[Point de vue] Mélenchon, la Chine et de Gaulle : sauf que nous ne sommes plus en 1964 !

DE GAULLE

On ne dira jamais assez que dans le monde politique rabougri de 2022, Jean-Luc Mélenchon détonne par sa culture historique, son verbe et son opportunisme. Il y eut l'épisode NUPES lancée comme une résurrection du Front populaire. Et voilà que le même Mélenchon refait parler de lui en plein mois d'août en apportant son soutien à la Chine populaire et en dénonçant la provocation de la visite de Nancy Pelosi à Taïwan.

Si son tweet a suscité des désapprobations de la part de personnalités attachées aux libertés démocratiques, comme Robert Ménard, et jusque dans son camp, de la part du socialiste Olivier Faure et de Julien Bayou (EELV), il a été aussi critiqué par le LR Éric Ciotti : « Après son soutien au régime autoritaire de Maduro au Venezuela, désormais Jean-Luc Mélenchon s’improvise ambassadeur de la République de Chine. » Un Éric Ciotti aujourd'hui candidat à la présidence LR et qui se revendique invariablement gaulliste et attaché à une politique étrangère indépendante, comme on peut le lire dans un tweet de 2014 :

Or, l'habile Mélenchon a pris soin d'inscrire son soutien à la Chine dans la tradition de la politique voulue par de Gaulle qui, en 1964, reconnut la Chine populaire comme « une seule Chine ». Alors, Mélenchon, dernier gaulliste ? Il a, en tout cas, factuellement raison, comme le reconnaît un Régis de Castelnau, qui n'est pas connu pour être un fanatique de la NUPES :

Et les partisans du leader LFI ont beau jeu de rappeler les déclarations d'un Jean-Yves Le Drian, quand il réaffirmait lui aussi cette constante de la position française à l'ambassade de Chine.

Il faut revenir au verbatim de 1964 et au dossier de Gaulle et la Chine (par exemple celui de la fondation Charles-de-Gaulle) pour comprendre pourquoi Mélenchon a raison, et tort.

Que dit de Gaulle au Conseil des ministres du 8 janvier 1964 ? « La Chine est une chose gigantesque. Elle est là. Vivre comme si elle n’existait pas, c’est être aveugle, d’autant qu’elle existe de plus en plus. » La France gaullienne, pragmatique et réaliste, déchargée de la question algérienne et coloniale, aspire à assumer un rôle indépendant dans la guerre froide : reconnaître la Chine populaire est une chance historique. Entre un PCF pro-soviétique et un centre droit très atlantiste, c'est tout à l'honneur du Général d'avoir été un pionnier sur ce sujet.

Mais justement, le contexte n'est plus le même, ni pour la France, ni, surtout, pour la Chine ! Et la suite de la déclaration de 1964 montre à quel point c'est au nom du gaullisme qu'il faut pourfendre Mélenchon, y compris sur la Chine. De Gaulle avait eu une intuition historique : « La Chine meurt d’envie d’être reconnue […]. Les Soviets sont devenus ses adversaires et les États-Unis le sont restés. […] Ils ne voient aucun autre interlocuteur que la France. […] La France existe. Elle est indépendante, elle est pour la Chine une réalité et même la seule. »

Aujourd'hui, cette Chine balbutiante de 1964 est devenue la deuxième puissance économique et militaire mondiale - et la première dictature -, elle n'a besoin d'aucun allié. Seulement d'idiots utiles. Elle a réduit partout où elle le peut l'influence française, en Afrique comme dans notre économie. De Gaulle ne s'y serait pas trompé. Pas plus que sur l'état actuel de la puissance (ou de l'impuissance) française.

Cela n'empêche nullement de condamner les provocations inutiles des USA, en Asie comme en Europe. Plus que jamais, la politique gaullienne d'indépendance et d'équilibre multipolaire entre les grandes puissances est nécessaire. Le théâtre de Mélenchon ne prospère que sur cette absence criante, encore soulignée par le nouveau camouflet de Poutine à Macron. Un Poutine qui vient de déclarer la France puissance « inamicale » avec qui il n'y a plus d'intérêt à discuter.

Mais l'intervention de Mélenchon sur la Chine, surtout dans son "persiste et signe" de samedi, a un autre intérêt : questionner le tropisme pro-chinois d'une grande partie de la classe politique française, toute pleine de petits camarades du PC chinois. Il vient en effet de déclarer : « Où est passé l'actif président des amitiés franco-chinoises M. Raffarin ? Et les signataires de l'accord de coopération de l'UMP avec le Parti Communiste chinois ? Et Fabien Roussel, après son si récent voyage d'amitié en Chine ?»

Nous avons plus que jamais besoin de De Gaulle, mais certainement pas d'un de Gaulle à la sauce Mélenchon. Ou Raffarin.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

20 commentaires

  1. La Chine tentera d’envahir formose Je ne sais pas quand mais eux se souviennent de la déculottée subie lors de la tentative à la fin du 20 eme siècle d’envahir le Vietnam. Des dizaines de milliers de morts et retour à la case départ et il n’y avait qu’ Un pont à franchir. L’époque du 6 juin 44 est révolue. Formose a les moyens d’acheter cash un ou des sous-marins stratégiques. C’est possiblement déjà fait.

  2. Les USA et l’Australie ont annulé le contrat des sous-marins « Attack » et exclue la France de l’AUKUS. La France est donc libre de s’entendre avec la Chine. Elle doit reconnaitre la souveraineté de la Chine sur la Mer-de-Chine-du-Sud et .. Taiwan ! La France n’a plus d’intérêts dans la zone depuis la fin de l’Indochine-Française en 1954 et l’Amiral Courbet est mort en 1885. Et que la Chine reconnaisse la souveraineté Française sur la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie. Si les Aussies avaient voulu des sous-marins d’Attaque Nucléaires, la France pouvait livrer des Barracudas-Suffren. Les Virginia-US vont leur couter un bras et ils ne sont pas au point. Et que la France base une paire de « Suffren » à Tahiti.

