Débat présidentiel : la télé privée assure le service minimum !

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Quatre heures, un véritable marathon télévisuel, encore plus soporifique que l’Eurovision ; mais qui, néanmoins, nous en disait beaucoup sur l’état du paysage politique français.

Officiellement, d’un point de vue médiatique s’entend, l’actuelle construction européenne, non contente d’être tenue pour fait acquis, fait encore figure d’indépassable nirvana. Mais là, les eurosceptiques – Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Jacques Cheminade, Nicolas Dumont-Aignan, François Asselineau – chassent en bande, tandis que les europhiles – Emmanuel Macron, François Fillon – jouent en défensive.

De même, le libéralisme, le capitalisme financier et la mondialisation économique, toujours du même point de vue médiatique, sont devenus doxa dominante. Et personne pour défendre ce « Système »… François Fillon, Benoît Hamon et Emmanuel Macron se contentent de seulement vouloir en corriger les excès, alors que le reste de la troupe, avec des arguments plus ou moins convaincants, se dispute le privilège de renverser la table, nappe et couverts y compris.

Mais que les amateurs de Grand Remplacement ne rêvent pas trop non plus, sachant qu’entre deux envolées contre la marchandisation du monde, BFM TV nous gratifie de tunnels publicitaires vantant banques, organismes de crédit et voitures vendues en moins de trois cents mensualités. Comme toujours, si le Système gouverne mal, il se défend bien…

Pour ce qui est de cet invraisemblable casting, peut-être destiné à démontrer que la France a un incroyable talent, on notera que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, une fois de plus, survolent le débat. Que François Fillon a une épaisseur relative sur les dossiers techniques. Que Benoît Hamon se cherche encore ; à moins de trois semaines du premier tour, il serait temps. Que François Asselineau nous assène article sur article de telle ou telle Constitution, façon soirée diapositives de vacances. Que Nicolas Dupont-Aignan est aussi à l’aise dans ce genre d’exercice qu’un cochon sur une échelle. Que Jean Lassalle excelle dans la faconde de réunions électorales tenues dans les préaux d’écoles de sous-préfecture. Que comparée à Nathalie Arthaud, Arlette Laguiller, c’est un peu Pamela Anderson. Que Jacques Cheminade, ayant tout à gagner et rien à perdre, livre au moins le fond de sa pensée : pendons les banquiers jusqu’au dernier. Et que Philippe Poutou, avec son air de ravi de la crèche, yeux écarquillés, semble avoir débarqué sur le plateau en pyjama sans même avoir eu le temps de chausser ses tongs.

Plus sérieusement, deux sujets, pourtant majeurs, n’auront pas été posés par les speakerines chargées de la purge en question – Ruth Elkrief, ni bonne ni mauvaise, bien au contraire, et Laurence Ferrari, dont on voit bien qu’elle peine à faire la différence entre studio de télévision et salon de coiffure : la géopolitique et l’enjeu civilisationnel, soit la déferlante migratoire, la réification de l’être humain et ce lien social si délité qu’il menace à l’évidence notre société d’implosion.

Là, on constatera que tout cela fut repris, au vol et de justesse, par Marine Le Pen, en toute fin d’émission. Et Emmanuel Macron ? C’est pour lui que la partie était la plus délicate à jouer, les autres participants étant tous plus moins ligués contre sa personne. Au contraire d’un François Fillon, politicien auquel on ne la fait pas, le meilleur espoir masculin de la télé-réalité présidentielle fut tout bonnement inexistant. Soit un grand trou bordé de vide. On ne sait si la bulle sondagière le portant aux nues explosera avant échéance et date de péremption. En revanche, la vérité oblige à dire qu’en ce qui le concerne, le produit ne tient pas toutes ses promesses. Faut-il laisser une chance à cette tête de gondole ? À la place de ses puissants sponsors, on se poserait la question.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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