À Brest, une famille avec un nourrisson restée une semaine sans électricité 

La mère de famille dénonce la déshumanisation de la façon dont a été traitée leur situation.
©Enedis
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Sept jours. C’est le temps qu’il aura fallu à cette famille n’habitant pourtant pas en rase campagne de la Bretagne, mais bien dans le centre-ville de Brest, pour retrouver de l’électricité. Sept jours à s’organiser et mettre en place un système D pour lire, travailler, se nourrir ou se laver. Et comme si cela n’était déjà pas assez éprouvant, ajoutez à cela un nourrisson sorti tout juste de maternité, jeudi dernier, pour démarrer ses premiers jours... dans une maison non chauffée !

Comme des centaines de milliers de Bretons - 780.000 étaient sans électricité, le 2 novembre, après le passage de la tempête Ciaran -, Aude, son mari et ses cinq enfants ont donc vécu dans le noir (volets électriques baissés oblige !), à s’éclairer et faire les devoirs à la bougie. Dans cette situation surréaliste à l’heure de l’intelligence artificielle, ils ont pu bénéficier, heureusement, de la générosité de bons voisins leur apportant un peu de thé pour se réchauffer ou leur ouvrant leurs portes pour baigner les enfants. La mère de famille témoigne auprès de BV : « Ce qui est très pesant, c’est de rester sans nouvelles. Je les ai appelés tous les jours, mais nos interlocuteurs sont sur des plates-formes qui ne sont pas au contact des techniciens qui interviennent, et ils ne pouvaient jamais rien, à part nous répondre que notre demande est bien prise en compte. ». Une situation angoissante pour les quatre aînés « qui vivaient dans le noir et ne pouvaient pas voir leurs jeux… »

Déshumanisation de la société

Bien consciente de ne pas être le seul foyer dans sa situation, Aude nous confie « avoir l’impression de ne pas avoir été entendue » et dénonce la déshumanisation des rapports humains : « aucune compassion » au bout du fil d’une personne qui lui a même raccroché au nez, ne pouvant plus rien faire pour elle, et manifestement hermétique à la détresse de cette famille. « On est en France, quand même ! Notre société va mourir de ce manque d’humanité », déplore-t-elle. En allant déclarer la naissance de leur enfant à la mairie, son mari a évoqué leur cas sans susciter plus d'intérêt que cela. « Il n’y a plus de conscience professionnelle », fustige la mère de famille. Pour elle, la visite présidentielle, la semaine dernière, d’Emmanuel Macron entouré de ses ministres « ne sert à rien, ils sont venus se montrer mais ne se sentent pas concernés par les petites gens comme nous ». Elle aurait aimé une prise de conscience de la situation d’urgence mais témoigne « d’être abandonnés à notre sort ».

Une situation inédite

Contacté, Enedis nous confirme que « la situation est inédite » et que cette tempête Ciaran « a été trois fois plus forte en termes d’impact et de répercussions que celle de 1999 en Bretagne et en Normandie ». Pour autant, en amont, Enedis avait prémobilisé ses équipes, appelé des techniciens d’autres régions pour prêter main forte, et continue de déployer un dispositif exceptionnel : « 3.400 techniciens, 500 groupes électrogènes, 8.000 poteaux acheminés, 30 hélicoptères mobilisés »… À ce jour, « plus de 96 % des foyers ont été réalimentés, mais les situations d’interventions restent parfois extrêmement compliquées ».

Si, à l'heure de publier ces lignes, cette famille nous informait avec soulagement qu'elle venait de retrouver le courant, certains foyers demeurent toujours privés d'électricité. En témoigne cette internaute qui écrit sur X (à 18 h 01, ce 8 novembre) : « Mes parents (retraités) habitant à 30 km de Brest n'ont toujours pas d'électricité, ils ont réussi à ouvrir leurs volets électriques pour avoir un peu de lumière et mangent chaud grâce à un réchaud à gaz de camping. »

Picture of Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Ce qui me chagrine c’est que le président-représentant-de-commerce, qui s’est « précipité », comme à son habitude, sur les lieux de la catastrophe due à l’ouragan n’ait pas « condamné fermement » la tempête Ciaran ! C’eût été d’un effet bœuf !!

  2. Ce n’est pas uniquement le manque d’électricité qui est choquant ,mais le manque d’humanite et la froideur de tous ces services .Que ce soit à la poste , au téléphone avec EDF, dans la plupart des grandes surfaces on est traité comme moins que rien..
    D’ailleurs dans les transports les gens ne voient plus les autres .L’humain se meurt..

  3. Et pourtant des moyens pour alimenter provisoirement les villes en électricité existent bel et bien mais non çà c’est pas pour le petit peuple. Un avant gout que sera notre pays avec les doctrines de la Nupes et des EELV.

    • Pensez-vous vraiment que les agents EDF se déplacent de ville en ville avec des centrales nucléaires portatives ?
      Une idée à creuser.

