Xavier Raufer : « Ces complots bidon ont mobilisé la police pour rien »

Le criminologue Xavier Raufer revient sur les récentes interpellations survenues dans des groupuscules d'« ultra-droite » qui auraient préparé des actions contre le Président Macron, et des attentats.

Pour Boulevard Voltaire, il apporte son regard expert sur le travail quotidien de la police, dans un contexte menaçant.

https://www.youtube.com/watch?v=FC5p73MTvuQ&feature=youtu.be


Il semblerait qu’une grave menace pèse sur la France. On parle beaucoup d’attentats de l’ultra-droite. D’après la presse, beaucoup de cellules ont été arrêtées alors qu’elles préparaient des attentats.
Devons-nous avoir peur de ces mouvements-là ?

Commençons par dire les choses comme elles sont réellement. La vérité est que l’ultra-droite ou extrême droite, ça dépend comment on l’appelle, n’est pas composée uniquement de petits saints. Dans le passé, notamment lors de la fin des guerres coloniales, il y a eu des épisodes et des bouffées de terrorisme d’extrême droite au nom de l’Algérie française qui étaient tout sauf négligeables. Quand c’est vrai, c’est vrai. En revanche, quand ce n’est pas vrai, il faut le dire.
Récemment, nous avons eu deux épisodes, deux crises de nerfs médiatiques, sur de possibles groupes d’extrême droite ou d’ultra-droite prêts à passer à l’acte et qui s’apprêtaient à tuer des musulmans extrémistes ou fanatiques ou à s’en prendre à ceux-ci ou ceux-là et même, dans le dernier cas, à s’en prendre au président de la République.
En tant que criminologue, les gens qui commettent des crimes m’intéressent. J’ai donc été voir de près. On a eu le droit dans les médias : « attention au complot terroriste », mais la suite, on ne l’a pas eue.
Le premier cas est celui d’un groupe qui voulait empoisonner je ne sais pas trop quoi, mais en tout cas des faits graves, s’ils avaient eu un fondement de réalité. Le monsieur qui dirigeait le groupuscule en question dont le nom est ‘’alliance des forces opérationnelles’’ préparait des attentats contre des musulmans fanatiques et peut-être même un enlèvement, des empoisonnements, etc. Quand on va voir de plus près, on s’aperçoit de deux choses. Il y a d’abord une photo du grand chef, monsieur Guy S. dont le nom est connu. Il est complaisamment reproduit en photo dans plusieurs articles. Lorsqu’on regarde la photo, on s’aperçoit qu’il porte un collier autour du cou ainsi qu’une bague. Ce collier est le 2e signe le plus marquant du judaïsme. Le 1er signe est naturellement l’étoile de David et le 2e est ce signe en forme de Pi dans l’alphabet grec. Dans l’alphabet hébraïque, il signifie « je suis vivant ».
La 2e chose, c’est la bague qu’il porte au doigt. Elle a un chaton sur lequel se trouve un superbe signe maçonnique de l’équerre et du compas. C’est le signe le plus célèbre de la franc-maçonnerie. À partir de ce moment-là, on cherche et on s’aperçoit que dans une phase précédente, l’AFO n’était pas ''l'alliance'' ou ''l'association'', mais c’était ''l'atelier'' des forces...
Vous connaissez peut-être la célèbre réflexion dans un Audiard qui parle des règles générales et des exceptions, il dit : « écoute petit, il y a les poissons et aussi les poissons volants, mais ce n’est pas la majorité du genre ». Qu’un monsieur, et il a naturellement droit à tout mon respect, pratique la religion mosaïque et soit franc-maçon me va très bien, mais en revanche, il faut quand même constater que dans les groupes d’extrême droite et d’ultra droite, ce n’est pas le public le plus fréquent. Ce ne sont pas ces individus-là qu’on trouve le plus fréquemment. C’est même d'une absolue rareté. Il y en a peut-être, mais ce n’est pas la majorité du genre. Je me demande donc ce qu’est ce groupuscule dont le dirigeant porte ces signes distinctifs d’appartenance, sauf à ce que ce collier et cette bague soient bidon. Mais il n’y a pas de raison que ce soit le cas, car il a été photographié non pas à l’occasion de son arrestation, mais bien avant. C’est une photo antérieure. Il y a par conséquent sur ce point un élément grave de doute, parce que ce n’est pas le profil, comme on dit. Je ne suis pas un fanatique du profilage, mais là, ce n’est vraiment pas le profil.

