« Pour appliquer la loi aujourd’hui, il faut défier le politiquement correct ! »

Après l'attentat islamiste de Trèbes, Alexandre Del Valle revient sur le dossier polémique des fameux fichés S. Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Et, surtout, la loi permet-elle de les expulser du territoire français ? Réponses au micro de Boulevard Voltaire.

Alexandre Del Valle est l'auteur de l'ouvrage Les vrais ennemis de l'Occident : Du rejet de la Russie à l'islamisation des sociétés ouvertes.

Depuis l’attentat à Trèbes, la polémique enfle à nouveau sur le sort des fichés S.
Qu’est-ce qu’on entend exactement par fiché S ?


"Fiché S signifie sûreté de l’État. Ce fichier regroupe surtout des suspects liés à l’islam radical, mais aussi des militants d’extrême gauche, ou de l’ultra droite ou encore des hooligans, ou même des activistes des Black Blocs. Ce sont en fait des radicalisés au sens large.
Le nombre des personnes fichées n’est normalement pas communiqué. On sait qu’il y en a aujourd’hui à peu près 20 000 ou un peu moins, dont la moitié concerne des personnes surveillées pour leur appartenance à la mouvance islamiste radicale."

Quand la classe politique demande que les fichés S soient mis en rétention, cela voudrait dire mettre en prison un bon nombre de gens qui n’ont rien à voir avec l’islamisme radical.

"Cela voudrait dire qu’il faudrait mettre en rétention tous les radicalisés dont seulement la moitié sont liés à la mouvance qui fait l’objet du débat.
Il faudrait plutôt viser le FSPRT, c’est-à-dire le Fichier de Signalement pour la Prévention de la Radicalisation à caractère terroriste. Ce sont ceux-là qu’il faudrait traiter. Cela concerne 16 000 individus. C’est un peu moins que les 20 000 fiché S.
Il faut retenir que le fichier relatif à la sûreté de l’État ratisse très large, de l’ultra droite à l’extrême gauche, y compris certains mouvements écolos radicaux, tandis que le FSPRT concerne uniquement les militants susceptibles d’être classés islamistes, voire terroristes."

Marine Le Pen demande à ce que tous les fichés S soient renvoyés dans leur pays d’origine. Cette mesure est-elle diplomatiquement acceptable ?

"C’est assez facile d’expulser des gens fichés S ou inscrits au FSPRT dans la mesure où la loi le permet. La capacité à expulser un étranger alors qu’il présente un danger pour la sûreté de l’État a toujours existé. Même Tarik Ramadan fut interdit de territoire français, alors qu’il n’était pas terroriste, mais juste pour les conférences qu’il faisait. Dans les années 90, la DST l'avait interdit de territoire.
On peut a fortiori expulser quelqu’un qui peut passer à l’acte.
Mais il y a aujourd’hui des lobbys politiquement corrects qui empêchent cela. On l’a vu avec la loi assez courageuse du gouvernement, elle a été amendée parce qu’on a pensé que c’était trop répressif. On a parlé de l’indignation des associations. Certains députés très minoritaires l’ont relayé. Résultat, on a un peu adouci la loi.
Les hommes politiques, même de la majorité, s’inclinent aujourd’hui trop souvent devant des minorités actives qui n’ont aucun suffrage universel.
Pour appliquer la loi, il faut désormais combattre le politiquement correct. La loi a été criminalisée psychologiquement. La loi a été délégitimée. La chose la plus difficile n’est pas de faire de nouvelles lois, mais d’appliquer les lois existantes."

Alexandre Del Valle
Alexandre Del Valle
Essayiste, géopolitologue

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