Ultra-moderne solitude : Ciao, facteur ?

facteur
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Cet article a été publié le 07/01/2023.

L'été, temps des cartes postales ou des longues lettres. Même si elles sont un peu passées de mode, faut-il faire aussi disparaître les facteurs ? La Poste y a pensé.

 

France Info a relayé cette assez triste nouvelle : La Poste va expérimenter, dans plusieurs communes de ce qu'il est convenu d'appeler la France périphérique, la disparition des tournées quotidiennes du facteur. D'un point de vue strictement rationnel, cette disparition, pour le moment expérimentale, rassurons-nous, va de pair avec la suppression, depuis le 1er janvier 2023, du timbre rouge, jadis réservé aux courriers urgents. Il n'y a plus que des timbres verts. Et, donc, moins de facteurs.

Ce changement n'est pas seulement rationnel. Il est aussi - allons-y d'un mot ronflant - ontologique. La lettre est désormais au courriel ce que la nationale est à l'autoroute : d'un côté, il y a le chemin de traverse, la lenteur sympathique, le temps consacré à profiter des choses, à former les lettres comme à la communale sur du beau papier ou à prendre les virages, la vitre entrouverte sur la campagne en été ; de l'autre, l'ordre de la vitesse, les lignes droites, les fibres optiques, les télépéages et les boîtes saturées d'informations. Georges Pompidou aurait écrit quelque part, en marge d'une note officielle, qu'à côté des autoroutes des Trente Glorieuses, il faudrait laisser de la place aux petites routes et à la flânerie. En tout cas, il s'était ému que l'on abatte les arbres au bord de nos vieilles routes de France. Il aurait sans doute salué la survie de La Poste, pourtant de plus en plus anachronique.

Et les facteurs, alors ? On les supprime ? Dans l'imagerie populaire, le facteur assure le lien social, par exemple avec le chien qui lui mord les mollets ou avec l'épouse volage (qui donne tout naturellement naissance au « fils du facteur »). Il était le prolongement naturel du colporteur d'autrefois, qui donnait des nouvelles, qui en prenait aussi. En certaines occasions, il découvrait même les petits vieux, morts seuls, dans des maisons loin de tout. Il arrivait à vélo, dans le temps, avec le bruit familier de la sonnette, puis en voiture (comme le facteur antillais des Visiteurs, dont la 4L sera massacrée par un Godefroy de Montmirail en grande forme). Aujourd'hui, c'est souvent en triporteur ou en fourgonnette qu'il apporte les colis. Point de camion blanc antédiluvien comme ceux de nombreux livreurs Amazon, point de colis fragile balancé par-dessus le portail ou carrément volé : le facteur est bien élevé et, surtout, il représente, dans les petits villages, une survivance de l'État, bien peu jacobin quand il s'agit de lien social.

Yves Montand ne pourrait plus faire la course à bicyclette avec la fille du facteur. L'expérience sera un succès, on l'étendra à tous les jours de la semaine. Puis on n'enverra plus de lettres. Et chacune et chacun, toutes et tous, enfermé.e.s dans l'ultra-moderne solitude que chanta Alain Souchon, mourra seul dans sa petite bulle. Peut-être créera-t-on, pour recycler les postiers, selon une tradition tenace de ce gouvernement, un numéro gratuit pour faire passer la mesurette. Souhaitons seulement que, pour une fois, il ne soit pas vert mais jaune. Ce sera toujours ça.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:19.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

64 commentaires

  1. Il y a déjà bien longtemps que dans nos campagnes reculées, « aux périphéries » selon la nov langue, que le boulanger, le boucher, le poissonnier ou le quincailler ne passent plus. On nous annonce tout aux long des routes « ici nous déployons la fibre » mais d’un autre côté combien de lieux dit ne sont toujours pas desservis en eau potable, rassurez vous nous n’allons quand même pas puiser au puits avec notre seau, les pompes existent.
    Maintenant on nous parle de supprimer les tournées de facteur: un jour par semaine , puis un jour sur deux puis ce sera un passage hebdomadaire et il nous sera généreusement expliqué qu’il s’agit là d’une évolution pour notre bien. J’ai déjà reçu ce genre de courrier de la part de l’administration des impôts qui à l’occasion d’une délocalisation d’un service à 70 km nous expliquait qu’il s’agissait, pour notre bien, d’améliorer le service qui se faisait auparavant à 10 km !
    Laissons l’état se dessaisir de tous les services publics en les privatisant et ainsi les petites gares ferment, les bureaux de postes disparaissent, le trésor public s’éloigne, l’électricité devient d’un coût phénoménal, les communes se regroupent donc les mairies et les maires sont plus éloignés de la population. Voila l’évolution et le développement harmonieux que l’on nous propose, l’éloignement et le suppression, pour ceux qui ne sont pas dans des mégalopoles, des services publics.
    Ne désespérons pas bientôt on nous enlèvera le goudron sur nos petites routes de campagne en nous expliquant que c’est plus écologique et meilleur sous le sabot du cheval qui tractera notre voiture à crottin dernier cri!
    François Laurentie

  2. Je dis au contraire qu’un courriel a valeur de recommandé car il est daté avec preuve d’envoi et de réception. Perso, quand je joue dans l’officiel administratif, je fais les deux, papier et électronique, comme çà, pas de discussion, en plus l’administration ne demande même pas le recommandé, indispensable plutôt pour les activités commerciales.
    En plus le courriel me donne une réponse rapide si pas immédiate et ne risque pas de trainer dans un casier ou sur un bureau….

