Le jeudi 4 août dernier, l’ONG Amnesty International a publié sur son site Internet un rapport alarmant sur les tactiques de combat ukrainiennes utilisées pendant le conflit. Si plusieurs observateurs font un constat identique depuis quelques semaines, le rapport d’Amnesty officialise ce que la presse occidentale peinait à assumer jusqu’alors : la stratégie militaire des forces armées ukrainiennes met en danger les populations civiles. Mais que dit précisément ce rapport ? Les Ukrainiens usent-ils des civils comme de simples boucliers humains ou bien le caractère défensif de la tactique ukrainienne est-il responsable de ces nombreuses pertes humaines ? Décryptage.

Des soldats ukrainiens combattent en zone civile

Le rapport est introduit de façon très claire : « Les forces ukrainiennes mettent en danger la population civile en établissant des bases et en utilisant des systèmes d’armement dans des zones résidentielles habitées, notamment des écoles et des hôpitaux, lors des opérations visant à repousser l’invasion russe qui a débuté en février. » Sur ce point, les allégations d’Amnesty semblent être corroborées par de nombreuses photographies et vidéos prises par des soldats ukrainiens eux-mêmes et publiées sur l’application de messagerie cryptée Telegram. Sur ces photos, il est possible de voir des soldats ukrainiens en armes se filmer à l’intérieur d’écoles ou de gymnases.

En droit humanitaire international, « il est interdit de prendre ou d’utiliser la présence de personnes protégées par les conventions de Genève comme boucliers humains pour mettre certains sites militaires à l’abri d’une attaque ennemie ou pour empêcher la riposte lors d’une action offensive (GIV art. 28 et 49 ; GPI art. 51.7 ; GPII art. 5.2 c). » ; ce qui semble être, au regard des conclusions d’Amnesty, le cas pour l’armée ukrainienne. Cette atteinte au droit international incite la secrétaire générale d’Amnesty, Agnès Callamard, à déclarer que « […] les forces ukrainiennes ont mis en danger des civils et violé les lois de la guerre en opérant dans des zones habitées ».

Combats en zones habitées : stratégie défensive oblige ?

Après sa publication, le rapport de l’ONG a fait grand bruit. Sévèrement dénoncé par Kiev, la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Hanna Maliar, a accusé Amnesty de ne rien connaître des tactiques militaires en assurant que « l’armée ukrainienne fortifie et défend les villes et les villages. Si nous attendons l’ennemi russe sur le champ de bataille, comme certains nous le conseillent, les Russes occuperont toutes nos maisons. » De façon évidente, l’armée ukrainienne a perdu, dès les premières semaines du conflit, sa capacité à lutter à armes égales face aux Russes. La poursuite des opérations de défense a conduit les autorités du pays à dispatcher les troupes partout à l’est et, notamment, au sein des zones urbaines qui, lorsqu’elles sont bien défendues, peuvent freiner les avancées russes pendant des semaines.

Si l’Ukraine se défend d’utiliser les civils comme élément stratégique de sa guerre défensive, il faut tout de même garder à l’esprit que 1) Volodymir Zelensky a appelé à la mobilisation générale et distribué massivement des armes à la population ; 2) l’Ukraine met en place depuis 2014 des « forces de défense territoriale » composées de réservistes et dont le but est de combattre au sein ou à proximité des zones habitées. Malgré tout, l’argument défensif utilisé par Kiev ne convainc pas Amnesty, amenant à la méfiance d’Agnès Callamard : « Le fait de se trouver dans une position défensive n’exempte pas l’armée ukrainienne de l’obligation de respecter le droit international humanitaire. »

Rapport d’Amnesty : une enquête solide

Malgré la colère des autorités ukrainiennes, Amnesty n’en démord pas et se réfugie derrière « des faits irréfutables ». Ainsi, l’ONG britannique affirme, preuves à l’appui, que les forces armées ukrainiennes ont « lancé des attaques depuis des zones habitées et se sont installées au sein de bâtiments civils dans 19 villes et villages ». Toujours selon Amnesty, « quand l’armée ukrainienne s’est installée dans des structures civiles dans des zones résidentielles, elle n’a ni demandé aux civils d’évacuer les bâtiments environnants, ni aidé les civils à les évacuer, s’abstenant ainsi de prendre toutes les précautions possibles pour protéger la population civile ».

