Voici revenues les grandes peurs…
Évidemment, ce ne sont plus celles du Moyen Âge : ni le diable, ni les sorcières, ni les loups ne rôdent plus dans l’imaginaire collectif en faisant trembler d’effroi les enfants. Mais quand même, la grande peste, celle de 1346, semble de retour. Certes, le Covid-19 est de son temps, un virus plus sournois que la bactérie de la peste, qui s’attaque à une humanité beaucoup mieux armée pour lutter contre les maladies et retarder la mort. La propagation est rapide et assez surprenante, mais les cas mortels demeurent très minoritaires.
Toutefois, on ne peut éviter deux réflexions. La première s’appuie sur le point commun entre la grande peste et le coronavirus : tous deux sont liés aux échanges, à la circulation des marchandises et des personnes. En l’absence de vaccin et de traitement sûr, la réponse à l’épidémie actuelle consiste, avant tout, à mettre en marche arrière le processus d’ouverture qui anime l’idéologie dominante de la planète. Faute de fermer les frontières nationales pour refouler l’immigration irrégulière, l’Italie a mis en place le confinement de certaines villes pour isoler les personnes éventuellement contaminées. Le tourisme et les pèlerinages sont davantage endigués. Les manifestations qui rassemblent les foules sont annulées.
Bref, l’Homo festivus, grand consommateur, grand voyageur et grand festoyeur, est prié de prendre garde à ce qu’il touche, à qui il rencontre, de veiller avec précaution à l’utilité et la destination de ses déplacements. La route de la soie qui ressuscitait, mais dans l’autre sens et à une autre échelle, le voyage de Marco Polo devient la voie du doute, puis de l’effroi : c’est, une fois de plus, de l’Orient que vient le mal, et c’est en Italie qu’il prospère. Tous ceux qui sont allés dans les régions de ce pays touchées par le fléau, de même que ceux qui, par leurs activités, dans les hôpitaux, par exemple, ont pu être en contact avec des porteurs, sont appelés à demeurer cloîtrés durant une quinzaine - la durée d’une incubation éventuelle. Si on constate l’exception réservée au match Lyon-Turin pour lequel plusieurs milliers d’Italiens on pu venir soutenir leur équipe dans la capitale des Gaules, c’est tout le mondialisme, ses échanges, ses bourses et ses fêtes que le virus a fait pâlir. Il est vrai que, là, les enjeux financiers d’un match de football méritaient de courir le risque en exagérant la distance entre Milan et Turin.
Mais pour ceux qui ont connu les heureuses années pompidoliennes, celles où la France choisissait le nucléaire pour sauvegarder son économie, se réjouissait de sa croissance industrielle et s’intéressait peu encore à l’hécatombe routière, ils ont le souvenir d’un moment de leur vie qui ignorait la peur, même s’il est maintenant envahi par les reproches. Au contraire, nous en sommes, aujourd’hui, à passer d’une crainte à une angoisse puis à une panique, comme si l’actualité ne pouvait se nourrir que des frayeurs qu’elle suscite en permanence.
Le pauvre BHL tente de brandir à nouveau le masque du dictateur sanguinaire de Damas massacrant son peuple à plaisir alors que, soit dit entre nous, il essaie simplement de restaurer la circulation entre Damas, le littoral et Alep, la ville la plus importante du pays et dont celui-ci a besoin pour se redresser. Mais BHL se plaint du tintamarre fait autour du coronavirus, qui fait passer la situation en Syrie au second plan.
Grâce à la pucelle du climat, c’est une autre peur encore qui a pris le relais : une bonne, celle-là, celle du réchauffement climatique, appelant tout individu responsable à se vouloir un héros au service de la planète, un héros craignant de rouler trop vite, de manger trop, de consommer trop, de faire trop d’enfants… Un chevalier plein de peurs et de reproches. Il y a, chez Maupassant, un personnage qui, à force d’avoir peur d’un duel, finit par se suicider. N’est-ce pas l’état d’esprit qui domine, d’une peur à l’autre, plutôt que d’affronter la vie avec courage, confiance et espérance ?
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