adossé à un choix technologique clair, l’hydraulique et le nucléaire. »

Le parc nucléaire fournit alors 75 à 80 % de l’énergie en France, l’hydraulique 12 à 15 %. Henri Proglio explique que sur ces bases solides et extrêmement avantageuses pour notre pays, on pouvait envisager de réserver une portion congrue aux énergies renouvelables qui sont, rappelle-t-il, intermittentes, pas utiles en période de pointe et qu’on ne peut stocker : il faudra encore 20 à 25 ans de recherche pour trouver comment stocker l’énergie produite par les renouvelables… « L’injection du renouvelable dans le système impose une flexibilité au nucléaire qu’il n’a pas spontanément », ajoute-t-il. Pour lui, « la France n’est pas un pays dans lequel le renouvelable a une place considérable à prendre ». Vertigineux.

Puis tout a dérapé avec la décision « prise au doigt mouillé » de la politique du mix énergétique, avec la part du nucléaire réduite à 50 %.

De plus, comme l’explique brillamment Géraldine Woessner, dans une chronique sur Europe 1, « en 2010, Jean-Louis Borloo fait voter cette loi qui oblige la France à vendre à prix cassé un quart de sa production nucléaire à ses concurrents, qui vont s’enrichir sans rien faire au détriment des Français dont la facture augmente pour compenser la perte. Ça va plomber pendant douze ans les capacités d’investissement d’EDF. »

Pourquoi ces choix politiques désastreux qui s’apparentent à de la haute trahison ?

Cette situation florissante et de quasi-monopole européen d’EDF ne plaît pas à Bruxelles, obsédée par la concurrence et dont les choix ou diktats sont presque toujours d’origine allemande. En effet, le problème vient d’Allemagne, de la faillite de sa transition énergétique et des conséquences de celle-ci sur l’industrie allemande : « Les énergéticiens allemands étaient à la ramasse totale et l’Allemagne était totalement vulnérable en matière énergétique. Comment voulez-vous que ce pays, qui a fondé sa richesse, son efficacité et sa fiabilité sur son industrie, accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? L’obsession allemande depuis trente ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi. » Puis Henri Proglio porte l’estocade : « Il n’y a qu’en France qu’on parle du couple franco-allemand, on n’en parle jamais en Allemagne […] on n’a rien négocié contre le sacrifice d’EDF, je n’ai pas connaissance de contreparties qu’on ait obtenues. »

Ajoutons que l’intérêt bassement politique et électoral de François Hollande en 2012 le pousse à négocier avec les Verts et à leur promettre la fermeture de 28 réacteurs nucléaires, politique poursuivie et aggravée par Emmanuel Macron.

Sciemment, ils ont cloué le cercueil de la puissance et surtout de l’indépendance énergétique française au profit d’intérêts adverses – l’Allemagne – ou supranationaux - l’Europe.

Et la guerre en Ukraine ne fait que révéler cette faiblesse structurelle de la France, elle n’est en rien la cause de nos problèmes d’approvisionnement en électricité, elle en est juste le révélateur. Alors que, comme le dit rageusement Henri Proglio, la France était exportatrice nette d’électricité en 2009.

Au fait, une dernière question à nos dirigeants : « Pourquoi la France ne prend pas l’initiative, comme l’Espagne et le Portugal, de sortir du marché européen de l’énergie ? »

Que retenir de ces différentes auditions, toutes plus explosives les unes que les autres ? Incompétence, inconséquence, idéologie, trahison ? Nos dirigeants politiques ont atteint des sommets. En cochant toutes les cases.

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18 décembre 2022 à 10:45

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52 commentaires

  1. Quel pays la France est elle devenue?
    Les gens capables ne sont pas écoutés et les décisions sont prisent par des idiots.
    C’est le cas pour l’énergie, mais aussi pour la santé pour la santé pour la sécurité, pour l’immigration pour la justice pour l’économie et sans doute pour d’autres domaines.
    Difficile de faire pire; mais après tout, ces idiots sont élus par d’autres idiots

  2. Il est encore des hommes lucides dans notre pays , et surtout sur le devant de la scène pour parler et démontrer des faits réels à l’encontre de nos dirigeants qui parlent dans l’inculture et le déni.
    Et surtout ce qui fonctionne à l’heure actuelle avec EDF (ou Enédis ou RTE ou on ne sait plus qui est qui ?) ce sont les annonces par toutes les voies de communication et leur sondage pour un OUI ou un NON , mais sur des points précis de leurs distributions aux particuliers , « on ne peut le faire » ( à titre personnel)

  3. On peut parler de collusion avec une puissance étrangère, avec le Qatar. Mais la collusion avec les verts Allemands est encore plus grave et nous oblige à une inféodation totale avec les Etats Unis.

  4. Ancien cadre d’EDF (responsable de l’expertise comptage électrique d’Enedis), je confirme : tout est dit.

  5. Mais qu’ont ils fait correctement au cours des 3 derniers septennats ? Sarko , forfaiture du traité de Lisbonne, Hollande , Leonarda , visite à l’hôpital d’un délinquant ,loi scélérate.Macron, pognon de dingue ,déliquescence et destruction à bas bruit de l’appareil d’état français et suivisme catastrophique des US dans cette guerre actuelle plus officialisation de l’invasion tiers mondiste .
    Une seul solution pour donner un peu d’air frais : la Haute Cour pour ces trois escrocs nuisibles et incompétents.

