Au nom de la pudeur s’exhibent hidjabs, burqas, tchadors, burqinis et autres tenues dont il faudrait bannir les noms, tant la répétition des mots habitue aux choses. Il s’agit, bien sûr, de pudeur féminine, selon les prescriptions du prophète et des vénérables imams auteurs de multiples prescriptions (dites « fatwas »), à l’opposé de la licence des femmes impies et de l’indécence des tenues modernes en Occident.

Or, le contraire peut se soutenir : tous les emballages sont obscènes et les tenues légères, voire débraillées, de nos contemporaines marquent moins d’impudeur, même si elles ne sont pas toujours agréables à regarder. En effet, tous ces divers tissus couvrants désignent les femmes comme objets sexuels, de la tête aux pieds, même les toutes petites filles, pour certains. Qu’il s’agisse d’une adolescente, jolie ou non, d’une femme mûre entourée d’enfants et précédée d’un mari habillé à sa guise, d’une vieille bien trop chargée d’ans et de fatigue pour penser à séduire, toutes, leur tenue les expose comme objets de désir et proclame à tous les mâles environnants : stop, halte-là, vade retro.

Quand on demande à des femmes éduquées en Europe pourquoi elles s’enveloppent ainsi, elles disent « obéir à Dieu, avoir la paix dans leurs banlieues, se sentir à l’aise ». Mais n’est-ce pas aussi se rassurer : « Je suis désirable, les hommes ont envie de moi, sinon je n’aurais pas besoin de m’emballer ainsi » ? Encore mieux sur la plage où les Françaises en maillot, bikini ou non, assument leur âge, leurs éventuelles disgrâces physiques et, donc, le regard critique des autres quand les emburqinisées se posent fièrement là.

Paradoxe ? Pas vraiment, puisque les pays musulmans, même les plus religieux, n’ignorent pas le viol. Si les emballages décourageaient le désir masculin, ça se saurait. De fait, plus ils sont opaques, plus ils permettent de rêver au corps caché, de le charger de fantasmes ; et même le simple voile couvrant bien la tête de nombreuses jeunes musulmanes en France proclame « Attention, vous risquez des pensées impures à me voir, je suis désirable… et interdite ». Les fantasmes des Européens d’antan sur les nonnes entraperçues à travers leur clôture ne me démentiront pas, non plus que les romans et peintures orientalistes. D’ailleurs, il est frappant de voir les signes contradictoires qu’émettent nombre de ces demoiselles quand, la tête pudiquement emballée, elles arborent un maquillage soigné et des vêtements qui inversent le message : pantalons moulants, buste souligné. De celles-là, on est tenté de croire que leur voile est pur étendard religieux, provocation calculée. Sans doute pas seulement : un corps si semblable à celui de toutes les jeunes filles n’attire les yeux que s’il se distingue du tout-venant. Ajoutez-y un voile et les garçons y regardent à deux fois et fantasment sur une chevelure cachée qui se dénouerait pour eux. D’une pierre deux coups : on attire les regards et on provoque les koufars.

Double bénéfice, donc, puisqu’en se voilant, les femmes affirment haut et clair leur appartenance religieuse et leur défi à ce que la France appelle laïcité. Cette notion n’a d’autre sens pour elles que la liberté de s’afficher en toutes circonstances. Elles poussent ainsi les autres à s’entre-déchirer et à argumenter indéfiniment sur des distinctions subtiles entre voile discret et emballage provocant, entre mise en cause publique et reproche discrètement emballé dans des circonlocutions embarrassées.

Le sourire satisfait, presque triomphant, de la dame en noir dont « la vie a été détruite », au moment même où elle est censée consoler le pauvre gamin qui pleure sur son épaule, vaut tous les arguments du monde.

10209 vues

18 octobre 2019 à 22:32

La possibilité d'ajouter de nouveaux commentaires a été désactivée.