    • Bien vu ! vous mériteriez d’être au gouvernement ! Mais comme disait la chanson : « … et puis comme plus tard j’veux dev’nir ministre, moins je s’rais calé, plu j’aurais d’valeur ! ». Triste France !

  3. La France ne s’est pas faite sur le consensus des Gaulois . Ceux-ci ont eu la chance d’être colonisés par Rome puis métissés par les Francs et Il a fallu quelques siècles pour que mijote la tambouille hexagonale . Les Chinois de Taïwan n’ont sans doute pas envie de perdre la relative liberté dont ils disposent mais ils ont tous des parents dans l’Empire . On ne peut négliger ni l’ethnologie ni l’Histoire pour traiter ce cas . La question est : Comment avons-pu confier à cette île chinoise toute l’industrie indispensable des semi conducteurs ?

  4. L’impérialisme américain se décompose (plombé par la lèpre wokiste). Le BRICS (Russie, Chine, Inde, Brésil, Vénézuela, et qq autres) commence à avoir plus de poids dans le monde que le G7. Mélenchon choisit donc son camp. Il n’est pas sûr qu’il ait tort !

  5. Comment des politiques qui ont soutenu le droit des peuples à faire valoir leur droit à l’indépendance peuvent-ils refuser à Taïwan le droit de se libérer de la soumission à la Chine communiste ?

  6. En 1964, la Chine n’était plus une et indivisible, puisque le Vietnam et la Corée existaient déjà. Par contre, la France avait bien déjà été divisée et privée de ses trois départements Algériens. Touts ces références à De Gaulle n’ont aucun sens. Par contre, il est bien vrai que la visite de madame Pelosi est une provocation bien assumée et peut être pas très heureuse.

  7. Oui, en 62 ans la face du monde a changé !
    Les tyrans rouges sont moins portés sur les génocides.
    Le Général de Gaulle voyait d’abord les intérêts de la France.
    Mélenchon, lui ne voit que les siens.
    Le grand Timonier Rouge Chinois, c’est « Moa » eructe Mélenchon !
    « Mao » doit se retourner dans la tombe !
    Mais, Mélenchon n’a qu’une équipe de Va-NUPES-pieds !

  8. Ce que l’on oublie sciemment et la lecture des différents journaux hexagonaux le montre DE GAULLE reconnait la Chine et l’un de ses ministre publie le très gaulliste  » Quand la Chine s’éveillera ». Il reconnait mais met en garde.
    Elle est bel et bien réveillée maintenant.

  9. Je suis tout à fait pour que la Chine se rallie à Taïwan. Qu’elle ait un gouvernement démocratique, avec des élections libres, alors oui, ensuite une fois sorti de la dictature communiste, il n’y aura aucun problème pour que la Chine soit rattachée à Taïwan :)
    Plus sérieusement, comme il est fort probable qu’aucun taïwanais n’a envie de devenir communiste, le droit des peuples à disposer d’eux mêmes devrait guider toute action politique. S’il y avait une volonté des taïwanais d’être rattaché à la Chine communiste, Mélenchon aurait raison. Là, clairement, il a, comme dans beaucoup d’autres domaines, tort.

  10. Pour quelle raison doit-on toujours se référer à De Gaulle?
    Il a eu quelques mots que l’histoire peut retenir,mais ce petit général d’un autre temps, néo-dictateur, bénéficiant de l’aura du libérateur national, bénéficiait également d’une conjoncture économique très favorable.
    De Gaulle a réglé le problème de l’Algérie sans aucune gloire,bien peu soucieux du devenir des civils Français et des kabyles fidèles à la France massacrés après le 19 mars 1962,alors qu’il aurait du faire respecter les accords d’Evian en maintenant des troupes sur place!
    De Gaulle a voulu exister dans un monde ou la France n’existait déjà plus,il a passé des accords avec les pires dictatures du moment,en sacrifiant les droits de l’homme.
    Il y a soixante ans que notre système politique demeure figé sur le modèle gaulliste,il serait temps d’évoluer!

  11. La question chinoise à été clairement revue par De Gaulle. Qui peut aujourd’hui prétendre que la Chine n’existe pas ? Qui veut faire croire que les circonstances n’ont pas joué en sa faveur ? Les prétendus gaullistes qui ont depuis longtemps entrepris de faire parler les morts se trompent : la question de Taïwan, de Quemoy et de Matsu, sans compter celle de Singapour, sont posées aujourd’hui comme hier, et personne n’a jamais proposé de nouvelles réponses à ces vieilles questions. Des intérêts sont en jeu qui mettent en présence la Chine, évidemment, les intérêts, les traditions, les économies et les traités locaux liant les pays souverains de la région et d’ailleurs. La diplomatie y a trouvé un grand et large champ de réflexion avant de laisser à des politiciens peu informés et très pressés le soin de se prononcer sans précaution. N’oublions pas non plus que De Gaulle, quoique soldat, était un adepte certain du principe du «  rasoir d’Ocam » : « Vers l’Orient compliqué, j’allais avec des idées simples ».

  12. Nous ne sommes plus en 1964 ! C’est vrai ! Mao est mort. Le communisme est mort ! La guerre froide est finie ! Mais Taïwan reste en Chine, peuplée par des Chinois qui parlent chinois.. Mais l’impérialisme américain , lui, voudrait rester comme en 1964 ou plutôt comme en 1945.

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