Regardons maintenant l’autre attentat. Un groupe de retraités dispersés entre différentes petites villes, semble-t-il, s’écrivaient beaucoup sans précautions particulières. Ils avaient soi- disant l’intention d’assassiner le président de la République. Ce sont des faits un peu étranges. D’abord, lors de la rafle, les policiers arrivent en nombre pour arrêter une dame et les journalistes interrogent ses voisins qui disent « on a cru que c’était le médecin, car elle est bien malade ».
En général, c’est assez curieux que le terrorisme soit pratiqué par des gens souffrants. Ça aussi c’est assez curieux. Quant à l’affaire elle-même, elle fait éclater de rire jusqu’au Canard enchaîné. Vous savez comme moi que le Canard enchaîné n’est pas l’organe le plus favorable à la cause de l’ultra droite ou de la droite extrême. Pour dire : «  c’est comme d’habitude, il y a un nouveau patron à la DGSI. Dans sa boutique, ils lui ont fait un petit cadeau de bienvenue". On trouve quelques branquignoles et on essaie de les faire tomber. C’est un classique.
Souvenez-vous de l’affaire Tarnac. À l’époque, lorsque monsieur Squarcini était arrivé depuis peu et avait créé sur les ruines de la DST, la DCRI, on lui avait fait un petit cadeau en disant "il y a des comploteurs extrémistes de gauche. Ils ont refondé action directe, etc". Cela a été cette histoire de cornecul absolument monstrueuse de l’affaire de Tarnac, du commando invisible. C’était déjà un cadeau de bienvenue. Les gens du renseignement intérieur ont, semble-t-il, c’est le Canard enchaîné qui dit cela, pour habitude de faire un petit cadeau de bienvenue à leur patron, c’est-à-dire de lui sortir une affaire qui lui permette de se faire mousser. Ce n’est pas toujours très bien choisi.


Ce que vous dites est assez inquiétant. On a l’impression qu’entre le repas un peu alcoolisé lors duquel on va proférer des menaces politiques un peu de matamore, et le terrorisme, le basculement de radicalisation est très facile à faire…

Ce que vous dites est symptomatique d’une situation beaucoup plus vaste et plus grave.
Qu’est-ce qu’un expert ? Ce n’est pas quelqu’un qui a de l’expertise, mais quelqu’un qui a de l’expérience. Donc, quand il est confronté à une situation donnée, problématique, dangereuse ou affolante, il est capable d’aller droit à l’essentiel et de trier le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de ne pas, comme les petits chiens, suivre toutes les feuilles mortes dans la forêt sans s’intéresser au gibier. Cette affaire est grave, car non seulement ce sont les complots bidon en question qui mobilisent une partie de la police pour que dalle, mais de surcroît il y a maintenant des accusations qui relèvent du sociétal : ‘’Il m'a traité de sale ceux-ci, j’ai l’impression qu’il était quelque chose ‘’ophobe ‘’ ou autre’’. On voit ce que cela donne en Angleterre. C’est une des raisons majeures de l’effondrement de la police. Le nombre de policiers n’est jamais extensible à l’infini. Vous avez des effectifs de police que l’on peut faire varier de 2 % en plus à 3 % en moins, mais guère plus.
Vous avez au-delà des affaires sérieuses, agressions, vols à main armée, viols, etc, des gens qui portent plainte à tout bout de champ pour des sornettes ou des affaires extrêmement banales qui devraient se résoudre au niveau de la société civile et pas dans ce que le regretté Philippe Muray appelait l’envie du pénal. Ces plaintes-là s’entassent sur les bureaux des commissariats de police. À la fin, les policiers, qui sont quand même vaguement obligés, surtout si c’était une lubie du chef, de prendre cela au sérieux, n’ont plus de temps pour les affaires sérieuses et les affaires qui menacent vraiment, concrètement et au quotidien la sécurité des Français. En soi, cela relève du haussement d’épaule et de problèmes de cour de récréation d’école ( «  madame, il m’a dit un gros mot »). Mais quand la maîtresse passe quatre heures à enquêter et ne fait plus cours, vous voyez que cela ‘’distrait’’, au sens pascalien du terme. On prend des gens qui sont censés faire un boulot sérieux pour l’utiliser pour des calembredaines.
Il y a sans doute des gens du renseignement intérieur qui s’intéressent à Boulevard Voltaire, écoutent les interviews, les lisent et regardent les articles. Conseillons-leur de s’intéresser aux affaires sérieuses et de monter moins de bidonnages pour se concentrer sur les vraies menaces. Cela n’a pas été génial ces dernières années, entre Mohammed Merah, les Kouachi et Coulibaly, il y a eu beaucoup de loupés. S’ils ne veulent pas continuer à laisser tomber les ballons, comme on dit au rugby, qu’ils se concentrent un peu sur les affaires sérieuses et pas sur les affaires qui font rire jusqu’au Canard enchaîné.

Xavier Raufer
Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue - Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)

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