Des généraux acceptent sans état d’âme le possible face-à-face entre soldats et manifestants

militaires français

Plusieurs centaines de soldats étaient mobilisés, ce samedi 23 mars, pour protéger des sites officiels lors des manifestations des gilets jaunes. Certains haut gradés, fort justement, n'y sont pas favorables, comme le général (2s) Desportes, qui expliquait au micro de Boulevard Voltaire : "Si l’armée en venait à tirer contre des Français, alors la crise serait d’une autre nature. Quand l’armée fait du maintien de l’ordre, elle le fait avec ses arguments à elle qui sont des armes à feu faites pour tuer et blesser, alors que la doctrine du maintien de l’ordre en France est, justement, d’éviter les blessures et la mort."

Ce ne semble pas être l'avis de certains étoilés qui, le doigt sur la couture du pantalon, se plient aux ordres sans état d'âme. Il en est ainsi du général Dominique Trinquand qui fut lr conseiller Défense de Macron durant la campagne présidentielle. Cet officier général de 2e section, macroniste convaincu, va encore plus loin dans son jugement en spécifiant : "Je ne suis pas inquiet… le problème, c'est les émeutiers. Ils le savent. S'ils veulent attaquer les militaires pour se faire tirer dessus, c'est leur choix. Ce qui m'inquiète, c'est l'attitude des émeutiers, pas l'attitude des militaires." En reprenant les éléments de langage du pouvoir ("les émeutiers") et en assumant le recours aux armes létales, ce général se place et place l'institution dans une soumission totale à la lecture macronienne de la crise. Cela pourrait se révéler dangereux pour tout le monde si les choses venaient à mal tourner.

Ce n'est pas, non plus, l'avis du gouverneur militaire de Paris, qui ne doute pas de l'emploi de la grande muette dans ce genre de circonstance. Ainsi a-t-il indiqué, sur franceinfo : "Les ordres seront suffisamment clairs pour qu'ils n'aient pas d'inquiétude à avoir." Mais il s'est permis d'ajouter : "Les militaires pourront même aller jusqu'à l'ouverture du feu [...] si leur vie est menacée ou celle des personnes qu'ils défendent."

Heureusement, le général Leray a, in fine, attiédi ses propos en précisant : "Ils procéderont d'abord à des sommations, comme c'est arrivé par le passé, au Louvre ou à Orly." Affirmant que "dans ce cas, les militaires étaient parfaitement à même d'apprécier la nature de la menace et d'y répondre de manière proportionnée".

Le plus surprenant est que ce même général, après les attentats du Bataclan le 13 novembre 2015, devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale en sa qualité de gouverneur militaire de Paris, questionné sur l’ordre qui aurait été donné aux huit soldats de l'opération Sentinelle de ne pas entrer au Bataclan où il y eut 90 morts et plusieurs centaines de blessés, répondait : "Il est impensable de mettre des soldats en danger dans l’espoir hypothétique de sauver d’autres personnes."

Donc, si je comprends ce général, cela ne pose pas de problème de mettre la vie des militaires mais aussi des civils (les manifestants) en jeu quand il s'agit de protéger des bâtiments mais, en revanche, s'il s'agit de sauver nos concitoyens, l'armée ne devrait surtout pas intervenir...

Pourtant, l'inquiétude demeure à l'état-major des armées quant à la riposte en cas d'attaque des militaires qui seront postés devant ces fameux « points fixes » censés être protégés : quels ordres exacts leur donner ? Doivent-ils en arriver à tirer ? À quelles conditions ? Actuellement, aucun haut gradé ne peut garantir l'attitude des soldats de l'opération Sentinelle face à un grand nombre de manifestants virulents.

J.-P. Fabre Bernadac
J.-P. Fabre Bernadac
Ancien officier de Gendarmerie - Diplômé de criminologie et de criminalistique

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