Là encore, les accusations de l’ONG mettent le gouvernement ukrainien en porte-à-faux, le droit humanitaire international stipulant que, en cas de guerre, les civils doivent être éloignés coûte que coûte des installations militaires. Les experts d’Amnesty ont également interrogé plusieurs civils ukrainiens, l’un d’eux leur a répondu : « Je ne comprends pas pourquoi notre armée tire depuis les villes et non depuis la campagne. »

Face à la réaction de Kiev et aux indignations de la presse internationale, Amnesty n’a pas effacé son rapport mais s’est empressé d’y ajouter une précision : « Rien de ce que nous avons documenté sur les agissements des forces ukrainiennes ne justifie en aucune façon les violations commises par les forces russes. Seule la Russie est responsable des violations qu’elle a commises à l’encontre de la population civile ukrainienne. » Peu de temps après la publication, la responsable d'Amnesty International en Ukraine, Oksana Pokaltchouk, a démissionné de ses fonctions, reprochant au dossier d'avoir sans le vouloir servi « la propagande russe ». L’ONG a fini par s’excuser et a affirmé « regretter la douleur causée ».

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09 août 2022 à 16:45

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30 commentaires

  1. le president ukrainien instrumentalisé par les u s a afin de discrediter moscou
    le but uniquement mercantile : vendre du gaz de chiste à l’u e

  2. La lecture des commentaires est revigorante. Enfin, l’opinion commence à réaliser qu’elle a été outrageusement abusée dans ce conflit. Pour qui a pris la peine de s’informer en tant soit peu, il est clair que les Russes n’ont pas envahi l’Ukraine en février 2022 mais lancé une opération de légitime défense au secours des Autonomistes du Donbass sur le point d’être écrasés. La guerre contre eux a commencé en 2014, au lendemain des sages accords de Minsk que l’Ukraine a répudiés sous la pression des faucons américains qui mènent le jeu.

  3. Au début de cette guerre , j’ai vu parmi une liste de conseils de l’OTAN ,celui de se cantonner dans les villes.

  4. Une simple remarque; peut-être serait-il intéressant de comparer le nombre de victimes civiles ukrainiennes, en six mois, à celui des victimes normandes, en six semaines, après le débarquement de 1944. Histoire de réfléchir un peu…

  5. Après ses crimes au Donbass, faut-il que Zélensky ait passé les bornes dans le reste de l’Ukraine, pour qu’Amnesty International le rconnaisse !

  6. Rien sur la presse française concernant le clown des usa qui sacrifie les siens à tour de bras pour renforcer son matelas financier et immobilier. Seuls l’Allemagne et l’Autriche parlent des méfaits de cet individu drogué qui plus est!. Depuis 2014 la guerre menée en Ukraine tue les pro-russes dans le plus grand silence de la presse française. Le fait que l’armée ukrainienne se calfeutre près des civils retarde les militaires Russes dans leur avancée et ainsi pouvoir mettre un terme à ce conflit qui n’aurait jamais dû exister si l’Allemagne et la France n’étaient pas soumis aux usa comme des carpettes et avaient obligé ce clown de Zelensly à appliquer les accords de Minsk.

  7. Comme toujours macron s’est rangé avec Ursula von der Layen et a donné des armes dont nous pourrions avoir besoin lors d’un conflit européen rêvé par les USA qui, à travers l’Otan, installent des bases militaires face à la Russie. Zélensky est un criminel de guerre qui n’a que faire de la population civile. La France n’a rien à faire de ce conflit du au non respect, par l’Ukraine, des accords de février 2014.

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