Un procès pour quoi faire ?

Vingt prévenus cités, quatorze comparaissant, devant répondre de l’assassinat, un certain 13 novembre, d’une centaine de personnes immolées à la barbarie aveugle ! Le prévenu principal pétri de morgue reste cependant sans un mot de repentir et, déjà, la question se pose : qu’attend la République de ce procès ? Que peut-elle bien en attendre ? Est-ce de marquer les esprits, de rappeler la prééminence de l’État de droit et d’inspirer la crainte aux futurs assassins ?
L'attitude du prévenu devrait nous dissuader de le penser. Pour d’aucuns, il est déjà un héros. Les prévenus n’inspirent pas l’horreur que l’on croit. Ils se moquent de ce procès et de l’État de droit comme de l’an quarante, ils ont obtenu à travers le bavardage médiatique à venir une tribune dont ils n’auraient osé rêver. Ce qu’ils n’ont pu diffuser par les ondes ordinaires profitera d’une amplification par les ondes judiciaires et tout le petit monde médiatique avide de gloire commentera leurs propos plus souvent que ceux du pape, en feignant d’ignorer qu’ils offrent une gigantesque campagne publicitaire pour pas un radis aux frais du contribuable ! Les uns et les autres resteront, hélas, en deçà et au-delà d’une ligne rouge infranchissable, d’un côté les défenseurs de l’État de droit avec leur Justice en robe et leurs catalogues de droits, de l’autre ceux qui ne veulent rien d’autre que le renverser pour instaurer un autre ordre avec une Justice en kalach et des catalogues expurgés. Entre les deux, point de dialogue possible.
Les proches des victimes réclament une légitime justice, certes, ils réclament que soient éclairées les circonstances qui ont empêché le passage à l’acte alors que des alertes explicites avaient été données. De ce point de vue, le procès serait alors celui de la République et de ses failles et je ne suis pas certain qu’il revienne à la sphère judiciaire de l’instruire. Que le politique prenne ses responsabilités ! Le procès se terminera par des condamnations qui seront interprétées comme autant de certificats en martyrologie. Les prévenus n’en demandaient pas tant. Le peuple de gauche avide de repentir continuera à s’illusionner sur la rédemption intrinsèque à l’universalisme occidental, mais les enfants continueront à fréquenter des écoles écoresponsables où ils se rendent la peur au ventre et apprennent de moins en moins dans un souci de lutte contre les discriminations, tandis que Benoît Hamon délaisse la politique pour une association humanitaire favorable aux seuls migrants pacifiques et que Caroline De Haas obtient la suspension d’un professeur de conservatoire pour usage abusif de contrepèterie. Va comprendre, Charles ! La farce républicaine sera jouée une fois de plus pour éviter de bien nommer les choses ! Nous n’apprenons rien, sans doute de ne rien vouloir apprendre. Aurions-nous désappris de « voir ce que l’on voit » ?
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Roland Goeller
Cadre des transports à la retraite, écrivain

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