  6. Monsieur Henri Proglio a été ancien président d’EDF de 2009 à 2014 et nous dit que jusqu’en 2009 EDF, était un outil industriel florissant. Il n’aurait donc fait que d’obéir aux ordres stupides de Jean-Louis Borloo qui « fait voter cette loi qui oblige la France à vendre à prix cassés un quart de sa production nucléaire à ses concurrents qui vont s’enrichir sans rien faire au détriment des Français dont la facture augmente pour compenser la perte, ça va plomber pendant 12 ans les capacités d’investissement d’EDF ». ». Ce monsieur est donc lui aussi responsable de la destruction d’EDF, car, quand on est fonctionnaire de l’état on se doit d’oeuvrer pour le bien de la nation et si on n’est pas d’accord avec les politiques gouvernementales ou les ordres donnés, on se doit de les discuter ou de démissionner. Pourquoi, ne pas avoir entendu ce monsieur en 2010 ou lors de la campagne Présidentielle de 2012? C’est un peu comme Gérard Collomb, on vient dire après coup ce qu’il aurait fallu dénoncer au moment opportun.

  7. Il serait temps que la Haute Cour de Justice ouvre ses portes. Il ne manque pas de candidats à l’inculpation de haute trahison.

  8. Excellente analyse ! que dire de plus , sinon que notre gouvernement veut accélérer la mise en place d’éoliennes , alors qu’on sait Tous, que ce système est loin d’être aussi performant qu’on veut nous le faire croire. Une fois de plus , ce gouvernement veut faire plaisir à nos cousins Germains. Ils nous fourniront ces éoliennes, pendant que nous , dindons de la farce , on va continuer à accepter l’indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz ! Merci Macron, nos PME grâce à toi vont crever lentement mais surement .

  9. Ce n’est plus des erreurs, ni même des fautes, c’est du sabotage, de la haute trahison……Il faudra que ca se paie, ca devrait se payer si les Francais avaient encore un peu de courage.

  10. Ce ne sont pas des erreurs, ce sont des trahisons.
    Nos gouvernements font la politique exigée par l’union européenne.
    L’union européenne veut la fin de l’indépendance de la France en matière d’énergie en détruisant EDF et en exigeant la privatisation de nos barrages hydroélectriques.

  11. Dans le même temps, les services de renseignements français (DST de l’époque et DGSE) s’étaient ouverts à « l’Intelligence Economique » et distillaient à grand coup de conférences de sensibilisation des conseils aux chefs d’entreprises afin de les inciter à la prudence quant à la protection de leurs savoir-faire spécifiques ; ce afin de contrer d’éventuelles tentatives d’ingérences étrangères. Pendant que ces services s’évertuaient de distribuer « la bonne parole », les banquiers, hommes d’affaires et politiques français de tout bord, vendaient à la concurrence internationale nos plus beaux fleurons énergétiques et industriels. Aujourd’hui encore, forts de l’expérience passée, ils continuent de participer allègrement au démantèlement de ce qui nous reste d’industries et nous conduisent inéluctablement à la perte de notre souveraineté. Mais qu’importe, du moment qu’ils s’enrichissent !

  12. On ne peut être que révolté devant autant d’incompétence et de soumission de la part des gouvernants de ces dernières décennies.
    Et quand ils accusent certains de leurs adversaires de pétainistes (c’est souvent leur seule marotte) on pourrait leur faire remarquer qu’en la matière, en cédant aux diktats allemands, les pétainistes, ce sont eux.

  13. Merci pour cet article qui a le mérite de pointer aussi la responsabilité de Nicolas Sarkozy, à travers Jean-Louis Borloo.
    Evidemment, Hollande et Macron ont fait bien pire.
    Nous paierons très cher et très longtemps ce que vous avez raison d’appeler trahison.

    1. Vous avez oublié dans tout ça notre bon Chirac(le seul président qui avait une majorité à l’assemblée nationale et par pur calcul électoral, donne le pouvoir à des ??) avec son gouvernement Jospin, et la cerise sur le gâteau Dominique Voynet. Ceux sont eux les premiers coupables de notre déconfiture, notre asservissement et nos lâchetés. Chirac n’a pas été un bon Président pour les français. Il a eu juste été bon contre la guerre du golf. Quand a l’invasion américaine en Yougoslavie où était Chirac? C’est qu’avant lui il y avait Balladur.. etcétéra etcétéra. Je ne suis pas historien, mais on est dans la m…e.

  14. Trahison est bien le mot qui convient .Quand à ces anciens PDG ou autres , ils y étaient , ont participé au saccage , ils viennent un peu tard pour informer le peuple , on ne mord pas la main qui te gave et t’enrichit . Quitter l’Europe , investir dans le nucléaire et sauver ce que l’on peut tel Fesseheim . L’allemagne a perdu deux guerres et se venge sournoisement , détruit ce que l’on avait de meilleur et de plus performant avec la complicité de Hollande d’abord et Macron sous influence européenne .Combien de petites entreprises ne survivront pas et combien de grosses entreprises vont encore délocaliser pour produire moins cher .

    1. Beaucoup d’artisans vont se retrouver au chômage et le gouvernement a durci les conditions de l’assurance chômage comme l’exigeait l’union européenne.

    1. Si on vous explique que votre voiture est destinée sous peu à la casse, vous allez investir pour continuer son entretien ?

      1. C’est le cas avec les voitures thermiques en faveur de électrique que personne ne veut qui n’ont rien d’économiques

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