À la faveur de la guerre en Ukraine : vers le consolidement de l’axe Chine-Inde-Russie ?

La guerre éclair déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine sera peut-être moins fulgurante que prévu ; il en va souvent ainsi des prévisions des militaires. Et si ce pays est une construction plus ou moins artificielle, le nationalisme ukrainien, lui, n’est pas une vue de l’esprit. Le président russe est certes « coupable », puisque agresseur avéré, mais voilà qui ne doit pas faire non plus oublier les responsabilités occidentales : encerclement de la Russie, poussée de l’OTAN jusqu’à ses frontières et perpétuelle démonisation médiatique du maître du Kremlin. Bref, cette guerre aurait pu être évitée. Mais peut-être n’était-ce pas là l’objectif de la Maison-Blanche.

Laquelle, obnubilée par son tropisme antirusse, ne voit pas forcément l’axe qui est en train de se monter contre elle. Comme quoi il est possible d’être machiavélique et angélique à la fois.

Ainsi, lors du vote du Conseil de sécurité de l’ONU, le 25 février dernier, sur quinze États membres, trois se sont abstenus : la Chine, l’inde et les Émirats arabes unis, la Russie exerçant, elle, son droit de veto. Pour commencer, évacuons le cas des Émirats, leur abstention reflétant par ailleurs la politique de leurs voisins, Bahreïn, Arabie saoudite et Oman, qui ne communiquent pas sur la crise ukrainienne, même si le Koweït et le Qatar « condamnent les violences » sur la forme, tout en se gardant bien de critiquer Moscou sur le fond de l’affaire. Nulle stratégie géopolitique pour ces pays, mais juste des considérations d’ordre économique : la Russie est membre éminent de l’OPEP, et sans elle, comment fixer une politique commune sur les cours de l’or noir ? Quant à l’Iran, dont les liens avec cette même Russie sont anciens, l’attentisme bienveillant semble être de mise. Mais la Chine et l’Inde, c’est une tout autre affaire.

Déjà, la politique erratique des USA aura réussi ce miracle : réconcilier les frères ennemis russes et chinois, alors que jadis, le président Richard Nixon et son conseiller Henry Kissinger étaient parvenus à ce coup de maître consistant à « enrôler » Pékin dans son combat antisoviétique. L’Inde ? Un pays, allié historique de la Russie, qui craint le puissant voisin chinois, mais redoute plus encore un Pakistan islamiste soutenu par Washington. Là encore, les Américains sont en train de pousser les Indiens dans les bras des Chinois.

Et c’est ainsi qu’est en train de se conforter le Groupe de Shanghaï, créé en 1996, visant à fédérer Chine, Russie, Inde, plusieurs républiques caucasiennes et même… un Pakistan assez retors pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Pourquoi ? Pour contrer les visées de la Maison-Blanche en Europe, mais aussi dans l’océan Pacifique ; même si, en cette partie du monde, l’Inde s’inquiète également de l’hégémonie chinoise. Résultat ? L’axe alliant Moscou, Pékin et New Delhi est malgré tout en train de prendre forme.

Autre sujet d’inquiétude pour les USA, le « ralliement », à cette alliance tripartite, d’une Amérique latine traditionnellement hostile à celle du Nord et qui n’a pas précisément volé au secours de la résolution de l’ONU, tels le Brésil, l’Argentine et la Bolivie, qui ont refusé de la signer.

Si l’axe en question demeure relativement informel, il n’en est pas moins réel, même si s’agissant de nations défendant leurs intérêts propres, parfois contradictoires - interpénétration des économies mondiales oblige. Ce à quoi la Maison-Blanche n’est guère habituée, ayant coutume de longue date de seulement traiter avec ces États vassaux – ceux d’Europe, principalement – qu’elle aime à nommer « alliés ». La France, par exemple…

Aujourd’hui, elle est plus « ukrainienne » que jamais – Sandrine Rousseau défile même avec le drapeau de Kiev – mais n’a peut-être jamais été aussi peu française, la preuve par son propre Président, plus inquiet de complaire à l’air du temps et à cette OYAN qu’il donnait pourtant naguère pour être en « état de mort cérébrale ».

À cette aune jugée, les cerveaux élyséens ne semblent guère plus frais.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

91 commentaires

  1. Merci de bien vouloir parler de « consolidation » ; je sais que l’enthousiasme conduit à écrire un peu vite, mais ne tordons pas trop les règles de grammaire et les mots.
    Merci d’avance.
    FJ

  2. La guerre économique contre la Russie ne fera pas de morts mais va étouffer économiquement la Russie .
    Et cette guerre il faut la faire au maximum en bloquant tout pour la Russie

  3. C’est tout ce qui arrive !
    Bravo les américains, majoritairement les « democrats », et leurs marionnettes européennes !

  4. Il se pourrait que tous ces peuples maltraités dans le passé par les occidentaux commencent à relever la tète.
    De toutes parts où les USA et l’Otan sont intervenus ce ne fut que misère et cahot aujourd’hui ils portent une responsabilité énorme de ce qui se passe en Ukraine sans se soucier des conséquences humaines que cela comporte. N’oublions pas les attaques répétées contre des objectifs civils perpétrées par les américains durant toutes les guerres ,

  5. « Président russe est certes « coupable », puisque agresseur avéré »

    Il me semble que cet article reprend le narratif Otaniste faux.

    Car cela dure depuis 7 ans. 7 ans!!!
    Pourquoi cet Otan soit disant bien plus humain que la Russie a laissé les civils du Donbass se faire bombarder ?
    Pourquoi n’a t-il pas fait en sorte de faire respecter les traités signés?
    Pourquoi cette ingérence?
    Pourquoi veut il s’étaler sur la planète?
    Serait ce une volonté de domination?

