USA : Clarence Thomas, le juge de la Cour suprême qui terrorise l’establishment

JUGE THOMAS

Le silencieux Clarence Thomas fait actuellement couler beaucoup d’encre, outre-Atlantique. Depuis le 24 juin, en effet, et l’abrogation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême des États-Unis, le juge conservateur est désigné comme bouc émissaire par la bien-pensance américaine, ayant subi la disgrâce. En siège depuis plus de trente ans, il ne fait pourtant pas partie des récents sages nommés par Donald Trump. Pourquoi, alors, cet intérêt soudain pour le juge de 74 ans, doyen de la Cour, au point de désormais surnommer cette dernière « The Thomas Court » ?

Chacun y va, bien entendu, de ses commentaires. Une fois encore, Hillary Clinton, ou Madame la Vertu, n’a pas pu s’empêcher d’adresser sa pique personnelle. Sur le plateau de CBS Mornings, elle affirmait : « Nous avons fait nos études de droit ensemble. Depuis que je le connais, il a toujours eu en lui de la rancœur. Ressentiment, grief, colère. »

De même, la presse mainstream publie des éditoriaux à charge. Pour le Financial Times, les récentes décisions de la Cour suprême sur l’avortement, les armes à feu, l’expression de sa religion dans des lieux publics ou encore l’environnement « portent la marque d’un seul juge : Clarence Thomas » C’est également l’occasion d’envisager une destitution : « Les chances d’impeachment sont sans doute pour l’heure très faibles, bien que certains démocrates, dont Alexandria Ocasio-Cortez, aient appelé à la destitution de Clarence Thomas pour avoir menti lors de son audition d’investiture sur le sujet de l’avortement. À l’époque, il affirmait ne pas débattre de Roe v. Wade. »

Beaucoup d’acharnement pour un seul homme qui, pourtant, incarne l’American dream à lui seul. Clarence Thomas est né en 1948 dans une famille pauvre. Abandonné par son père lorsqu’il avait deux ans, il est le fils d'une femme de ménage. Elevé avec son frère par ses grands-parents maternels, il a suivi sa scolarité dans des établissements catholiques dans l’État de Géorgie, jusqu’à être diplômé en droit de la prestigieuse université Yale en 1974. En 1991, George Bush Sr. le nomme à la Cour suprême à seulement 43 ans. Partisan de « l’originalisme » en matière de lecture de la Constitution, il affirme avoir toujours gardé la même ligne (« Le Nord restera toujours le Nord »), contrairement à certains de ses homologues – comme David Souter, retiré depuis 2009 - qui, vieillissant, se rapprochent de la gauche.

Sur les raisons de ces critiques, Ben Carson, célèbre neurochirurgien afro-américain et ancien ministre sous Donald Trump, explique à l’antenne de Fox News qu’« en tant que Noir, il est censé penser d’une certaine façon » Et c’est bien ce qui embête ses opposants. Par exemple, pour Rex Chapman, ancien joueur de basket-ball et animateur sur CNN, « Clarence Thomas n’est pas vraiment noir parce qu’il ne va pas aux matchs de la NBA » (propos rapportés par le New York Post).

On aura tout entendu. Et tout y passe, même son épouse, Virginia. Militante qualifiée « d’ultraconservatrice », elle a récemment agacé la presse (qui, pour une fois, crie au conflit d’intérêts) pour avoir « fait pression sur 29 législateurs républicains de l’État d’Arizona afin d’annuler la victoire de Joe Biden ».

Mais l’électrochoc a sans doute été la récente déclaration écrite du juge Thomas, terrorisant par avance les idéologues. Il affirme que, désormais, la Cour pourra réexaminer la constitutionalité d’autres arrêts sociétaux comme la contraception et le mariage homosexuel.

Le 24 juin 2022 n’est donc pas seulement la victoire des pro-vie. Ce jour marque vraisemblablement une nouvelle ère pour la Cour suprême, sur la « ligne Thomas ». Phénomène bien précisé par Ben Carson : « Nous avons désormais une Cour qui va peut-être pouvoir écouter certains arguments, sans hystérie. Si un cas convaincant se présente, les juges seront prêts à l’examiner. C’est une bonne chose. Nous étions habitués à ce qu’ils votent par idéologie plutôt que sur la base de la Constitution, ce qui est très troublant. » Pas de quoi calmer l'agitation de la gauche française...

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Gaëlle Baudry
Chroniqueuse à BV, spécialiste des Etats-Unis, consultante indépendante

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