[Tribune] Présidence LR : Wauquiez se positionne face à Marine Le Pen

Éric Ciotti

 Avec 42,73 % des voix au premier tour, Éric Ciotti devrait vraisemblablement être élu président des LR. Il sera le porte-flingue de Laurent Wauquiez pour 2027.

Qui s’intéresse aux Républicains, à part moi ? Pas grand monde, du moins si j’en juge par le peu d’engouement qu’a suscité le premier tour de l’élection pour la présidence des LR. À dire vrai, ce n’était pas une élection, mais une punition, comme un dimanche pluvieux sans fin en compagnie de l’inspecteur Derrick ou d’Annie Ernaux. On a connu week-end plus animé. Seule fantaisie de la journée. Une journaliste du JDD est parvenue à faire voter deux chats prénommés Kalli et Zizou moyennant une « cotisation couple » sans jamais que leur identité ne soit vérifiée. Mais qui, en France, vérifie encore l’identité – ce gros mot ? De toute évidence, tout le monde pouvait voter, mais on ne s’est pas bousculé. Comment choisir entre Éric Ciotti, Bruno Retailleau ou Aurélien Pradié ? C’est un match pour la troisième place avec les « coiffeurs ». Ciotti a grandi dans l’ombre d’Estrosi, Retailleau dans celle de Villiers, Pradié dans celle de Claude Chirac. S’ils avaient dû participer à un casting de Baron noir, ils auraient tous été retoqués, comme les candidats de la primaire de la droite. Ne manquait d’ailleurs que Valérie Pécresse pour se croire à un entretien d’embauche de la DRH d’une station thermale. Pauvre Valérie : c’est une chose de faire l’ENA, c’en est une autre de réussir l’oral devant les Français. Quand elle donne des coups de menton, elle ne fait trembler que la vaisselle. Cela ne l’a pas empêchée de prendre le melon, avant de découvrir, dépitée, que les melons sont comme les courges – des cucurbitacées. Adieu Valérie, bonjour Éric.

Ciotti, entre Don Camillo et Peppone

Fort de la plus grosse fédération LR, celle des Alpes-Maritimes, Ciotti est arrivé en tête et devrait l’emporter dimanche prochain face à Bruno Retailleau, une bonne nouvelle pour Laurent Wauquiez, dont il est le faire-valoir. Je crois volontiers les amis d’Éric Ciotti qui disent de lui que c’est un brave type, mais il ressemble trop à André Pousse dans un film de Michel Audiard pour faire un président convaincant. C’est le gendarme de Saint-Tropez qui se voit ministre de l’Intérieur. Après tout, se dit-il, Don Camillo est bien devenu évêque et Peppone sénateur. Pourquoi pas moi ? Il joue au faux dur, mais son signe astrologique, c’est Balance. Le type qui hésite tout le temps. Le lundi il est zemmourien, le mardi chiraquien, le mercredi il ne sait plus trop où il est. Il y a moins d’un an, il plastronnait haut et fort qu’il ne partageait pas seulement un prénom avec « mon ami Éric ». Aujourd’hui, il se sent plus proche d’un député LFI au passé trouble que d’un député RN. Cela s’appelle avoir de la suite dans les idées. Sur ce mont Chauve, nul doute qu’il n’en a pas souvent germé.

Il se rêve en Charles Pasqua. Mais Pasqua avait du coffre et un stock inépuisable d’histoires drôles. Plus un génie du verve que du verbe qui chantait juste et parlait faux. Ciotti est loin de le valoir. Il ne donne pas le sentiment d’avoir une colonne vertébrale, alors qu’il y en a une chez Retailleau, même si c’est celle de la Manif pour tous, électoralement marginale, sans espace politique, qui se heurtera à Marion Maréchal et à Reconquête.

Les LR servent-ils encore à quelque chose ou bien sont-ils comme le concombre de mer, l’heure d’hiver et les livres d’Annie Ernaux parfaitement inutiles ? À ce propos, connaissez-vous le destin des caractères inutiles dans la théorie de l’évolution ? Ou bien ils perdurent mais en tant que structures vestigiales (c’est le terme savant), ou bien ils disparaissent. L’appendice intestinal dans le premier cas ; la queue dans le second dont il ne nous reste que le coccyx. Un peu comme les LR.

