Les résultats d’un sondage IFOP pour Charlie Hebdo font réagir sur les réseaux sociaux : 40 % des musulmans feraient passer leurs convictions religieuses avant les valeurs de la République, dont 74 % chez les moins de 25 ans.

La première question à se poser, c’est quelles sont les valeurs de la République ? Tout le monde en parle, mais personne ne les définit jamais. Demander à un quidam s’il préfère son cornet vanille-chocolat habituel à un autre parfum qui ne serait surtout pas défini, c’est lui demander s’il est joueur, s’il est curieux, s’il aime la prise de risque, s’il a une tendance au bluff avec une paire de 3. C’est demander à l’élève s’il préfère les paramètres déjà fixés de l’équation ou l’inconnue qui ne se dévoile parfois qu’après un dur labeur et modulo une probabilité d’échec. Il est, en outre, licite de ne pas avoir un amour et une dévotion sans borne pour la République (et par conséquent ses valeurs) : le curseur peut aller de l’amour inconditionnel à l’exécration en passant par l’indifférence. Un royaliste peut aimer la France, sa terre, sa nation et son peuple, et détester son régime politique. Seuls ceux qui rationnent la liberté d’opinion des autres lui contesteront ce droit, mais ils ne sont pas démocrates. Il est possible que la question de ce sondage ait été mal posée, ambiguë.

À 7 h 55, le 2 septembre, Marine Le Pen a tweeté comme suit : « À quelques jours des 150 ans de la République, ce sondage démontre l'échec effrayant de nos responsables politiques depuis 50 ans. Sans réaction urgente, la République vacillera et l'avenir de nos enfants sera très sombre. MLP »

Depuis 496 (soit 1.524 ans) qu’il existe une France et que s’y trouvent des catholiques, il y a, selon toute vraisemblance, des personnes qui préfèrent leur foi à l’attachement qu’elles pourraient témoigner au régime politique en place, quel qu’il ait été. Faut-il en conclure que la nation française et ses régimes politiques ont échoué à intégrer les catholiques ? Oui, ce raisonnement par l’absurde est spécieux, mais il montre que la réaction de Marine Le Pen dans une république laïque où la liberté de conscience, d’opinion et d’expression serait encore garantie est surprenante. La hiérarchie des préférences entre foi et régime politique relève de l’opinion, du choix personnel, et il ne saurait être restreint. Un catholique serait révolté qu’on l’envisageât.

Sauf que l’islam est multiple, comme notre (menteuse) République qui se prétend pourtant une et indivisible. L’islam n’est pas qu’une religion (qui relie à Dieu ou un panthéon), c’est aussi un système politique avec une loi civile et pénale, la charia, et une nation qui dépasse les peuples et les territoires, l’Oumma. Et il y a, parmi les musulmans, des croyants qui prennent tout en bloc et d’autres qui font le tri et ne gardent que la religion dépouillée de ce carcan politique qui rend si facile l’avènement des régimes totalitaires en terre d’islam.

Madame Marine Le Pen peut se désoler des résultats de ce sondage et y voir un échec des politiques passées. Ne voir que l’aspect religieux de l’islam était, certes, insuffisant et imprudent, c’était une cécité volontaire sur un loup que l’on fait entrer dans la bergerie. Sauf qu’il est permis à messieurs Montebourg et Mélenchon de souhaiter passer à la VIe République, et que dans une démocratie ou prétendue telle, il serait tout aussi licite de vouloir changer de régime : monarchie, empire, république islamique, califat…

Il est temps de conclure et de poser la vraie question. La démocratie à restaurer en France pourrait-elle s’accommoder de restrictions dans la liberté de conscience à accorder aux musulmans ? Non, bien sûr. Alors, qu’attendons-nous pour leur faire lire l’épître à Diognète ?

"Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils n’emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier."

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05 septembre 2020 à 16:05

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