[Une prof en France] Et si l’école nuisait à l’instruction ?
Peut-être certains ont-ils lu Ivan Illich. Ce détracteur de la société industrielle avance l'idée que tout outil, s'il s'institutionnalise et devient monopolistique, finit par nuire au but qu'il doit servir. Il développe alors le concept de contre-productivité, et il prend pour exemple représentatif le cas de l'école, après celui de l'automobile, ce qui l'amène à prôner une « société sans école » afin de retrouver une société de la culture et de la formation.
Force est de constater qu'en France, la pensée dominante chez nos dirigeants ne va pas dans ce sens. On demande toujours plus d'école. La solution au problème des quartiers sensibles ? Plus d'école ! Au séparatisme et aux revendications religieuses de la communauté musulmane ? Plus d'école ! À la violence des émeutiers ? Plus d'école ! Toutes les questions sociétales devraient être réglées par l'école, si l'on en croit nos hommes politiques, qui confondent école et éducation. Pourtant, il est patent que l'école ne remplit pas sa tâche, sur le plan de la formation des comportements comme de l'intelligence.
On devrait changer de modèle, mais l'institution n'y pense même pas, et ce n'est certainement pas notre nouveau ministre qui lancera cette révolution salutaire.
L'école n'est plus une structure permettant le développement de l'intelligence personnelle ni la transmission de la culture. Elle ne l'a peut-être d'ailleurs jamais été et n'a pas été fondamentalement conçue pour cela en tant qu'organe étatique, depuis la fin du XIXe siècle. Elle est avant tout une usine de formatage idéologique, et même en cela, elle échoue assez largement, quoique les influences subies par les jeunes n'y soient pas négligeables.
L'espace est compté dans une chronique, et puis l'été porte à l'optimisme et à l'indulgence, alors nous allons juste nous focaliser sur un détail, à partir d'une anecdote.
Thomas Edison, inventeur du phonographe, du télégraphe et de l'ampoule à incandescence, est renvoyé de sa nouvelle école par ses maîtres, à 8 ans, après seulement trois mois de cours, car ces derniers le jugeaient instable et stupide ; il perturbait les cours par ses innombrables questions et on dénigrait la lenteur de ses apprentissages. Sa mère, ancienne institutrice, prend alors en main son éducation intellectuelle, mettant à sa disposition tous types d'ouvrages et du matériel scientifique, et encourageant la curiosité de son fils, pourtant benjamin d'une fratrie nombreuse. Elle a surtout restauré la confiance en soi de son enfant en portant sur lui un regard vraiment bienveillant et stimulant. Une légende évoque même une lettre de ses professeurs, dont elle aurait avec une grande délicatesse inversé le contenu de manière à ne pas ternir l'image que le garçon avait de lui-même, en travestissant les motifs de son exclusion du système scolaire.
Cela a été théorisé par les psychologues sous le nom d'« effet Pygmalion ». C'est un biais cognitif très intéressant que les éducateurs devraient connaître et dont ils devraient faire usage. Quand on encourage un enfant et que l'on justifie l'exigence que l'on a envers lui avec lui par un talent qu'on lui reconnaît, les neurosciences nous apprennent que ses apprentissages comme ses performances sont renforcés.
Nos systèmes d'évaluation sont quasi exclusivement punitifs et, par là, invalidants. Au lieu de valoriser ce que l'enfant sait faire, ce qui attise sa curiosité, ce qui se met en place dans ses apprentissages, nous sanctionnons les erreurs qu'il commet par rapport à une feuille de route - les programmes, les manuels, le format des examens - que nous ne choisissons pas et dont nous n'interrogeons que trop rarement la pertinence. Joseph Jacotot (1770-1840) aurait voulu que les maîtres sortissent de la posture d'explication, qui enferme l'élève dans le cercle de « l'abrutissement » et de l'impuissance, pour créer un « cercle de la puissance » (l'expression est de Jacques Rancière, dans Le Maître ignorant, l'essai passionnant qu'il a consacré à la méthode Jacotot). L'école était, selon lui, un système conçu essentiellement pour rabaisser l'enfant et lui faire croire qu'il ne pouvait pas apprendre seul, qu'il avait besoin d'être formé par un maître dont il était dépendant. Plus l'école devient monopolistique, plus elle dépend de l'État, moins on interroge ses modalités et plus nettement apparaît son objectif de formatage de l'individu, à défaut de son émancipation.
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Un vert manteau de mosquées
31 commentaires
C’est simplement parce que les gauchistes cherchent à augmenter leur électorat.
Ils pensent encore que les enseignants votent tous à gauche, sauf qu’à force d’être au contact des familles compliquées, c’est de moins en moins vrai.
Quand les prof voteront plus à droite qu’à gauche, les antifas seront envoyés dans la rue par leurs maîtres pour crier « tout le monde déteste les profs » et handicapés par leurs mémoires de poissons rouges, ils trouveront ça parfaitement légitime.
J’aime bien Virginie, mais là, je m’interroge. L’auteur parait défendre la méthode largement utilisée qui consiste à laisser l’enfant « apprendre par lui-même ». Si les maîtres sortent de « la posture d’explication », que devient la transmission? Vraiment, je m’interroge.
Attention à la démagogie. L’école vit sur sa lancée de mai 68: élève dorloté placé « au centre du système » (au lieu du savoir), idéologie gauchiste-wokiste qui le dégoûte de son pays, son histoire, sa culture… nivellement par le bas, enseignants prolétarisés et révolutionnaires, contestation permanente de toute forme d’autorité…Bonjour les citoyens de demain.
Les belles théories sur l’éducation idéale ne survivent pas longtemps au choc de la réalité.
Plus d’école ou plus de sous pour l’école ? Moins de politique et de syndicalisme idéologique aiderait surement les recteurs et les profs à mieux travailler… les exemples croisés du « cas Edison » et de Madagascar par » Dernierrecours »
montrent que l’enseignant a une grande responsabilité dans la réussite des élèves : chacun se souvient avoir connu
des profs épatants ! Maintenant le « socle des connaissances » ressemble au mieux à une taupinière et encore des connaissances formelles non agrégées par l’analyse la synthèse ou le discernement; bref peut être que le chèque scolaire pourrait être une solution pour choisir les bonnes pédagogies dans des projets d’éducation cohérents .