Christophe Castaner peut dire ouf : la France n’a pas été condamnée par le Parlement européen !

Condamnée ou pas ? Qui ça, par qui et pour quoi ? La France par le Parlement européen pour les violences policières durant les manifestations des gilets jaunes.

Ainsi, jeudi, Le Monde n’hésitait pas à titrer "Le Parlement européen condamne le “recours disproportionné à la force” contre les manifestants". Après presque trois mois de manifestations des gilets jaunes, en lisant cela, on imagine bien que le quotidien vespéral n’évoquait pas la répression policière au Chili sous Pinochet. Mais lire un journal, c’est comme lire son contrat d’assurance : il ne faut pas se contenter de ce qui est écrit en gras. Le Monde précisait ainsi qu’"en plein mouvement des gilets jaunes, certains députés européens souhaitaient une condamnation de l’usage des lanceurs de balle de défense, ce que la majorité a finalement refusé". Nuance. Entre nous, la France de Macron condamnée par le Parlement européen, cela aurait fait désordre. Le Parlement européen, avec sa majorité actuelle en tout cas, c’est fait pour « condamner » la Hongrie, la Pologne, l’Italie, pas la France. Que la Commission gronde de temps en temps la France pour des questions budgétaires, mettons – plaie d’argent n’est pas mortelle, dit-on, quand on vit grand train et si possible au-dessus de ses moyens –, mais la France, pays des droits de l’homme et de toutes sortes de choses, ne peut, par construction, être condamnée comme une vulgaire république bananière. Pas possible.

Notez que l’initiative venait de députés de gauche (alliance progressiste des socialistes et démocrates, les Verts et la Gauche unitaire européenne). Un premier texte avait donc été proposé, texte qui condamnait explicitement l’emploi du LBD et des gaz lacrymogènes.

Finalement, sous la pression des députés de droite majoritaires, le texte adopté ne fait pas mention des "armes à létalité réduite" et ne cible plus la France ni, du reste, l’Espagne. Ouf !

Ce qui a permis, vendredi matin, au ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, de faire la maligne sur RTL en soulignant, à juste titre, que la presse française s’était précipitée jeudi sur "une proposition de résolution qui venait de M. Yannick Jadot et d’une partie de la gauche française qui voulait faire condamner la France…", que "cette proposition a été très largement rejetée" et que "ce qui a finalement été adopté, c’est un texte qui parle de l’ensemble de l’Union européenne sans parler d’un pays particulier qui demande que les forces de l’ordre répriment avec modération les manifestations pacifiques"… Et Mme Loiseau de tweeter : "Attention au fake news", tweet, évidemment, repris triomphalement par Christophe Castaner.

Donc, le Parlement européen a adopté une résolution qui n’a rien à voir avec la situation de la France. Tout à fait. Une motion de principe, en quelque sorte, histoire de se faire plaisir, quoi ! En gros, c'est pas bien d'être méchant avec les gentils. Et comment ne pas être confondu par un texte d'une telle portée ! Et c’est sans doute pour cela que, dans cette résolution, on trouve aussi ce passage qui rend hommage à la police "qui a compté elle aussi de nombreuses victimes dans ses rangs, travaille dans des conditions difficiles, compte tenu de l’hostilité dont font preuve certains manifestants, mais également de la charge de travail excessive". Un texte qui parle de l’ensemble de l’Union européenne sans parler d’un pays particulier. Non, non...

"En Pologne, c’est-à-dire, nulle part", lit-on dans Ubu roi. Désormais, on dira : en Europe, c’est-à-dire nulle part. Et surtout pas en France.

Donc, pour revenir à la question de départ : pas condamnée.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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