Les LR, agence régionale pour l’emploi

On souhaite bien du courage à Éric Zemmour avec son union des droites quand on voit combien les LR, dans le périmètre restreint qui est le leur, peinent à s’accorder, coincés qu’ils sont entre une UDF macronisée et un RPR zemmourisé. C’est un peu l’âne de Buridan qui n’aurait le choix qu’entre une avoine mangée par des charançons macroniens et le seau d’eau glacé zemmourien. Résultat : les effectifs fondent à vue d’œil, dans les sections et les élections. Pas de leader, encore moins de leadership. Après avoir été champion de France en 2007, les LR jouent en D2 – en D3 pour Valérie Pécresse, même pas repêchée à 5 %.

Ce n’est plus qu’un parti d’élus et de notables, comme au bon vieux temps de la Troisième. Un bureau de placement régional qui permet de conserver des municipalités, de contrôler le Sénat et de présider l’association des maires de France. La marque est périmée, se rassurent certains cadres. Non, Messieurs, ce n’est pas un problème de marketing, c’est un problème de fond, plus encore que de positionnement. À quoi bon changer le nom sans changer le fond ? Ce n’est pas parce que GDF Suez devient Engie que le gaz est moins cher. Au contraire. Les LR ont beau dire qu’ils ne sont pas fongibles dans le macronisme, Macron sait qu’il peut compter sur deux alliés au Parlement : le 49-3 et les LR. Plus Sarkozy, dont l’ombre plane toujours, régent à vie qui ne veut surtout pas qu’un nouveau roi émerge, seulement des roitelets.

Wauquiez : ce sera Marine ou moi

L’intérêt de cette élection, c’est de préparer le terrain pour Laurent Wauquiez, qui se voit déjà au second tour en 2027. Wauquiez a besoin d’un parti en ordre de marche, fût-elle claudiquante, pour faire connaître son bilan régional. C’est le surdoué ambitieux aux dents longues. Le problème, c’est qu’on n’a longtemps vu que les dents. Parcours sans faute jusqu’au crash des européennes où son candidat, le pourtant brillant François-Xavier Bellamy, a pris le bouillon. Jusque-là, Wauquiez avait tout réussi. Député à 29 ans, membre du gouvernement Fillon de 2007 à 2012, maire du Puy-en-Velay en 2008, réélu au premier tour en 2014, président de la seconde plus grande région française, Auvergne-Rhône-Alpes, depuis 2015. Normalien, premier à l’agrégation d’histoire, major de l’ENA. Difficile de faire mieux.

Il sait se mettre en scène, la parka rouge et les cheveux blancs qui viennent corriger un visage juvénile. Bon époux, bon père. La photo de famille est presque trop parfaite, comme s’il lavait plus blanc que blanc. Difficile de faire du judo avec lui, tant il n’offre aucune prise. Son kimono est en téflon. Tout glisse. Il a beaucoup d’atouts dans son jeu, sauf son jeu justement, bien trop lisible. Lui qui arbore en permanence un éternel sourire légèrement agaçant, un peu comme Simon Templar dans Le Saint : il lève les yeux et une auréole apparaît. Quand il ne sourit pas, il aboie sur les journalistes et sur les élus de l’opposition.

Il ne traîne pas de costumes comme François Fillon, il ne cache pas une Julie Gayet dans le placard, aucune chance qu’on lui reproche je ne sais quel financement libyen. Crapoteux et crapuleux, Gaël Perdriau, l’édile de Saint-Étienne, qui l’accusait grossièrement de pédocriminalité, s’est fait prendre par la patrouille. Les journalistes en sont réduits à se demander si Wauquiez a rencontré sœur Emmanuelle une ou plusieurs fois pendant son stage de l’ENA au Caire ou s’il a bien porté un gilet jaune avant l’incendie de la préfecture du Puy-en-Velay, en 2018. C’est maigre.

Il campe sur la ligne gagnante de 2007, l’axe Sarkozy-Buisson : la valeur travail adossé à la défense de l’identité. Il y ajoute même le procès de l’assistanat, puissant levier électoral dans la France périphérique où les classes populaires tiennent à se démarquer des « cas soc’ » qui vivent (mal) de l’argent public.

