Décidément, les antifas sont de grands émotifs. À peine remis du traumatisme de ce sombre jeudi 22 mars, avec ces quelques étudiants grévistes expulsés d’un amphithéâtre de l’université de Montpellier, voilà que leur cœur se trouve à nouveau soumis à rude épreuve.

Ainsi, ce dimanche, une trentaine de militants de la Ligue du Midi entendent-ils rendre hommage à la mémoire d’Arnaud Beltrame, l’héroïque gendarme qu’on sait, tué vendredi dernier par le terroriste islamiste Radouane Lakdim. D’où l’impérieuse nécessité d’une contre-manifestation antifa. Contre Beltrame ou pour Lakdim ? Ou le contraire ? Sarah Finger, journaliste de Libération, présente sur les lieux de la tragédie, ne le dit pas, se contentant d’écrire : "À gauche on crie sa haine des fachos, à droite on hurle la Marseillaise."

Tout de suite, on sent que la môme Sarah n’en a pas qu’un peu sous la plume. "Crier sa haine des fachos" ? Mais la « haine » de la « haine » ne demeurerait-elle point une autre sorte de « haine » ? Surmonter ses propres contradictions fait, certes, partie du bréviaire du marxisme-léninisme, mais sûrement pas de celui des écoles de journalisme. Quant à "hurler la Marseillaise"… Le verbe « entonner » n’aurait-il pas suffi ? Des carences dialectiques et stylistiques que viennent heureusement suppléer des talents d’enquêtrice née : "On connaît bien les méthodes de la Ligue du Midi, et on est solidaires des étudiants qui se sont fait tabasser par une bande de fachos." Nous y voici donc.

On célèbre les « luttes », un peu armées, si possible, surtout en ces temps de commémoration soixante-huitarde, mais à condition de pratiquer le distinguo entre « bonne » et « mauvaise » violence ; la « bonne » violence étant celle qui s’exerce contre la « mauvaise » violence : celle des fascistes. Il n’y a pas de fascistes ? Qu’importe, ceux de la Ligue du Midi feront bien l’affaire. Surtout quand leurs affidés, dont ils « connaissent bien les méthodes », participent, à leur tour et à leur manière, au grand chahut étudiant.

Oui mais, nous dit Yannis, du comité Vigilance et Résistance, cité par notre mademoiselle Finger : "Ça m’a évoqué les milices qui cassent les grèves, à l’ancienne !" Charmant jeune homme… Les Jaunes, c’était il y a un siècle… Celui où, pour contrer une CGT toute-puissante, le patronat engageait des supplétifs aussi brutaux que ses nervis. Époque, d’ailleurs, moins brutale que celle de l’immédiat après-guerre, quand Jules Moch, ministre de l’Intérieur socialiste, ordonnait à la troupe de tirer à balles réelles contre les mineurs en grève. Six morts et de nombreux blessés graves : vive la sociale et les anciens ministres du Front populaire !

Comparé à la Commune, Mai 68 était déjà une farce : des enfants de bourgeois jetant des pavés sur des CRS qui, eux, n’étaient généralement que fils d’ouvriers et de paysans. Que dire, alors, des actuels antifas, persuadés qu’ils sont de rejouer le Vercors et qui geignent parce qu’une poignée de leurs copains ont ramassé quelques baffes, sans doute plus ou moins bien méritées ? D’ailleurs, il y a cinquante ans, dans le Quartier latin, quand les gros bras de la Ligue communiste se faisaient mettre une rouste par ceux d’Occident, ou l’inverse, tous considéraient qu’il s’agissait d’une sorte de règle du jeu.

L’excellente revue Charles, dirigée par Arnaud Viviant, lui aussi ancien journaliste de Libération, publiait récemment un passionnant dossier intitulé "Violence et politique". Un ancien skinhead de l’espèce antifa y livrait ses souvenirs. Des coups ? Il en a reçu autant qu’il en a donné. La différence, c’est que, même rétrospectivement, jamais il ne pleurniche.

Nous ne saurions que conseiller cette lecture des plus instructives à tous nos maquisards de carnaval. Même si, tel que le rappelait l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, cet "antifascisme" n’est jamais rien que du "cirque". Avec ses clowns, manifestement ; et pas des plus joyeux, de surcroît.

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26 mars 2018 à 21:42

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