Pour lutter contre l’échec à l’université, il faut en finir avec l’égalitarisme !

2013-11-07-15.29.05

Nos gouvernants soulignent le taux d’échec qui touche les étudiants en licence : 60 % ! Un chiffre à "vous glacer le sang", commente Édouard Philippe, tandis que Frédérique Vidal insiste sur le "taux insupportable" d’échecs dès la première année d’études. Ils espèrent ainsi préparer les esprits à une indispensable réforme.

Le Monde du 31 août a consacré un dossier à ce sujet, pour montrer que "les 60 % d’échecs à la fac masquent une réalité plus complexe", puisqu’ils intègrent des étudiants fantômes, présents par intermittence ou orientés par défaut, sans compter ceux qui s’inscrivent pour avoir le statut d’étudiant et les avantages qui y sont liés (Sécurité sociale, par exemple) ou sont, tout simplement, en attente d’une autre occasion. Quoi qu’il en soit, le surnombre de postulants conduit à des pratiques aberrantes comme le tirage au sort, qui laisse sur le carreau des étudiants méritants.

Il faut donc repenser l’ensemble du système. Frédérique Vidal réunit des groupes de travail, comprenant notamment des étudiants, enseignants et présidents d’université. Ils réfléchiront sur la définition des « prérequis » nécessaires pour telle ou telle section, mais aussi sur l’orientation au lycée, la structure de la licence, la diversification des parcours en premier cycle… L’objectif étant de conduire les étudiants vers une filière où ils peuvent réussir.

Objectif apparemment raisonnable : mais les moyens de l’atteindre seront âprement discutés. La plupart des syndicats d’étudiants (UNEF, FAGE), d’enseignants (SNESUP, CFDT) s’opposent à tout ce qui s’apparenterait à une « sélection » plus ou moins déguisée – ce mot tabou qu’il est interdit de prononcer – et réclament plus de moyens, tandis que la Conférence des présidents d’université (CPU) serait favorable aux fameux « prérequis ».

Ce débat laisse sous le boisseau des questions essentielles. La définition des « prérequis » entraînera ipso facto une réforme progressive du lycée et, en juin 2021, du baccalauréat, avec un plus petit nombre de matières et du contrôle continu. Une telle réforme ne sera acceptable que si elle ne cède pas sur l’exigence et met en œuvre un contrôle continu objectif qui n’aboutisse pas à un baccalauréat d’établissement, d’inégale valeur.

Autre question : le rôle de l’université. L’université pour tous est un leurre. Non seulement parce qu’elle n’en a pas les moyens, mais parce que prendre en charge des lycéens promis à l’échec alourdit et dénature ses missions. Il faudrait envisager, pour certains postulants aux lacunes partielles, une année de remise à niveau. Ou accepter que l’université, à côté des filières généralistes, crée davantage de filières professionnelles courtes, en lien avec les entreprises.

Il est démagogique, d’autre part, de souligner, comme l’article du Monde, que l’État investit deux fois plus de moyens pour un étudiant de prépa que de licence. On ne peut comparer la quantité de méthodes et de savoirs acquis en classes préparatoires, l’efficacité de la formation, les débouchés immédiats, avec le rythme et la lourdeur de fonctionnement des universités, paralysées par leur public excessivement hétérogène et trop souvent démotivé.

Les universités sont obligées de ruser pour instaurer des filières sélectives – souvenez-vous du débat sur la sélection à l’entrée du master – alors qu’elles devraient pouvoir librement créer des sections attractives, performantes à la fois pour le développement du savoir et de la recherche, la diffusion de la culture générale et les besoins de l’économie.

Dans l’enseignement supérieur aussi, il faut rompre avec l’égalitarisme : les tabous sont fatigués !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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