Zemmour tartuffié par Huster, ou l’art d’accommoder Molière
Mon cher Francis Huster, que t’a donc fait Molière
Pour que depuis des mois, accroché à sa bière,
Tu veuilles devenir son premier laudateur,
Et à marche forcée lui rendre les honneurs !
Pauvre Molière ! Lui qui fut de son vivant
Le plus impertinent et le plus insolent
Des auteurs de théâtre, et le plus subversif,
Qui à tout conformisme se montra rétif ;
Lui qui fut censuré, haï par les puissants,
Par les prédécesseurs de tous nos bien-pensants,
On le voit aujourd’hui loué, récupéré
Par tous ces importants dont il s’était moqué ;
Devenu le faire-valoir des Trissotin,
Des Tartuffe nouveaux et des Monsieur Jourdain !
Déjà il avait eu tous les ans sa soirée,
Ce moment d’entre-soi qui l’avait condamné
À n’être qu’une statuette de laiton
D’une fête microcosmique de salon,
Où les conformités s’étalent, se répondent,
Où les engagements convenus se fécondent,
Et où chacun y va de la brosse à reluire ;
Où l’on a bien pris soin en venant de s’enduire
De générosité et surtout de toupet,
Si bien que j’avais proposé à Dumontet,
L’anti-haineux programmateur des humoristes
Haineux, tous ces grands généreux, ces beaux artistes,
Qui veulent envoyer Zemmour au Bataclan,
Qu’une once de bon sens soit remise dedans :
Que donc l’événement soit décentralisé
Dans la Creuse, à Guéret, puis ensuite à Béziers ;
Bref, très loin de Paris, là où précisément
Jean-Baptiste devint Molière, évidemment
- Car avant de jouer ses pièces à Paris,
Il était à Marvejols ou Saint-Martory ;
Une soirée nouvelle où l’on décernerait
Au fin fond de ces provinces qu’il parcourait
La petite statue, seulement à ceux qui
Se montrent aujourd’hui insolents comme lui,
Qui raillent les dévots des salons médiatiques…
Mais le grand producteur méprisa ma supplique !
Donc Molière resta le joujou des puissants,
Du bobo ridicule et de leurs courtisans.
Hélas ! Il n’avait pas tout à fait expié :
Alors tu as voulu le panthéoniser !
Grand discours de Macron, dévot de la finance,
Contempteur des Français, destructeur de la France,
Je t’imagine en maître de cérémonie
Ou comme le Malade en grand mamamouchi,
Conduisant le grand homme à sa tombe de marbre,
Lui qui aurait voulu reposer sous un arbre !
Tout semblait accompli. Mais ça ne l’était pas !
Car voilà qu’à présent, sur Céniouze, tu vas
Distribuer les rôles à ses personnages
Et comme Dieu tu les recrées à ton image ;
Tu réponds à un Pascal Praud estomaqué
Que Zemmour, c’est Tartuffe : il fallait le trouver !
Eh, comme Paris Match, pourquoi pas Don Juan ?
Ou Bélise nympho, ou Vadius le pédant ?
Ou Thomas Diafoirus, détrônant le Cymès ?
Ou Madame Pernelle ? Ah ! foi de Pelaez,
Zemmour en hypocrite, ah, mais quelle sottise !
Qu’importe ! Il fallait sûrement que tu le dises,
Car enfin… Mais enfin… Qu’on l’aime ou le déteste,
Qu’on soit en désaccord ou en accord céleste,
La seule chose qu’on ne peut lui contester,
C’est que cet homme est pétri de sincérité.
Tout le contraire de ce qu’était le Tartuffe,
Flattant les faux dévots, reniflant de sa truffe
Le moindre cul béni qui passait près de lui,
Menteur et imposteur et de corps et d’esprit,
Alors que lui s’emploie à montrer l’imposture
De ce politiquement correct qu’on endure…
Je t’aime bien, Francis, mais c’est trop, cette fois,
Dans ton zèle un peu niais, tu dis n’importe quoi !
À ce degré de flou, de torsion de l’esprit,
On n’a plus qu’à danser au bal des incompris.
Et si tu veux savoir qui sont les successeurs
Aujourd’hui de tous ces éternels imposteurs,
Lis donc ma Trilogie Molière, à la veillée !
Et d’ailleurs je t’avais proposé de jouer
Mon Tartuffe nouveau, Krüger l’humanitaire
De la télévision et qui fait sa carrière
Sur les malheurs du monde. Oui, mais quand on est prince,
On ne daigne répondre à un plouc de province…
Dommage car pour toi ce rôle était parfait ;
Tu l’aurais porté tel que je l’imaginais.
Et certes tu risquais d’y briser ta carrière,
Mais bien mieux que Zemmour, tu aurais fait l’affaire !
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