À l'instar du réel, pour les zélateurs du progressisme, en 2022, 1984, le roman dystopique de George Orwell, est devenu offensant.

1984, l'une des plus grandes œuvres de la littérature britannique, à la fois visionnaire sur l'évolution de nos sociétés en cours d'annulation et prophétique sur celle de nos démocraties égalitaristes, entré depuis dans le panthéon des monuments littéraires universels, est aujourd'hui, parmi tant d'autres œuvres de la littérature classique anglo-saxonne - Brontë, Dickens, Beckett, etc. - sous le feu du delirium progressiste. « Les deux minutes de haine », rituel dont elles sont issues, le sont maintenant à l'encontre du livre. Publié en 1949, le roman d'Orwell se déroule dans un État totalitaire qui persécute la pensée individuelle et est notamment à l'origine d'expressions entrées dans la lexicologie courante: « Big Brother », « novlangue » et « police de la pensée », et j'en passe.

Le personnel académique de l'université de Northampton, en Grande-Bretagne, a émis un avertissement au lecteur – trigger warning – à l'encontre du roman au motif que celui-ci contient du « matériel explicite » que certains étudiants pourraient trouver « offensant et bouleversant ». Âmes progressistes à la sensibilité à fleur de peau, racisée ou non, s'abstenir donc du potentiel « offensant et bouleversant » de l'ouvrage ; celui-ci « aborde des questions difficiles liées à la violence, au genre, à la sexualité, à la classe, à la race, aux abus, aux abus sexuels, aux idées politiques et au langage offensant ».

Beaucoup de voix dénoncent cette hystérie wokiste. « Il y a une certaine ironie que les étudiants reçoivent maintenant des avertissements avant de lire 1984. Nos campus universitaires deviennent rapidement des zones Big Brother dystopiques où la novlangue est pratiquée pour réduire l'éventail de la pensée intellectuelle et annuler les orateurs qui ne s'y conforment pas », dénonce le député conservateur Andrew Bridgen. « Beaucoup d'entre nous - et nulle part cela n'est plus évident que dans nos universités - avons librement renoncé à nos droits pour nous conformer à une société homogénéisée gouvernée par une élite libérale [gauchiste, NDLR] nous “protégeant” des idées qu'ils jugent trop extrêmes pour nos sensibilités », poursuit-il.

Alors que 1984 sonne un avertissement éminemment prophétique sur les dangers du totalitarisme idéologique, de nos jours transfiguré sous forme de bien-pensance, de politiquement correct, de progressisme à sens unique, de censure et de culture de l'annulation, l'ensemble de plus en plus en phase avec nos sacro-saintes valeurs républicaines, ce genre de semonce va même à l'encontre même des thèmes que le livre est censé dénoncer. Mais encore, à l'heure où, d'un seul clic, l'omnipotence et l'omniscience d'Internet permettent de mettre à disposition de tout un chacun une constellation de contenus que l'on peut qualifier du moins offensant, du pornographique à l'extrêmement violent, au voyeurisme scabreux des « incivilités » quotidiennes sur les réseaux sociaux, mais aussi aux séries télévisées qui font l'apologie d'une violence décomplexée, fût-elle physique, morale ou sociétale, nos pauvres chouchous, hyperconnectés au virtuel et complètement déconnectés du réel, risquent la déstabilisation cognitive à la lecture d'un paragraphe.

Après la fabrique du crétin numérique, nous voici à l'ère du trouillard progressiste, de la génération woke qui hésite encore si elle est garçon ou fille. Il ne fait d'ailleurs aucun doute qu'Orwell, paraphrasant Bossuet, se rirait de nos jours des progressistes qui se plaignent des conséquences dont ils chérissent les causes. Des minorités dites opprimées, on verse dans la génération des offensés. Comment une génération à qui on donne la frousse pour un livre, une histoire, une grippe ou un rhume peut-elle encore appréhender l'histoire tragique qui l'attend ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/01/2022 à 0:10.

8732 vues

23 janvier 2022 à 20:06

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.

32 commentaires

  1. Je conseille à tous ceux qui refusent cette dictature de la pensée unique de commander rapidement ce livre avant qu’il ne soit plus possible de l’acheter. Ce jour viendra probablement car la réalité a dépassé la fiction depuis un moment. Déjà, le DVD « Autant en emporte le vent » est devenu difficile à se procurer car jugé raciste par cette même pensée unique.

  2. Le wokism reflète la décadence de la civilisation occidentale. Le bon ententisme en folie. C’est nos élites qui en font souvent la promotion au nom de l’ouverture et l’inclusion de l’autre. Nos médias mondialisés appuient le wokism qui s’attaque uniquement aux valeurs occidentales.

  3. Ce Wokisme est une invention américaine, ces gens s’en prennent à notre culture , ce sont des gens incultes, les américains sont des gens qui n’ont pas de culture et qui sont jaloux de la notre .
    C’est ni plus ni moins qu’une tentative de nivellement par le bas .

  4. Rappelez vous au début de la  » crise « , on ne pouvait plus acheter de livres en grande surface ! Cette aberration aurait déjà dû nous mettre la puce à l’oreille .

Les commentaires sont fermés.