  4. Cette rigidité administrative, on la constate tous les jours avec cette fameuse formule « le règlement c’est le règlement »
    Ces plateformes qui concernent toutes les administrations, entreprises, banques etc… est un véritable fléau ! Avec les progrès de la technologie (informatique, internet, IA etc…) , la société devient de plus en plus déshumanisante !

    • C’est le paradoxe : plus de communication avec l’augmentation des moyens de communication. Et ça ne date pas d’hier….Société déshumanisée, mais aussi responsable de son propre sort.

  5. Mesdames et messieurs les adeptes du progrès et du tout électrique, ne venez pas pleurer quand par confort et paresse vous renoncez à l’autonomie. J’ai la climatisation réversible mais je n’ai pas renoncé à porter des bouteilles de gaz et du bois. Lors d’un épisode neigeux exceptionnel nous sommes restés plus de 15 jours sans alimentation électrique. Un générateur coûte 250€. Arrêtez de vous rendre dépendants de tout pour tout.

    • Tout à fait d’accord avec vous, il suffirait de mettre l’équivalent d’un mois de tabac, voire du changement d’un smartphone, pour avoir un groupe électrogène de secours et un chauffage au gaz à catalyse, pour être autonome.

      • Petit à petit, on a fait de nous des assistés pour mieux nous soumettre et nous détruire. Un troupeau qui va à l’abattoir en chantant.

    • Tout à fait d’accord mais un groupe électrogène digne de ce nom (en autonomie) coûte plutôt 2 000 euros au grand minimum…Et tout le monde ne fume pas ni ne dépense des « fortunes » en smartphone… :)

      • Je pense être un peu plus au courant que vous, j’en ai un de 4kwa silencieux, essence et gaz, inverter que j’ai payé 1200euros. Un groupe seulement AVR de 3.5 à 5 kwa tourne à moins de 500euros. Je ne parle pas d’un groupe pour professionnel, mais inutile dans le cas de coupure de courant tous les cinq à dix ans.

  6. J’ai été également touché par la tempête et me suis rendu compte également de l inhumanite, le chacun pour soi de la population actuelle de notre pays ainsi que de nombreux services publiques. J’ai remarqué aussi des professionnels qui profitent de la detresse des gens pour augmenter par trois leurs prestations.

  7. Et pendant ce temps les immigrés clandestins sont au chaud et à la lumière dans des hotels que nous payons. Quelle honte!! Ce pays est sous développé.

  8. La France qui dégringole depuis 1981… On a jamais autant parlé de compassion, de partage et de solidarité, pour en fait vider les mots de leur sens, et les transformer en concept creux. Conscience professionnelle disparue, amabilité absente, soucis des autres devenu démonstration médiatique sans effet… Mais où est passé le service publique?
    Déconstruit lui aussi. Comme le reste de la société. Comme toutes les institutions. Ne reste plus aux Français qu’à re-découvrir le courage et l’abnégation, en cet anniversaire du décès du Général de Gaulle. Lui qui haïssait l’esprit moutonier et les échines courbées.

  9. Bienvenue dans notre France en régression sociale, la France de nos politiciens et haut-fonctionnaires qui eux sont bien nantis.

  10. Faut-il vraiment rappeler que les services d’électricité tournent sans relâche pour rétablir un courant stable et sûr? Faut-il rappeler qu’un électricien est mort pour le public qui râle, alors qu’il travaillait sous tension? Gageons que sa famille est dans le vrai malheur, ELLE. Ma seule compassion serait pour des gens si pauvres qu’ils ne pourraient – en centre-ville de Brest, pas au fond des Alpes – s’adapter en trouvant des plats tous faits à réchauffer, se faire un pt’it McDo, acheter un petit Butagaz de camping pour faire chauffer, etc. se débrouiller. Et voilà, c’est rétabli. Merci de tout cœur aux gentils voisins. Je crois qu’il ne faut toute de même pas « charrier » avec les jérémiades: ne pas avoir de courant ce n’est pas avoir des bombes qui vous pleuvent sur la tête.

    • Et puis l’absence de jeux vidéos est plutôt salvatrice pour ces gamins. D’autres jeux de réflexion existent !

  11. Il y a des centaines de millions de personnes dans le monde qui vivent sans électricité ou avec très peu, et sans perspective d’amélioration. Bien sûr, chez nous, on a perdu l’habitude, mais il faudrait prendre les choses en perspective.

  12. Imaginez que cela arrive à des « migrants » hébergés par nos soins (et surtout nos sous), quel ramdam cela ferait!

  13. Il est vrai que pour des impayés ils sont beaucoup plus rapides .Il faut également admettre que face à l’ampleur des dégâts la tâche n’est pas simple pour les intervenants . Un coup de chapeau à ceux qui sont sur le terrain dans des conditions parfois difficiles .

    • Tout à fait d’accord
      Énedis avait anticipé bravo
      Un Electricien est mort : empatie
      Les couvreurs aussi travaillent dur , personne n’en parle. Eux n’auront pas de congés supplémentaires.

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