    Questions sans réponse.

    • La réponse est dans votre dernière question! Les visées hégémoniques des Américains continuent à semer le chaos, chaque jour un peu plus. Leur industrie de l’armement se porte bien, elle!

      • et surtout les US veulent absolument placer leur gaz de Schiste et éradiquer le fournisseur Russe actuel ! L’Otan est  » l’outil » commode pour avancer leur pion dans ce sens !

    • Les réponses sont évidentes : l’OTAN, au départ communauté de défense, a été transformée en bras armé et exclusif de la politique américaine, qui ne se caractérise pas par la subtilité (c’est Wall Sreet aux commandes).
      Les bombardements de civils sont une vieille habitude américaine (voir la France entre 41 et 45). Je pense qu’au Donbass ils étaient surtout frustrés de n’être que spectateurs et qu’ils attendaient fébrilement leur tour. Qui ne saurait tarder.

  6. Nous avons Macron 1° roi de l’Europe + La chute du cours de l’Euro cette monnaie factice car n’étant pas celle d’un pays et encore moins d’une nation + Les cours du pétrole qui s’envolent + Les cours du blé qui s’envolent également + Une campagne électorale totalement dévoyée avec l’assentiment du président du Conseil constitutionnel qui doit sa place à Macron + Une Assemblée nationale composée pour l’essentiel de députés-godillots. La France est en voie de ne plus exister.

  7. Ce que je comprends de ce conflit c’est que les Français vont encore une fois payer pour que les autres pays achètent du matériel américain ou allemand pour le fournir aux Ukrainiens. Nous sommes habitués à nous faire tondre.

  8. …+++incapable de baisser les yeux devant leurs interlocuteurs sincères. C’est dire à quel point le vice est profondément encré. Alors, que les EU (de moins en moins ), l’OTAN et les européens se resserrent, se congratulent de leurs flagorneries envers la Russie, il est normal que les pays les plus peuplés se resserrent à leur tour. Lutter contre les idées portées par l’occident n’est que remettre le monde et l’Homme à sa place. Merci Nicolas Gauthier pour votre article.

  9. Un comique qui joue les Tartarin et devant qui se pâment la plupart des médias, on verra si l’habit fait le moine et s’il combattra; un mauvais acteur qui après avoir paraît-il œuvré avec succès pour la paix arme un des belligérants, et par ministres interposés déclare une guerre économique ou fait état de l’arme atomique; et ces deux tartuffes aux ordres d’un cacochyme américain. Des hommes d’état quoi….

  10. …+++ mais un refus d’injection d’un produit dangereux, peut vous valoir le statut de paria. Ursula ferme les portes de la démocratie en fermant l’information venue d’autres sources que celles officiellement reconnues. En France, rien n’est interdit pour salir et détruire la réputation de certains personnages qui ont une autre pensée que celle de l’Europe et du président non déclaré. Dans ce même pays, 98% des acteurs des médias, ne sont que de mauvais acteurs, menteurs, effrontés…+++

  11. Russie, Chine ,Inde 3 nations qui se surveillent comme le lait sur le feu
    Tous 3 se détestent cordialement.
    Remarquez que l’ on dit : Poutine attaque l’ Ukraine, pas la Russie. Tenter d’ accuser l’ UE, les USA, l’ Otan, même chercher l’ excuse de la naissance de la Russie n’ amène rien au débat. La réalité est que les troupes russes envahissent un pays voisin et libre.
    Poutine se donne le droit de menacer le monde de l’ arme nucléaire, ou il est fou et veut ignorer la riposte, ou il bluff

    • « La réalité est que les troupes russes envahissent un pays voisin et libre. » Libre comment? Libre d’entreposer des têtes nucléaires à 700 km de Moscou alors que les Américains n’ont pas toléré qu’elles soient à 1500 km de Washington en 1962?

    • et remarquez que l’on sanctionne  » la Russie » pas Poutine ! pas besoin d’excuse, il y a des faits, 7 ans de non respect des accords de Minsk par l’Ukraine avec 14000 morts civils sur le Dombas – la patience à ses limites –

  12. L’OTAN articulée avec des peuples en déliquescence, si ce n’est par l’économie de leur pays, cela est évident lorsque les idéologies à la mode terrorisent ces peuples. La rigidité apparente de Poutine, (il serait un dictateur) nous montre pourtant avec quelle fermeté un dirigeant, élu par son peuple, est en droit de sévir contre des individus ou des groupes qui mettraient en péril l’équilibre « mental » de ses électeurs. Un opposant au régime, en Europe, n’est ni mis à l’écart, ni torturé…+++

  13. La Fédération de Russie est un ensemble disparate de peuples, de cultures et de religions.
    Pour l’instant elle est dominée par des slaves orthodoxes , mais si leur nombre diminue suite à la séparation de certains Etats, l’Ukraine dans le cas présent, le pouvoir risque de basculer ailleurs, vers les musulmans par exemple.
    Voilà l’enjeu que Poutine défend, le nombre , toujours le nombre , chez nous aussi le problème existe, mais on regarde ailleurs.

  14. Politique erratique ? Je ne dirais pas ça. C’est une obsession qui, pour les démocrates américains est en train de se concrétiser : la guerre avec la Grande Russie et l’écrasement de Poutine.
    Une politique inchangée depuis la guerre froide, politique qui se poursuit par delà l’effondrement de l’URSS.
    Pourquoi tant de haine ? et tant de persévérance ?

    • Cela s’appelle la doctrine Brzezinski et date de 1977 : jamais au grand jamais ne tolérer une alliance entre Europe et Russie. Nous y sommes en plein.

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