Xavier Raufer : « Gérald Darmanin est paralysé »

Xavier Raufer

Xavier Raufer fait le bilan sécuritaire de quatre ans de macronisme, mais aussi de l'action de son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. Analyse sans concession du fonctionnement de ce ministère et de la lutte (dérisoire) contre le trafic de drogue.

 

 

Nous sommes à un an des présidentielles. S’il est peut-être trop tôt pour tirer un bilan de la Macronie, toutefois, on peut tirer un premier bilan de Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur. Entre communication choc et action relative, Gérald Darmanin est-il un bon ministre de l’Intérieur ?

 

Même s’il avait l’étoffe pour l’être, le facteur temps l’écrase complètement. Par conséquent, il ne peut pas l’être. La machine gouvernementale et ministérielle la plus lourde et la plus intraitable de toute la République française est celle du ministère de l’Intérieur. Ce sont trois ministères en un. C’est le ministère de la Sécurité, de l’Administration territoriale et le ministre des Cultes. Un seul de ces ministères serait déjà beaucoup pour les épaules d’un seul homme, alors trois ensemble…

De plus, ce ministère n’a jamais été réformé. Les couches se superposent depuis des décennies. On ne touche pas au ministère de l’Intérieur, en France. Ce ministère de l’Intérieur est non seulement difficile à piloter, très lourd et lent, mais en plus, il est fragile. Il suffit d’avoir un ou deux ministres de l’Intérieur moyens, médiocres, et le ministère ralentit et menace de s’arrêter.

Imaginez la succession de tocards que nous avons eus comme ministres de l’Intérieur.

 

 

Avec qui a commencé la série des tocards ?

 

La série des tocards a démarré avec l’arrivée de Cazeneuve. C’est un petit roquet qui aboie et un lâche. Il engueule les grands cadres du ministère de l’Intérieur et les grands flics, mais lorsqu’un flic lui dit que ça ne va pas se passer comme cela, il disparaît. Ce n’est donc pas un héros.

Par la suite, Castaner est arrivé. Ce dernier est un authentique pitre. Lorsqu’on a une succession comme celle-ci au ministère de l’Intérieur, le successeur a un énorme travail à faire. Il lui faudrait un an et demi à deux ans avant de reprendre la boutique en main.

J’ai connu un préfet socialiste chargé de la sécurité de Michel Rocard. Il était sympa et n’était pas sectaire. Selon lui, Sarkozy au ministère de l’Intérieur a dû faire redémarrer la machine. Darmanin a hérité d’un ministère de l’Intérieur dans lequel on avait inventé des calembredaines qui ne tiennent pas la route. Des âneries comme celles-là les unes après les autres font que Darmanin n’a pas la tâche facile. Quand on s’attaque à une tâche très dure, le bas de la courbe tombera juste au moment de la campagne présidentielle. Il est donc paralysé et, par conséquent, ne peut faire que du show-biz. Il pourrait faire du show-biz intelligent, mais le sien ne l’est pas.

 

Lutter contre le trafic de drogue consiste à vider l’océan avec une petite cuillère. L’année dernière, 96 tonnes de cannabis ont été saisies, en France. La France consomme, chaque année, entre 30 et 35 tonnes de cannabis par mois. Saisir 96 tonnes sur 4.500 tonnes relève à prélever sur le trafic un impôt de 25 à 26 %. C’est moins que l’impôt sur les sociétés. Lorsque vous êtes dans la tranche supérieure de l’impôt sur les sociétés, vous payez 33 % d’impôt. Quand on sait que le trafic de stupéfiants a, en moyenne, un taux de profit de 50 %, chaque année, les narcos se mettent dans les poches à peu près 1,2 à 1,4 milliard d’euros par an.

La deuxième erreur conceptuelle est le fait de s’en prendre au point de deal. Si Darmanin prétend qu’il y en a 4.000 en France, c’est qu’il en a déjà fermé 1.000. C’est absurde. Ce ne sont pas des supermarchés en dur avec des portes, des caisses enregistreuses et des caissières. Ce sont des caves, des couloirs et des entrées d’immeubles. Récemment, le président de la République a montré qu’il était là et qu’il se battait pour la ville. Il a été sur le point de deal du quartier de la Paillade, à Montpellier, et a dit que le trafic de drogue était fini. Les habitants ont dit à un journaliste du Figaro que les types avaient été 100 mètres plus loin et qu’ils ne s’étaient pas arrêtés de dealer pendant que Macron faisait son discours.

Quand on essaie de réprimer la criminalité, on la déplace. La criminalité est fondée sur l’effet de déplacement. Si je ne peux pas attaquer les banques, je vais attaquer les chambres fortes des supermarchés. La criminalité ne s’arrête pas lorsqu’on la réprime, mais elle se déplace. Manifestement, M. Darmanin ne le sait pas. À l’heure actuelle, il excite des gens et ne calme rien.

 

Comment faire pour stopper cette criminalité ?

 

Si elle ne fait que se déplacer, il faut voir d’abord où elle se trouve le plus fréquemment, pour reprendre la célèbre formule philosophique « d’ordinaire et le plus souvent ». Comment repère-t-on où sont les criminels d’ordinaire et le plus souvent ? Deux critères permettent de le faire.

Tous les criminologues le savent, je ne suis pas en train de vous révéler un grand secret.

Les criminologues savent qu’il faut repérer, si on peut utiliser l’image, quand l’animal s’agite. Il suffit de faire remonter les bonnes informations. La police le sait, mais comme on ne leur demande pas trop, naturellement, ils gardent cela pour eux. Quand, par exemple, une trentaine de types font des guets-apens, jettent des cocktails Molotov et tirent des balles dans un certain nombre de métropoles ou dans la périphérie des grandes villes comme à Grenoble, Lyon ou Bordeaux. Cela ne se produit pas à Marseille, puisque le contrôle criminel sur les quartiers nord-est tel qu’ils n’ont plus personne à chasser puisque plus personne ne les gêne. Cela se produit partout ailleurs où il y a cette espèce d’agitation anti-flic.

Nous avons fait une grande étude, l’année dernière, à partir de notre base de données et nous avons comptabilisé, en France, 187 nuits avec une ou plusieurs émeutes. C’est-à-dire une nuit sur deux, en 2020. On peut établir et prouver qu’au moins dix jeunes gens cagoulés ont tiré des mortiers d’artifice sur des flics ou des pompiers.

Si vous voulez savoir où se trouvent les endroits de deal, il suffit de regarder là où les mâts de vidéosurveillances sont abattue par les dealers avec des disqueuses. Ces vidéosurveillances ne seront, bien entendu, pas tronçonnées sur les Champs-Élysées, mais dans certains quartiers.

Avoir cette carte-là vous donne la carte de France des endroits où les voyous sont chez eux.

Une fois que vous savez tout cela, en croisant le critère émeute et le critère abattage de mats de vidéosurveillance, vous allez chercher les voyous et vous les arrêtez. C’est aussi simple que cela.

Darmanin ne peut pas le faire. Ces chers petits anges ne vont pas se rendre en mettant les poignets en avant en disant « arrêtez-moi, j’ai pêché ». Pendant qu’ils se débattront, cela ira un peu plus mal avant d’aller mieux, et là, ce sera juste au moment où Macron expliquera que c’est le plus grand, le plus beau et qu’il a tout réussi.

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Xavier Raufer
Docteur en géopolitique et criminologue - Il enseigne dans les universités Panthéon-Assas (Paris II), George Mason (Washington DC) et Université de Sciences politiques et de droit (Pékin)

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