Mennel Ibtissem : pour les opposants, c’est une victoire à la Pyrrhus

L’affaire Mennel Ibtissem a déchaîné les passions. Il y avait les pour, les contre, et TF1 au milieu, se lavant les mains : ils avaient bien dit à tous les candidats de récurer au Monsieur Propre toutes leurs parutions ! Si la petite ne l’avait pas fait, qu’y pouvaient-ils, eux ? Si la chaîne est gênée, bien embêtée, très contrariée, c’est simplement pour son confort personnel. Elle est, à l’entendre, la victime collatérale de ce bad buzz, parce que tiens, elle avait déjà tout enregistré… s’il elle avait pu imaginer ! Et elle part discrètement sur la pointe des pieds - sans doute un menhir à livrer -, laissant les protagonistes s’invectiver.

Hep là, restez ici, on a quelques questions à vous poser :

Quand on s’immisce dans tous les foyers français, n’a-t-on donc pas une responsabilité ?

Qu’est-ce qu’un radio-crochet ? L’occasion donnée à un anonyme de montrer ses talents et son travail au grand public. On vante son mérite. Il est montré aux jeunes comme un idéal à atteindre, pour qu’ils s’identifient et rêvent de réussir à leur tour. C’est pour cela, du reste, que Télé Star écrivait à propos de Dany Machado, candidat de "La France a un incroyable talent", qui s’était inventé de toutes pièces un ami mort au Bataclan : "Impossible, dans ces conditions, pour M6 et la production, de garder un imposteur avoué dans la compétition." Il ne pouvait être donné en exemple.

Le danger terroriste s’est-il dissipé ? Certainement pas, de l’avis même de Gérard Collomb, qui disait encore sur France Inter, le 3 octobre dernier : "Nous sommes en état de guerre."

Quels sont les signes de radicalisation tels que décrits par le site officiel stop-djihadisme.gouv et les "indicateurs qui doivent […] alerter l’entourage sur un processus potentiellement engagé" ?

"Les changements d’apparence physique ou vestimentaire", "la manifestation d’une pratique religieuse radicale", le "complotisme", c’est-à-dire "une théorie qui récuse de manière systématique la version communément admise d’un événement et cherche à démontrer que celui-ci résulte d’un complot fomenté par une minorité active".

Est-il donc normal, cohérent et prudent de valoriser, en les faisant monter sur le podium, dans une émission populaire plébiscitée par les adolescents et au risque de générer un fort effet mimétique, les signes mêmes contre lesquels ceux qui veillent à la sécurité du pays mettent en garde dans un contexte de pays en guerre ?

Mennel Ibtissem, qui n’avait pas effacé ses messages ni voulu découvrir sa tête, n’a, somme toute, pas caché ses convictions en concourant. Elle a joué sa partition. Mais quelle était celle de TF1, qui n’a pas pris l’élémentaire précaution de s’intéresser à ce que de simples « twittos du dimanche » ont découvert en deux minutes ?

Clémentine Autain n’a pas tort quand elle s’inquiète de "l’effet que [ce départ] va produire sur une partie de la population". Pour ceux qui ont apparemment gagné, c’est une victoire à la Pyrrhus. Restant, Mennel Ibtissem était un modèle ; partant, elle devient une martyre auréolée des basses insultes que certains, tricoteuses 2.0, se sentent obligés d’éructer à chaque scandale sur les réseaux sociaux sans voir le moins du monde qu’ils œuvrent contre leur propre camp. C’est donc dans une impasse que l'inconséquence de TF1 a conduit. Et la chaîne aurait le droit de s’éclipser, dans cette affaire, la conscience tranquille et sans faire de bruit ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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