Curé et bistroquet : même combat !

café église

Dans ce cher et vieux pays, le curé et le bistroquet feront sans doute partie de la dernière charrette à bénéficier de la levée d’écrou post-confinement. On le sait depuis que le Premier ministre a présenté son plan à l’Assemblée nationale. On a, d'ailleurs, bien compris que c’était pour notre bien. Mais c’est un fait. Certes, les portes des églises rouvriront bien un jour et l’on peut en maints endroits, par le truchement d’Internet, suivre sa messe habituelle. En revanche, beaucoup de rideaux de cafés risquent, malheureusement, de rester à jamais baissés lorsqu’on les autorisera à se lever. Et Internet ne permet pas de prendre un petit noir ou un petit blanc, selon l’heure, au coin d’un zinc virtuel.

Dans la mythologie d’une France d’avant, d’avant tout plein de choses en noir et blanc, trop longues à nommer ici, le cafetier et le curé se faisaient un peu concurrence autour de la place du village. Schématiquement, à coups d’idées reçues, la clientèle du premier était plus masculine, celle du second plus féminine. Les voici donc rassemblés dans une union sacrée improbable, sacrifiés tous les deux sur l’autel sanitaire.

On notera, au passage, que dans son discours, Édouard Philippe n’a évoqué la question de la réouverture des lieux de culte que bien après celle des stades, des musées, des cinémas, des théâtres, etc. Pas de procès d’intention, mais aurait-il cité les maisons closes si elles avaient encore existé ? « Quant aux lieux de culte… » : comme un codicille, une pièce jointe à la troisième annexe de la note de service punaisée près de la machine à café. Monsieur est trop bon d’avoir gardé, dans son discours, un strapontin pour ce petit supplément d’âme qui doit bien rester quelque part dans un coin de ce « cher et vieux pays », pour reprendre l’expression du paroissien de Colombey-les-Deux-Églises.

Mais, au fond, tout cela est-il vraiment surprenant ? « La France ne sera plus jamais comme dans les films de Fernandel », avait écrit, en 2016, l’indigène de la République Houria Bouteldja. D’ailleurs, Don Camillo, c'était en Italie, pas en France ! Plus jamais comme dans les films de Fernandel, mais aussi comme dans ceux de Delon, Belmondo et, pour faire bon poids, au train où vont les choses, comme dans les films de Depardieu. Le dimanche matin, dans nos comédies sociales, on ne va plus à la messe, bras dessus bras dessous, avec Madame, mais on va faire du jogging avec sa compagne ou son compagnon. Du reste, si nos gouvernants, Macron le premier, ont tant glosé sur cette question du sport durant le confinement, ce n’est pas un hasard.

De son côté, le bistrot du coin fait de la résistance en servant, dès potron-minet, des cafés bien serrés que l’on prend en lisant la presse régionale, avant d’aller bosser ou acheter son pain. Tiens, la mère à Robert a fini par mourir. Et allez, c’est encore nous qu’on va payer ces conneries avec nos impôts ! Y a quoi, ce soir, à la télé ? Bon, les trois cafés, c’est pour moi. J’y vais, bonne journée. Le rite s’accomplit ainsi selon une liturgie bien réglée, patinée par des siècles de convivialité villageoise. Le jour où il ne sera plus possible de résister, une agence bancaire ou un kebab prendra la relève. « Que l’ancien modèle s’incline devant le nouveau rite », chante-t-on à vêpres dans le Tantum ergo

Pendant ce temps, pas bien loin du débit de boisson, comme dit cette administration que le monde entier nous envie, le curé dit sa messe presque tout seul, face à un curé d’Ars et une Jeanne d’Arc en plâtre tout frigorifiés mais fidèles au poste. Le maire a promis qu’on allait réparer le chauffage.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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