À 47 ans, on le croyait assagi ; on imaginait qu’il avait appris à économiser sa parole, à se hâter lentement. Mais non. Dès qu’une occasion se présente, il retombe dans ses travers et proclame qu’il affrontera Marine Le Pen au second tour en 2027. Sur le ton où il disait avant 2022 : ce sera Macron ou moi ! Il n’a jamais pu cacher son ambition. C’est plus fort que lui. Il piaffe d’impatience comme un cheval de course, même s’il affecte de jouer au percheron rustique qui fuit les mondanités parisiennes. Personne n’est dupe. Il a le potentiel pour participer au prix de l’Arc de Triomphe 2027. Le gagner sera une autre histoire.

François Bousquet
François Bousquet
Rédacteur en chef d’Éléments et directeur de la Nouvelle Librairie

Vos commentaires

35 commentaires

  1. Le pauvre garçon. Il paraît qu’il a le QI le plus élevé du monde politique. Malheureusement un bon QI ne veut pas dire bon sens. Ne sent-il pas l’eau qui monte ? Il est dans un bâteau qui coule. Bientôt Sarkozy y fera un trou supplémentaire.

  2. Ce Monsieur Ciotti devrait s’effacer au profit de Monsieur Zemmour qui, même au-delà de son fiasco électoral, avait fait une campagne beaucoup plus brillante contre Marine Le Pen.

  3. Dire des LR qu’ils sont inutiles comme les concombre de mer est méprisant… pour les concombres de mer. Ceux-ci, de leur petit nom « holothuries », ont en effet une utilité : ils sont comestibles (correctement apprêtés) et fort prisés. Pas chez nous, pas encore, mais au Japon, notamment.

  4. Qu’il soit permis d’être agacé par cette persistance quasi générale à situer les LR à droite! Les soi-disant ex-RPR se sont progressivement assis entre deux chaises, tout comme Giscard qui voulait gouverner  » au centre ». On connaît le résultat!

  5. Plus un vote pour le parti des traîtres si prompts à retourner leur veste pour choisir là meilleure opportunité qui profitera à leur carrière, seul ça les intéresse

  6. L. Wauquiez avait été élu à la tête de L.R. et ils ne l’ont pas suivit….Il a été débarqué…..ça fait trop longtemps que l’UMP puis L.R. se sont fichus de nous, surtout depuis 2008….MLP du R.N. avec la retraite à 60 ans ce n’est pas exactement la Droite, réforme des retraites qu’elle ne pourra pas faire, même à s’opposer à l’U.E…..Il y a un autre Parti à Droite qui s’est emparé du Programme du RPR du GDG….même s’il ne pourra pas gouverner, il est bien de Droite

  7. Certes, Ciotti s’est prononcé publiquement pour Wauquiez en 2027, mais il est évident qu’il sera également le candidat plébiscité par Retailleau si celui-ci venait à l’emporter dimanche. Wauquiez est effectivement le candidat parfait, et contrairement à l’époque où il était à la tête du parti et où on lui avait reproché d’être « trop à droite », il aura cette fois le champ libre du simple fait que la situation est tellement catastrophique qu’enfin tout le monde aura compris que seules des mesures vraiment énergiques pourront nous sortir de cette situation. Au sein du parti, tous ceux qui pourraient lui mettre des batons dans les roues seront partis, et ceux qui y seront toujours, seront tous derrière lui. Donc, contrairement à votre conclusion, je dirais qu’une victoire en 2027 est loin d’être perdue.

  8. LR girouette , gagné à n’importe quel prix , avec n’importe qui , mais gagné pour assurer ses avantages tout cela au détriment du peuple et de la France bien entendu .Nous n’en voulons plus de ces arrivistes , de ces girouettes .

  9. Je crois ne pas être la seule à penser ne plus jamais voter pour un seul représentant de ce parti de girouettes gauchisantes.

  10. comment faire confiance a des gens qui ne savent pas ou ils vont, pour diriger il ne suffit pas de regarder la girouette

  11. Si cette girouette est élue c’est pour le coût que Wauquier sera devant un très très gros problème pour que ce parti se relève. Ils sont plutôt très cuits par leur traitrise permanente et c’est tant mieux.

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