Un rapport du comité des États généraux de la Justice ultra-laxiste : heureux comme un délinquant en France

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Il suffit de lire les premières lignes du rapport du comité des États généraux de la Justice de Jean-Marc Sauvé pour comprendre qu’avant de lancer une énième réforme censée « restaurer le pacte de confiance entre la justice et la nation », il faudrait commencer par remettre en question les impensés idéologiques qui ont conduit, particulièrement en matière pénale, à la rupture entre l’institution judiciaire et une très grande majorité des Français.

L’explosion de la délinquance et l’ensauvagement de la société ne semblent, en effet, pas faire partie des constats et des analyses du rapport Sauvé qui, bien loin des attentes de fermeté des Français, poursuit tranquillement le chemin tracé par une idéologie progressiste à la fois antipénale et anticarcérale.

La Justice est peut-être « au bord du gouffre », mais il ne faudrait pas pour autant oublier ceux qui sont déjà tombés dedans : les victimes d’attaques au couteau, de vols avec violence, de viols, de cambriolages ou de rodéos. Qu’ils n’attendent rien de ce nouveau rapport.

On y retrouvera tous les poncifs qui ont conduit à la situation actuelle et à un laxisme sans cesse dénoncé : privilégier un traitement social des délinquants à un traitement pénal, refus de la peine et de la prison, absence de réflexion sur une adaptation de la réponse pénale aux aspects collectifs, organisés et territorialisés de la criminalité.

D’après le rapport, il faut surtout « repenser la peine » afin de réduire la surpopulation carcérale. Ne faudrait-il pas plutôt construire rapidement de nouvelles prisons ? « Une réponse fondée uniquement sur la détention par l’enchaînement de programmes de construction d’établissements pénitentiaires ne peut constituer une réponse adéquate », expliquent les auteurs. Ce qui en dit long sur leurs présupposés idéologiques.

Quant au prononcé de courtes peines d’emprisonnement, il faut qu’il soit « aussi limité que possible » car, le rapport l’affirme, ces peines « ne permettent ni d’agir sur le comportement de la personne, ni de préparer sa réinsertion ».

Et si, par miracle, une peine d’emprisonnement est malgré tout prononcée, il faudra « accélérer la mise en place d’un aménagement ».

Pour comprendre l’étendue du désastre et la faillite de l’État en matière de délinquance, on se reportera au numéro d’avril dernier de la Revue Française de criminologie et de droit pénal éditée par l’Institut pour la Justice. Dominique-Henri Matagrin, magistrat honoraire, fait le constat d’une Justice pénale qui est d’abord une Justice « a-pénale », en complet décalage avec les attentes de la société.

Les chiffres qu’il présente valent mieux que les longs discours de Messieurs Darmanin et Dupond-Moretti. Sur l’année 2019 (avant la crise sanitaire), seulement 11,3 % des affaires signalées à la Justice ont débouché sur une comparution devant un juge pour statuer sur l’existence et la sanction d’une infraction. Sachant que la chancellerie masque cette réalité en intégrant notamment à son « taux de réponse pénale » des mesures alternatives d’évitement, comme le « rappel à la loi », qui ne constituent pas de véritables peines.

Sur le plan carcéral, en 2020, rapportés au nombre d’auteurs « poursuivables », les condamnés à une peine de prison ferme (totale ou seulement partielle), ne représentent que 8,1 %.

Une fois la peine prononcée, il faut qu’elle soit exécutée (le taux, pour les peines d’emprisonnement ferme, est de 54 % à six mois et de 71 % à un an). Sachant qu’on ne sait même pas de quelle peine on parle puisque entre les aménagements, les réductions ou les libérations conditionnelles, les possibilités de modification de la nature comme du quantum sont larges.

La violence et la criminalité prospèrent, non pas seulement en raison d’un manque de moyens de la Justice, mais surtout du fait d’une idéologie antipénale et anticarcérale qui continue à s’imposer contre la volonté des Français. Ce qui témoigne de la nature profondément antidémocratique d’un progressisme autoritaire qui privilégie l’idéologie sur la volonté populaire.

En attendant, combien de destins brisés, de familles dévastées, de victimes ignorées ? Combien de policiers agressés, menacés, insultés ? Qu’ils n’attendent pas de ces États généraux de la Justice le moindre changement.

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Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

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