En ce jeudi 3 janvier, de nombreux journaux de la presse quotidienne nationale et régionale reviennent, dans leurs unes, sur deux affaires qui vont connaître un certain retentissement : l’affaire Caillaux et l’affaire Lenoir. C’est sous le titre « Crimes contre la Défense nationale » (Le Figaro) ou encore « Crimes contre la Patrie » (L’Écho d’Alger) que ces quotidiens annoncent tout d’abord la convocation de Joseph Caillaux (1863-1944) pour un premier interrogatoire devant le conseil de guerre. Il est interrogé par Pierre Bouchardon (1870-1950), magistrat de formation, capitaine-rapporteur au 3e conseil de guerre, et surnommé « Le Grand Inquisiteur » par Georges Clemenceau, alors président du Conseil. Ce dernier, depuis son arrivée au gouvernement le 16 novembre 1917, est intraitable avec les défaitistes et les pessimistes. Parmi eux, Joseph Caillaux, en qui Clemenceau voit un « déserteur de la cause nationale », selon l’expression de l’historien Michel Winock. Le chef du gouvernement reproche au député de la Sarthe de vouloir trouver une paix blanche avec l’Allemagne. Clemenceau parvient, en décembre 1917, à faire lever l’immunité parlementaire de Caillaux et d’un autre député, Louis Loustalot (1861-1933) par 397 voix contre 8. Ce qui explique que Caillaux, mis sous surveillance policière dès mars 1917, soit interrogé par le conseil de guerre. « […] Les faits les plus graves commis par l’ancien président du Conseil[ref]Joseph Caillaux, qui a été chef du gouvernement du 27 juin 1911 au 14 janvier 1912, a été un temps pressenti pour reprendre le poste le 16 novembre 1917...[/ref] seraient de s’être livré à Rome […] à une propagande criminelle", rapporte notamment L’Excelsior du 4 janvier 1918.

Dans le même article du Figaro, il est question de l’affaire Pierre Lenoir qui implique d’autres personnages, notamment le député Charles Humbert (1866-1927) et le douteux Bolo Pacha (1867-1918). Ce dernier, qui s’est lié d’amitié avec… Joseph Caillaux, a été arrêté dès septembre 1917. Pierre Lenoir est le fils d’Alphonse Lenoir, distributeur de publicité qui souhaite acquérir le quotidien Le Journal qu’il sait à vendre. Il entre en relation avec un intermédiaire suisse pour débloquer les fonds nécessaires à la transaction. Mais gravement malade et ayant des difficultés d’élocution, Alphonse laisse son fils Pierre poursuivre les transactions. Désireux d’avoir son propre quotidien, Charles Humbert apprend, le 20 juillet 1915, que Le Journal va être vendu à Pierre Lenoir et à un prête-nom, Guillaume Desouches. Quelques jours plus tard, par intimidation et chantage, Charles Humbert obtient de ces derniers la direction du Journal pour dix ans. Le 29 juillet 1915, Le Journal est vendu à une société en formation représentée par Charles Humbert, pour un montant de dix millions de francs, Pierre Lenoir assurant une grande partie du financement. Mais cette somme provient, en réalité, de fonds allemands et les écrits du quotidien commencent à prendre une couleur assez germanophile… L’affaire n’éclate qu’au début de l’année 1917, quand Raymond Poincaré demande à son président du Conseil, Aristide Briand, d’enquêter sur le rachat du Journal.

L’Écho de Paris daté du 4 janvier 1918 indique que la demande de libération conditionnelle de Bolo Pacha est rejetée par le général Augustin Dubail (1851-1934) : « [Il] continuera d’attendre à la Santé, le moment de comparaître devant les juges militaires."

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03 janvier 2018 à 1:45

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