Vers un gouvernement d’union nationale ?

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D'après un récent sondage, 7 Français sur 10 souhaitent un gouvernement d'union nationale.

Tout le monde s'accorde à penser que la sortie progressive de la crise sanitaire va ouvrir une période à haut risque sur les plans économique et social. Cette situation correspond éminemment à celles qui appellent l'union nationale. Tout le monde (à commencer par les intéressés) est conscient que le pouvoir en place est fragilisé par sa gestion calamiteuse de la crise sanitaire, porte le poids de sa gestion des crises sociales antérieures et bénéficie d'un niveau de confiance particulièrement bas. Toutes les conditions sont donc remplies pour que s'exprime l'aspiration à un changement à la tête de l'État. Si la catastrophe à l'origine de la crise était d'une autre nature, la solution constitutionnelle s'imposerait avec évidence : dissolution. Mais qui, en l'occurrence, peut imaginer l'organisation d'élections législatives ?

Sagement, donc, l'opinion sondée exprime, par ce souhait, à la fois sa défiance radicale vis-à-vis de l'équipe actuelle et sa demande d'un passage de relais dans l'ordre et par la collaboration des forces représentatives (la démarche ainsi esquissée, il faut le souligner, est à l'opposé d'un processus révolutionnaire ou d'une demande de coup de force institutionnel). Un Président qui serait animé par l'esprit de la Ve République aurait les moyens constitutionnels d'accéder à cette demande.

Encore faut-il décrypter ce que l'opinion entend derrière cette « union nationale ». Est-elle inclusive ou exclusive ? Est-elle limitée aux partis ayant des groupes à l'Assemblée ou s'ouvre-t-elle à tous les partis en fonction des voix recueillies aux diverses élections ? Plus précisément : inclut-elle le RN, qui s'est imposé comme le premier à tous les récents scrutins ? Si tel n'était pas le cas, le terme d'« union nationale » serait une grossière impropriété ; on aurait seulement un banal gouvernement de coalition.

On dira que vouloir associer dans un même équipage le RN et les partis dits « républicains », c'est comme vouloir marier l'eau et le feu. Mais n'est-ce pas, justement, cela qu'on appelle, dans tous les pays et dans toutes les situations d'urgence, « union nationale ». Le Président et certains de ses ministres ont déclaré, à plusieurs reprises, que la situation requérait des solutions de type souverainiste, rompant avec le libéralisme à tout va. N'est-il pas logique de penser que ceux qui prêchent depuis longtemps pour cette politique sont plus à même de la mener que ceux qui y adhèrent par opportunisme de circonstance et sans conviction ?

Le gouvernement d'union nationale présente des avantages et des inconvénients pour les partis qui s'y livrent. Pour le parti du Président, il a l'avantage essentiel de diluer la responsabilité des mesures impopulaires qui seront prises, mais il a l'inconvénient de lui enlever la réalité du pouvoir. Quant aux partis d'opposition, ils ont plus à y perdre qu'à y gagner s'ils y figurent seulement comme forces d'appoint, car ils seront tenus pour coresponsables des problèmes sans vraiment peser sur les orientations. Cela est plus spécialement vrai pour le RN, qui n'aurait intérêt à s'y associer que s'il y détenait une place déterminante.

La vie politique française étant bloquée dans la situation ubuesque que l'on sait, le gouvernement d'union nationale paraît utopique. Les partis auraient cependant tort de ne pas prendre la demande qui semble émaner du peuple avec le sérieux qu'impose le caractère exceptionnel du moment.

Maurice Pergnier
Maurice Pergnier
Professeur d’université, écrivain

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