  3. Nouvelle expérimentation : les facteurs ne passeront plus qu’une fois par an, en fin d’année, pour proposer les calendriers !!!!

  4. La Banque Postale n’est plus ce qu’elle fut, c’est une Banque point barre ! Depuis quatre décennies pour le moins les gouvernements se sont efforcés de destructurer notre France, ils y sont parvenus !

  5. Presque tout le monde envoie désormais des e-mails gratuits à la place des lettres payantes et on pleure que les facteurs disparaissent.
    C’est comme pour les petits commerces : nous faisons nos courses dans les grands centres commerciaux et en même temps nous déplorons la fermeture et la disparition des boulangeries, épiceries, boucheries, poissonneries, drogueries, etc..de quartier ou de village.
    Il faut savoir ce que l’on veut.

  6. La POSTE a loupé tous les virages que d’autres ont pris sans hésitation. Elle ne livre plus les colis d’Amazon depuis quelques années aux profits d’indépendants qui font le job. Les agents dans les bureaux de poste ont la réputation : d’être désagréables, peu enclins au service +, peu pressés de servir mais pressés de partir…
    Fut un temps ou le facteur passait deux fois par jour (oui, monsieur) quand aujourd’hui cela devient aléatoire : il n’est pas rare de lire mes quotidiens du vendredi et du samedi le lundi… et là, les nouvelles sont moins fraîches…!!!

  7. Pour moi, le principal problème reste le même : la transparence TOTALE imposée et l’atteinte au respect de la vie privée. De même que sur la route, l’autoroute permet maintenant un flicage de chaque déplacement (le jour, l’heure et le parcours et on ne peux plus payer en liquide), cette réforme de la poste permet de « décachetter » le courrier de chacun puisqu’on est obligé d’utiliser internet (à la merci de tous les hackers et de tous les espions) pour communiquer. Finie la confidentialité !

  8. C’est le lien social qui disparait. Ceci fait parti d’une volonté politique d’isolement des Français et s’inscrit dans la même logique que la fermeture des bistrots pendant la crise Covid. L’absence de lien social évite de discuter et d’échanger donc de mesurer la déliquescence de notre pays. Il serait temps que ceux qui ont voté Macron mesurent enfin quel triste personnage ils ont élu.

    • Oui : le grand isolement . Reste plus que le téléphone; quand il fonctionne et que l’interlocuteur est disponible…

  9. Le facteur dont vous parlez à déja  disparu. Celui qui montait les escaliers pour porter une lettre recommandée celui qui faisait le tour de la maison pour déposer un paquet en toute discrétion, celui qui vous racontait les nouvelles , celui qui vous apportait  une lettre qui vous était destinée mais libellé à une mauvaise adresse etc…..il cédé la place à un anonyme qui dépose un avis de passage sans même sonner à votre porte, qui refuse de déposer du courrier si votre boite n’est pas aux normes, et retourne à l’expéditeur une lettre mal libellée,  alors ce nouveau type de facteur ne me manquera pas.

  10. Je suggère à tous ceux qui ont leurs comptes bancaires à la poste changent de banque en signe de protestation . Peut être le meilleur moyen de se faire entendre .

  11. Continuons à envoyer des lettres ….Je crois qu’en justice encore les courriels ne suffisent pas …

  12. Les tarifs ont doublé, les timbres sont en voie de disparition (plus de ventes dans les bureaux de tabac qui préfèrent vendre des grattages). La presse quotidienne n’est plus distribuée obligeant à des porteurs spéciaux. Les timbres rouges ne peuvent plus être assumés. Autant dire que le service postal n’existe plus, renvoyé au temps des courriers de poste et de l’aérospatiale. Encore un service régalien et assermenté qui disparait sans faire de bruit. La France devient un chef d’oeuvre en péril » !

    • Je continue à couvrir de belles enveloppes de pleins de jolis timbres, même si ce n’est plus la « procédure » et que c’est proscrit. Et je vais les déposer une ou deux fois par semaine à ma boulangère/bureau de tabac du bourg, histoire d’avoir quelqu’un à qui causer en dehors de ma voisine quand le temps est au beau par dessus la haie: Ca me fait un palmarès de 3 conversations 1/2 de 5 minutes par semaine + 1 ou 2 coups de fil : « Joyeuse retraite », m’avaient-ils dit au dernier pot de départ, il y a 9 ans !

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